Accueil » À la découverte du trail avec Emmanuel Faucon

Les Reporters Incrédules vous mènent aujourd’hui dans l’univers du trail et plus particulièrement de l’ultra (distances supérieures à 80 kilomètres). Une discipline non reconnue à sa juste valeur où difficultés dantesques et conditions difficiles sont souvent de mises, mais de magnifiques paysages seront là pour récompenser ces durs efforts. De plus, il existe une convivialité de tous les instants où finalement chacun termine vainqueur une fois le trail achevé. Bienvenue dans un monde où votre seul adversaire, c’est vous-même.

Le trail, c’est quoi exactement ?

2 (Le Parisien)

La question paraît simple mais la réponse n’est pas si évidente. On entend parler de trail bien sûr mais aussi de course nature, course de montagne, course verte et ultra-trail. Et les définitions ne collent pas toujours d’un site à l’autre, certains mentionnent une distance minimale, plus ou moins de dénivelé, d’autosuffisance, etc. Pourtant, la fédération d’athlétisme a défini cette pratique comme étant une « course pédestre avec classement et/ou prise de temps se déroulant en milieu naturel sur un parcours matérialisé formé notamment de chemins ou sentiers d’une distance supérieure à 42 km… » On peut distinguer trois catégories de trail :

  • Trails courts de 21 à 42 km (au-dessous de cette distance, on parle de course nature)
  • Trails longs de 42 à 80 km
  • Au-delà de 80 km, on parle d’ultra-trail. Le plus long trail est le Tor des Géants (Italie, Vallée d’Aoste) qui fait 330 km et 24 000 m de dénivelé… Soit l’équivalent de trois ascensions de l’Everest ! Et oui, la beauté des paysages de trail est également aussi bien souvent synonyme de grosses grimpettes et descentes techniques…

Si le trail n’a été codifié qu’à partir des années 1990, il est aujourd’hui considéré comme la troisième évolution de la course à pied après le jogging dans les années 1970-80 et le marathon et son culte de la performance dans les années 1980-2000. Quelles sont les raisons de son expansion ces dernières années et à qui s’adresse-t-il ? Depuis quelques années, le trail rencontre un succès grandissant en Amérique du Nord, en Europe et au Japon. Aux États-Unis, le nombre de coureurs de trail est passé de 4,5 à 6 millions entre 2006 et 2012, en Europe les pratiquants seraient 8 millions. Le sentiment de liberté que procure le trail est pour beaucoup dans cette éclosion.

Même si le terrain est plus exigeant devenant parfois même contraignant (cailloux, sable…), il attire toujours plus. Il faut dire qu’il n’existe pas de profil type de trailer :

  • Soit les gens y viennent après des années de course sur route (le trail dépend d’ailleurs de la FFA) quand ils ont l’impression d’avoir fait le tour de leur pratique ;
  • Soit ils connaissent le terrain grâce à des sports nature tels que le kayak ou l’escalade ;
  • Soit ils débutent par cette activité

Le trail ou un style de vie unique en son genre…

3 (France Bleu)

Tous les traileurs ont en commun un certain respect de la nature, il y a un « esprit trail ». Lors des trails, on demande d’ailleurs aux athlètes de ne laisser aucune trace de leur passage dans la nature en emportant avec eux leurs déchets par exemple. Si l’un d’eux est pris à jeter quelque chose, il est aussitôt mis hors course. Le trail nécessite donc le respect de la nature comme de soi-même, cette discipline apprend à l’homme l’humilité, lui qui se sent tout petit dans cette vaste nature. Elle requiert une vigilance à toute épreuve notamment en matière de sécurité, le moindre faux-pas pouvant se payer très cher. Outre bien-sûr la préparation, l’équipement et l’hydratation, les ravitaillements sont également des choses à prendre en compte. On ne peut donc se lancer sur un trail sur un coup de tête, il est nécessaire de bien le préparer. Mais le jeu en vaut toujours la chandelle !

Quelles sont les raisons de ce succès grandissant, même si cette discipline est encore souvent méconnue du grand public ? Pour mieux comprendre le trail et ce qui fait son charme, Emmanuel Faucon spécialiste des trails longs et de l’ultra (déjà finisher de la Diagonale des Fous) a eu la gentillesse de nous accompagner dans ce voyage. Il nous a raconté ses expériences où le temps semble parfois s’arrêter l’espace d’un instant. À travers ses conseils, il vous donnera peut-être envie de vous lancer dans cette aventure. Bonne découverte, frissons garantis !

Quand as-tu découvert l’athlétisme en général et en particulier le trail ?

Emmanuel : Je ne pratiquais pas spécialement l’athlétisme pendant mon enfance mis à part quelques courses du coin, pratiquant davantage le tennis de table. En fait, j’ai vraiment pris goût au trail lors de mon passage sur l’Île de la Réunion lors de la saison 2012-2013, j’ai pris un immense plaisir à parcourir ces parcours techniques mais somptueux. J’avais un objectif en tête : augmenter progressivement mes distances dans le but de participer à la Diagonale des Fous sur cette île, l’un des rêves de tout traileur. Ce fut chose faite en 2017 (NDLR : il terminera les 165 kilomètres et ses 9 580 mètres de dénivelé positif à la 74e place en 32 heures 56 minutes et 4 secondes).

Qu’est ce qui t’a poussé à poursuivre dans le trail ?

Emmanuel : Je ne suis jamais passé par la route mis à part le dix kilomètres de ma ville, Romans-sur-Isère. Le trail a en lui quelque chose de spécial, on ne s’ennuie jamais et on découvre toujours des paysages magnifiques. Ce n’est que du plaisir que je peux pratiquer seul ou en groupe avec mon club de l’AL Pizançon, cela ne dépend que de mon envie.

Quel est ton meilleur souvenir de course ?

Emmanuel : Il y a bien sûr cette première Diagonale des Fous en 2017, mais mon premier ultra réalisé sur cette même île de la Réunion auparavant m’a sans doute encore plus marqué. Dépasser les 80 kilomètres est une importante barrière psychologique, on atteint des limites dont on ne pensait pas le corps capable de les supporter. Il faut connaître son corps ce que je ne connaissais pas lors de ce premier ultra, j’étais déjà « cramé » au bout de 20 kilomètres. Je retiens donc tout de cette course, à la fois les moments difficiles où le moral demeure parfois au plus bas quand le corps ne répond presque plus, mais quel bonheur une fois la ligne d’arrivée franchie ! Aujourd’hui, je suis davantage expérimenté donc les moments difficiles, s’ils existent toujours, sont moins nombreux.

4 (AL Pizançon)

Quel type de parcours et quelle distance sont le plus adéquat avec ton profil de coureur ? Aurais-tu des conseils à donner aux novices de la discipline ?

Emmanuel : Habitant dans une région vallonnée, je suis davantage adepte des parcours techniques avec descentes et pentes raides. Concernant la distance, je dirais qu’il est avant tout nécessaire de distinguer deux types de trail : ceux d’une distance inférieure à 60 kilomètres et ceux supérieurs, ce sont deux choses bien différentes. Les derniers nécessitent forcément un temps de récupération supérieur. Ainsi, si je réalise environ une course par mois, je me limite toujours à 2 à 3 ultras (+ 80 kilomètres) par an, ces derniers sont sans doute ceux qui me procurent le plus de plaisir. Néanmoins, j’apprécie également les « petits » trails inférieurs à 50 kilomètres qui sont plus faciles à enchaîner car ils nécessitent moins de récupération. Je suis donc à peu près sûr de trouver mon bonheur dans le trail !
Mes plus longues distances sont la Diagonale des Fous et l’Ultra Tour des quatre massifs (région grenobloise), tous les deux autours des 170 kilomètres et 10 000 D +. J’avais également participé à l’Ultra Trail du Mont Blanc il y a deux ans mais suite à une préparation chaotique pendant une période compliquée, je m’étais malheureusement blessé pendant la course et avait dû abandonner. Il ne faut donc pas se lancer tout de suite dans l’ultra et plutôt augmenter progressivement les distances et ne pas en faire un trop technique si le relief à côté de chez soi ne le permet pas. Il est également nécessaire de très bien s’équiper avec notamment des chaussures adéquates, le terrain pouvant être particulièrement glissant.

Comme tout pratiquant d’ultra, tu as forcément dû connaître des moments difficiles pendant tes courses. Comment peut-on y remédier ?

Emmanuel : Dans un ultra, les moments difficiles sont fréquents : lorsque l’on est « hors service », on se dit que ça ira mieux plus tard. On pense à des moments plus sympathiques, c’est ce qui fait notre force. Il y a également toutes les personnes qui nous ont accompagnés pour cette course que l’on ne veut pas décevoir, le trail est pour moi une métaphore de la vie de tous les jours avec ses hauts et ses bas. Surtout, le charme du trail réside dans le fait que l’on peut passer de la difficulté à l’euphorie en quelques instants, il faut donc toujours s’accrocher car cela en vaut bien la peine. Ainsi depuis que j’ai débuté le trail, je n’ai connu que trois abandons et ils n’étaient pas dus à des problèmes de fatigue mais à des blessures.

5 (Al Pizançon)

“Le trail est pour moi une métaphore de la vie”

Aurais-tu des conseils à donner pour jumeler l’entraînement avec son travail surtout dans les conditions actuelles ?

Emmanuel : Le travail est effectivement assez prenant, après je pense que c’est surtout une question de volonté et de priorité car il est toujours possible de jumeler sa passion à condition de s’en donner les moyens. Je trouve donc des astuces pour m’entraîner comme prendre le vélo pour aller au travail, avec les événements actuels je m’organise en conséquence. C’est frustrant mais j’essaye de sortir un jour sur deux à l’extérieur et j’ai la chance de posséder un vélo elliptique chez moi. Je pratique donc davantage le renforcement et fait des alternances entre vélo et course. J’ai par exemple, j’ai effectué une sortie de 6 heures hier, une heure de course à pied à proximité du domicile enchaîné avec du vélo d’appartement. Je m’entraîne comme je peux, l’objectif dans ces conditions n’étant pas d’effectuer de grosses séances mais plus de garder la forme du moment.
Cependant, l’entraînement est et demeure pour moi juste un loisir, il doit donc rester un plaisir avant tout. Se reposer de temps en temps est aussi primordial pour le corps et l’esprit, c’est pour cette raison que je ne suivais pas de planning d’entraînement. Cette année, j’ai pourtant essayé d’en suivre un très précis avec l’aide d’un ami. Pas de chance puisque celui-ci s’est retrouvé forcément modifié avec l’épidémie de coronavirus et l’annulation de plusieurs de mes courses.

Comment un débutant peut-il préparer un trail ? Existe-t-il des séances indispensables ? Décris-nous une semaine type :

Emmanuel : En fonction de son emploi du temps, tout le monde ne peut préparer un trail de la même manière. Je m’entraîne aux alentours de 10 heures par semaine soit 4 à 5 entraînements mais je sais que tout le monde ne peut pas forcément consacrer ce temps à sa pratique. Je conseillerai donc au minimum deux séances hebdomadaires : les trails sont souvent assez longs et techniques donc une sortie longue en endurance fondamentale (c’est-à-dire en aisance respiratoire) est importante. On peut la réaliser le week-end, ce que je fais avec mon club le dimanche (environ 2 h 30). Enfin, réaliser une minimum une séance de VMA (vitesse maximale aérobie) me paraît aussi primordial. Vu que l’on se prépare à courir sur un terrain varié, il n’est pas obligatoire de courir sur piste. On peut varier le terrain en effectuant par exemple une séance de côtes. Cela rend l’activité ludique tout en faisant bien monter le cardio. Après si on a encore du temps, pourquoi ne pas réaliser une séance de seuil, c’est-à-dire un enchaînement de fractions relativement longues à 80 % de la fréquence cardiaque maximale entrecoupée de temps de récupération.

6 (Emmanuel Faucon)

Le ravitaillement est une donnée primordiale pour réussir un trail. Comment as-tu pu devenir membre d’Herbalife et peux-tu nous parler de Vercors Sports Team, équipe créée par Herbalife ?

Emmanuel : J’ai rencontré Patrice Blouzat (distributeur indépendant Herbalife à Saint Eulalie-en-Royans, dans la Drôme, non loin de chez Emmanuel) il y a 3 ans. Nous avons tout de suite accroché et il a par la suite appris à bien me connaître. Herbalife réalise des produits énergisants et isotoniques pour la performance athlétique (barres, gels, boissons…). Dans un ultra où chaque détail compte, ces produits proposés me sont très utiles. En plus des produits naturels comme de l’eau tout simplement, j’utilise leurs produits en complément ce qui me permet de limiter la fatigue. Je remercie Herbalife de son aide à la fois matérielle et humaine dans mes courses. Patrice est également responsable de « Vercors Sports Team », un regroupement d’athlètes de la région dont je fais partie. Il est composé de traileurs mais également de triathlètes, cyclistes… Notre tête d’affiche est sans aucun doute la biathlète Anaïs Bescond, championne olympique de relais mixte en 2018 à Pyeongchang (Corée du Sud).

Aurais-tu des anecdotes de course à nous raconter ?

Emmanuel : En octobre dernier, je devais participer au Trail des Templiers (Aveyron). Nous étions déjà sur place avec mon club, tout était prêt et peu de temps avant la course, on nous annonce qu’elle est annulée en raison de conditions climatiques jugées dangereuses (tempête). Ce sont les aléas du trail la nature est et restera toujours plus forte…Sinon, il m’est arrivé comme tous les traileurs de me tromper de chemin au cours d’une course. Un peu de fatigue, une borne mal indiquée et le drame est vite arrivé ! Dur de courir quelques kilomètres en plus surtout après autant de kilomètres avalés mais ça fait aussi partie du jeu !

Tu as fait des courses dans des régions magnifiques mais existe-t-il des endroits où tu rêverais encore de courir à l’instar de nombreux autres traileurs ?

Emmanuel : J’ai beaucoup couru en France, effectuant une bonne partie de ses classiques. Je n’ai jamais eu la chance de courir à l’étranger mais je pense que nous sommes déjà servis de paysages magnifiques et diversifiés en France. Cependant, le Japon et la Nouvelle-Zélande m’attirent par leur culture, Madère est également très prisé des traileurs. Les pays de l’Atlas proposent des endroits intéressants et je ne pense pas forcément au Marathon des Sables car j’ai vu que la Tunisie par exemple proposait des courses sympathiques. Il y a les Etats-Unis aussi bien sûr, après tout cela a bien évidemment un coût : c’est le genre de voyager que l’on ne fait qu’une fois dans sa vie et le trail ne serait qu’un prétexte pour découvrir le pays.

Comme dirait Félix Leclerc, “il y a plus de courage que de talents dans la plupart des réussites.” Merci à Emmanuel pour son expertise sur le trail, bonne continuation !

Crédits photos : Grounds, Le Parisien, France Bleu, AL Pizançon, AL Pizançon (2) et Emmanuel Faucon

 

Mathias de Vernejoul – 1 mai

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