Alors que les regards du monde de l’athlétisme sont tournés vers les Championnats d’Europe à Munich, les plus férus des passionnés ont pu se délecter du 1 au 6 août d’un magnifique spectacle chez les moins de 20 ans. En effet, ceux-ci avaient rendez-vous à Cali pour les Championnats du Monde, une occasion pour la délégation française de se jauger face aux meilleures nations. Le résultat est très encourageant avec des noms d’ores et déjà à retenir.
Trois médailles pleines de promesses

L’équipe de France repart de Colombie avec trois médailles dont deux titres mondiaux. À commencer par Erwan Konaté, 19 ans, qui conserve son titre mondial junior déjà acquis l’an dernier à Nairobi au Kenya. Avec une marque à 8,08 m, il décroche l’or et réalise la meilleure performance junior de l’année, confirmation de son talent précoce qui émerge. Il aura fallu attendre le cinquième essai pour le sociétaire de l’Amiens UC pour éteindre tout suspense lors du concours. Cette mise en lumière lui a permis de participer au Meeting Herculis de Monaco, comptant pour le circuit Diamond League. Nul doute qu’il faudra compter sur lui à l’avenir pour raviver la flamme française en saut en longueur à l’international.
Toujours en saut, mais à la perche cette fois-ci, Anthony Ammirati arrivait en grand favori à Cali, étant en avance sur tous les temps de passage de sa catégorie. Après une qualification réussie à 5,20 m, le concours n’est plus qu’une formalité, même si la résistance du Finlandais Juho Alaasari a été impressionnante. Il aura fallu attendre trois échecs à 5,70 m pour ce dernier et ainsi voir Anthony devenir champion du monde junior, lui qui passe à 5,75 m pour remporter ce titre.
Cette hauteur n’est autre que le nouveau record de France de la catégorie, ainsi que la meilleure performance mondiale de l’année junior, preuve de sa domination. Sur sa lancée, il s’est même octroyé trois essais à 5,83 m, record du monde U20 détenu par Armand Duplantis, en vain. Celui qui est entraîné par Philippe d’Encausse, également coach de Renaud Lavillenie, se positionne très bien à l’aube de Paris 2024 et pour la saison du Perche Élite Tour qui arrive d’ici à quelques mois.

Côté féminin, Sohane Aucagos n’est pas en reste, puisqu’elle obtient la médaille d’argent sur le triple saut avec un saut à 13,38 m, loin derrière l’Ouzbek Sharifa Davronova, qui est allée jusqu’à 14,04 m. Dans des conditions parfaites, la Française est « arrivée plus déterminée que jamais » pour ces championnats, qui lui offrent sa première médaille internationale. Alors que Jean-Marc Pontvianne a décroché le bronze à Munich en triple saut chez les hommes, l’avenir de la discipline en France semble assuré et il faudra surveiller la jeune sauteuse de 19 ans la saison prochaine.
L’analyse de Maxime Garcin, consultant athlétisme pour Les Reporters Incrédules : « Les deux médailles d’or étaient attendues et les deux protagonistes n’ont pas tremblé. Les deux prouvent qu’ils sont vraiment des athlètes de championnat et savent se sublimer dans les grands événements. Konaté a connu un début de saison un peu contrarié, mais monte en puissance et ressaute 8 m au meilleur moment. C’est la première fois qu’un Français conserve son titre sur un mondial junior. Ammirati était, lui aussi, attendu et voulait se venger de son concours de l’an dernier à Nairobi lorsqu’il n’avait passé aucune barre. Avec 5.75 m, il bat son propre record de France et surtout prouve qu’il peut sauter haut sur une piste classique. La relève est là, il est plus fort que les autres Français au même âge et sera sûrement le prochain à plus de 5.90 m. Le dernier n’était autre que…Renaud Lavillenie ! »
Dans le sillage de Kevin Mayer, les jeunes arrivent

Le décathlon est une discipline qui s’est médiatisée progressivement, notamment par l’intermédiaire de Kévin Mayer et de son record du monde au Décastar de Talence en 2018. Derrière le récent champion du monde de l’épreuve, une jeune génération se prépare à prendre la relève, dont deux d’entre eux qui ont été aperçus à Cali. Pierre Blaecke et Sacha Rifflart sont dans le top 10 au bilan mondial junior du décathlon et ont ainsi décroché leur ticket pour représenter la France. Une expérience dont ils se souviendront toute leur vie, à l’image de Pierre, qui a savouré « un superbe stade et un public assez exceptionnel ».
Treizième à l’issue de la première journée, ce dernier a réalisé une seconde partie de décathlon incroyable et notamment un 1500 m dantesque pour finalement parvenir à décrocher la 6e place finale au classement. « Le 1500 est une épreuve dans laquelle je m’en sors assez bien. Ça se joue vraiment au mental et à la motivation. Je voulais aller chercher la meilleure place possible, ça explique en partie la performance », explique-t-il. Toute la difficulté du décathlon est de tenir sur la longueur des 10 épreuves, où constance et polyvalence sont de mise.
Comme l’explique Pierre, « la moindre erreur coûte cher à ce niveau, il faut être au mieux sur chaque épreuve, car le droit à l’erreur n’est pas permis ». Par ailleurs, son profil est assez atypique puisqu’il va entrer en troisième année d’études de médecine, tout en combinant le sport de haut-niveau en parallèle. Sa persévérance a été récompensée avec cette première compétition internationale pour lui avec les couleurs tricolores sur le dos, « ça motive quand ça paye », avoue-t-il.

Le deuxième français n’est autre que Sacha Rifflart, qui termine neuvième du décathlon à Cali. Lui aussi présent pour la première fois en équipe de France, cette sélection a une saveur particulière. En effet, présent en France depuis l’âge de 8 ans, mais né en Belgique, il s’agit de sa première compétition en tant que français, puisqu’il a été naturalisé il y a peu. Champion de France U20 en juillet dernier à Amiens, Sacha abordait avec appréhension son aventure colombienne. « Que ce soit le niveau, l’ambiance, c’était une aventure exceptionnelle. Il fallait gérer son stress et l’environnement, mais c’était assez stimulant », confie-t-il. Sans afficher de déception, il reconnaît que « la hauteur a été une catastrophe », lui qui a franchi 1,84 m, bien loin de son record juste au-dessus des deux mètres (2,01 m).
Avec deux records personnels battus sur 100 et 400 m, il assume son statut de Top 10 mondial et assoit la place de la France dans la hiérarchie. « Le décathlon français évolue dans le bon sens, que ce soit les cadets comme les juniors, on a de bons résultats qui se font. La sélection n’est pas quelque chose de facile, une fois qu’on est pris, on peut potentiellement jouer quelque chose », explique Sacha. Derrière Kevin Mayer, la relève semble en pleine préparation et visera sans nul doute la sélection pour les Championnats d’Europe U23 en Finlande l’an prochain.
Le relais, une culture qui se développe

Tradition française, aussi bien en 4×100 m qu’en 4×400 m, cet exercice est de plus en plus travaillé en France, notamment par la génération montante de l’athlétisme français. Tout le monde a en tête les Championnats d’Europe de Zurich en 2014, où le relais 4×4 des Bleues a réalisé la remontée la plus improbable de l’histoire du sport, procurant encore des frissons aujourd’hui. Cette image demeure inoubliable pour toutes et tous, y compris pour les jeunes athlètes qui produisent cet exercice aujourd’hui. À Cali, un relais a particulièrement attiré l’attention, à savoir celui du 4×400 m hommes.
L’un de ses membres, Matteo Lorusso, explique comment les Bleus se sont préparés. « Nous sommes arrivés une semaine avant les championnats pour s’entraîner tous ensemble et s’acclimater à ce climat tropical. Au début, c’était assez compliqué avec le décalage horaire et la haute altitude, même si nous avons fini par trouver nos marques », explique le jeune Montpelliérain.
Allan, Matteo, Lucas et Benoît se connaissaient déjà, puisqu’ils étaient également membres du relais 4×400 m à Tallinn pour les Championnats d’Europe U20 en 2021. À Cali, le niveau est encore plus relevé, en témoigne leur série en demies, où ils se qualifient au temps en finissant troisièmes. En finale, les Français ont connu plus de difficultés, notamment dues à la fatigue accumulée.
Ils terminent bons derniers, mais avec de l’expérience engrangée. « Nous terminons 8es de cette finale mondiale à très haut niveau, soit troisième meilleure équipe européenne. On est frustrés de ne pas avoir pu ressortir la même course qu’en séries, mais la fatigue s’est fait ressentir », confie Matteo. À titre personnel, sa saison s’est avérée très complexe puisqu’il a connu deux déchirures de l’ischio droit, de quoi freiner ses ambitions. Pour autant, il pense déjà à 2023 avec les Championnats d’Europe U20 à Cluj-Napoca en ligne de mire, aussi bien en individuel qu’en équipe.

Invité surprise de la finale du relais en remplacement de Lucas Vivin, Sonny Gandrey a connu des mondiaux agités et remplis d’enseignements à Cali. Le sociétaire de l’Entente Athlétique Mâconnaise a couru près de quatre jours de suite, des séries du 400 m haies, jusqu’à la grande finale du relais 4×4 hommes. Qualifié pour la demi-finale, il parvient à atteindre la grande finale en battant son record personnel, qui est désormais de 50”59.
Il terminera septième de la finale de ce 400 m haies, atteint physiquement par un tel enchaînement. « Pour ma première course, je n’étais pas au top de ma forme, mais ça m’a bien mis en jambes pour la demi-finale », admet Sonny. Aligné en finale du 4×400 m, il explique son choix de concourir par le fait qu’il peut « faire des petits exploits avec l’adrénaline », tout en ayant conservé un peu d’état de forme. Nul doute que son enchaînement de 4 jours de course lui servira pour la suite.
Crédits photos : Thomas Windestam / FFA
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