Accueil » Deux ans après, la 27e édition du meeting de Carquefou a tenu ses promesses

L’athlétisme français, et plus particulièrement le demi-fond, a connu un mois de juin des plus fastes. Alors que les barèmes de qualification olympique fixés par la Fédération Française d’Athlétisme (FFA) ont rarement été aussi difficiles, les niveaux de performance requis pour l’échéance nippone se sont enchaînés. Ces prouesses ont certainement enchanté le meeting de Carquefou, programmé le vendredi 11 juin. La renommée sur ses courses de demi-fond n’est plus à prouver, le meeting étant tout simplement qualifié par François Barrer, champion de France Élites du 5000 m en 2017 et 27’55’’ sur 10 000 m, de « La Mecque du demi-fond », bien que les autres épreuves soient également de grande qualité. À Carquefou, l’ambiance fut donc à la fête.

Le Carquefou Athlétique Club est né il y a 30 ans de l’idée de trois grands passionnés : Jean-Paul Souchet, Guy Lizet et Gérard Triché. Dès sa création, convivialité est le maître-mot pour qualifier le club. Cela ne va pas l’empêcher de s’accroître à toute vitesse pour dépasser aujourd’hui les 300 licenciés. En termes d’organisation, le club n’est également pas en reste. Seulement trois ans après la création du club, le meeting de Carquefou voit en effet le jour. Le voir occuper le top 10 français trois décennies plus tard aurait alors pu paraître totalement insensé.
Cependant, le travail acharné, enthousiaste et toujours dévorant d’idées va rapidement porter ses fruits. En 2019, la dernière édition avant l’ère Covid, le meeting occupait la 10e place hexagonale. Surtout, le 5000 mètres, qui contribue à sa renommée, était classé premier au niveau hexagonal chez les hommes et tout simplement 7e mondial chez les femmes. Néanmoins, malgré un niveau qui ne cesse de croître, Carquefou a toujours fait de la gratuité du meeting un principe fondamental. Fidèle à sa réputation et malgré un budget limité, le club a donc choisi de privilégier les valeurs qui lui sont chères. En cette période compliquée, cette initiative est suffisamment rare pour être soulignée.

Le meeting de 2020 n’ayant pu pointer le bout de son nez, il était impossible pour l’ensemble des dirigeants locaux de rater le rendez-vous une seconde fois. Malgré les contraintes sanitaires drastiques, ils ont mis corps et âme pour que cette 27e édition puisse pointer le bout de son nez. Preuve de l’engouement pour le meeting avec les quelque 300 places offertes qui ont très rapidement trouvés preneurs.
Avec toutes ces incertitudes, l’organisation s’est vraiment dessinée au jour le jour. Jean-Paul Souchet, directeur du meeting, résume ainsi l’équation : « Il y a eu beaucoup d’hésitations avant de se lancer, car on ne savait pas comment aller évoluer la pandémie. On s’est vraiment décidé début mai. » Il rajoute « On a réservé l’hébergement uniquement pour les athlètes arrivant de l’étranger qui ont été dans une bulle sanitaire de 50 places à l’hôtel. Ça a été une organisation très lourde. » La dernière phrase est en réalité un doux euphémisme.

Là où les très gros meetings comme Marseille quelques jours auparavant peuvent compter sur un budget dépassant le demi-million d’euros, Carquefou doit faire avec les moyens financiers du bord, c’est-à-dire limités. L’aspect familial a cependant triomphé sur celui strictement pécuniaire et contrairement à ses homologues mondevillais et montgeronnais, des meetings intermédiaires aux budgets pourtant conséquents, les bénévoles et collectivités ligériennes ont été au rendez-vous. Ils n’ont pas déçu, car avec un budget de seulement 85 000 euros, Carquefou a réussi le tour de force de non seulement maintenir son édition, mais surtout d’en faire une de qualité qui marquera à jamais l’athlétisme local.

La soirée carquefolienne était idéalement placée deux semaines avant les France élites. Surtout, les minimas pour les Championnats d’Europe U20 et U23 (organisés à une semaine d’intervalle) à Tallinn, capitale estonienne, étaient à aller chercher. Si c’est bien le 5000 mètres qui fait la fierté du meeting, les autres épreuves valaient réellement le détour. En effet, le niveau du 1500 m carquefolien monte de plus en plus. Cette année, le 1500 mètres féminin pouvait compter sur la présence de Zerfe Wondemagegn, grande spécialiste du 3000 m steeple, puisque ses récentes performances la plaçaient tout simplement dans le top 10 mondial !
La concurrence ne fut pas suffisante pour permettre à cette dernière de s’emparer du record du meeting (4’14’’ en solitaire), mais la présence de l’éthiopienne boostait certaines athlètes à inscrire un nouveau record sous les conditions estivales idylliques offertes par la piste du Moulin Boisseau. Ainsi, Flavie Renouard passe à 9 centièmes seulement des moins de 4’20’’, mais explose son record de plus de 5 secondes établi à Bruxelles l’an dernier. Cet état de forme n’était pas hasardeux puisque la sociétaire de l’EA Mondeville Herouville allait tout simplement devenir championne d’Europe espoirs du 3000 m steeple un mois plus tard ! Côté masculin, nous n’étions également pas en reste puisque ce n’était pas moins de 7 athlètes qui passent sous la barre des 3’40’’, minimas requis par la fédération pour les championnats d’Europe U23, que Flavien Szot et Bastien Augusto (3’38’’) réalisent sans encombre.

Plus que les records du meeting, l’objectif de la soirée était également de permettre aux meilleurs coureurs régionaux de côtoyer des athlètes internationaux. Le contrat fut là aussi parfaitement rempli, à l’image du record explosé de la locale Joanne Guyot sur 1500 m (4’28’15’’).
À plus grande échelle, le département a su tirer son épingle du jeu, bien aidé par les Nantais Rougui Sow, championne de France élites 2018, avec 6,25 mètres à la longueur, ou Yann Randrianasolo, crédité d’un 10’41’’ en finales du 100 m, pour celui qui est aussi un grand spécialiste du saut en longueur avec un record à 8,12 m. Carquefou a également permis à Romain Mornet de l’AC La Roche-sur-Yon, vainqueur de la série 2 du 1500 m, de participer à ses premiers élites deux semaines plus tard (il s’offrira une place en finale et une 5e place), tout comme Anthony Baumal du Nantes Étudiants Club sur 5000 mètres, dernier champion départemental de cross, mais qui n’avait jamais encore connu cet honneur.

Meeting de Carquefou

Enfin, nous n’oublierons pas le 400 m national féminin, grande nouveauté du meeting qui a permis à Sounkamba Sylla de passer sous les 53’’, et à la combinarde Louise Maraval de préparer au mieux les championnats d’Europe. Le cavalier seul d’Hugo James en 1’48’’ sur 800 m, le magnifique duel entre les espoirs Thomas Gogois et Raoult Breval au triple-saut ou encore les 1,82 m à la hauteur de Laura Salin-Eyike ont offert un très grand spectacle au public venu donner de la voix.
Les 300 places offertes ayant très rapidement trouvé preneurs, les passionnés d’athlétisme n’ayant pu se rendre sur place ont heureusement pu compter sur la toute nouvelle Athlé TV, gratuite pour les licenciés, avec Dorian Louvet en rôle de consultant guest-star. Le finaliste de l’avant-dernier Koh-Lanta a pu apporter son œil avisé puisque le Normand est aussi et surtout un athlète de grand talent, comme l’atteste son titre de champion national du 3000 m Steeple en 2016.

Une fois cette magnifique soirée bouclée (et un magnifique record en guise d’au-revoir), les organisateurs ne pouvaient cacher leur grande satisfaction. Jean-Paul Souchet, président du meeting, tout en saluant les performances des athlètes, met surtout en avant « l’appui retrouvé du public qui est quelque chose d’énorme. Depuis un an, l’athlétisme a été énormément touché comme d’autres sports donc cela fait plaisir. » Loïc Mahieux, président du club, souligne à juste titre « l’implication des bénévoles dans ces conditions particulières qui l’ont rendu encore plus fier. » Le meeting de Carquefou devrait donc monter à la 6e place en cette année spéciale, une juste récompense des efforts consentis.

Étienne Daguinos Carquefou

Cette magnifique soirée se termine en beauté avec le toujours très attendu 5000 mètres. Nous allions tout d’abord voir une course femmes d’anthologie marquée par le record du meeting pour l’éthiopienne Bosena Mulate, qui passe sous la barre honorifique des 15 minutes en 14’54’22’’ après un départ de folie en 2’48’’ au premier 1000. Chez les hommes, la course remportée par l’érythréen Habte est un peu plus lente qu’à son habitude. Deuxième, le dernier champion de France de cross Emmanuel Roudolff-Lévisse prend la première place coté tricolore en 13’40’’. Un chrono qui satisfait amplement l’expatrié aux États-Unis, pour qui les grandes échéances futures sont sur marathon, mais dont le dernier tour montre qu’il n’avait pas non plus délaissé les qualités de vitesse.

Longtemps pourtant, on pense que l’espoir Étienne Daguinos, qui avait éclaboussé de son talent les cross en juniors, peut prétendre lui aussi à ce chrono. Après un passage en 8’08’’, l’Aquitain semble bien parti pour accrocher les minimas pourtant exigeants fixés par la Fédération en moins de 13’40’’. Mais alors qu’il paraît à l’aise sur ce rythme, Daguinos s’arrête net quelques centaines de mètres plus loin.
Derrière, Florian Le Pallec, fraîchement revenu de son année américaine, en profite pour accrocher un très solide 13’43’’. Malgré des minimas non réalisés, ce dernier profite de la mésaventure des autres pour valider sa qualification pour les championnats d’Europe. Le natif de Vannes fait même coup double puisqu’il se retrouve également sélectionné sur 10 000 m où il prend une splendide deuxième place. Outre les performances du meeting en lui-même, Carquefou a donc réuni les conditions parfaites pour accomplir le rêve européen de nombreux athlètes.

Manon Trapp Meeting de Carquefou

« Je suis un peu déçue de ne pas accrocher les minimas. Cela reste cependant une bonne expérience pour une première sur la distance cette saison. Le manque de lièvres n’a pas été facile à gérer. » Manon Trapp
La jeune athlète de l’AC Boulogne Billancourt (20 ans) a été créditée d’un 16’04’38’’ sur 5000 mètres. Elle explose donc logiquement sa marque de 16’57’’ réalisée en 2019, année où elle s’était littéralement révélé aux yeux du grand public en remportant à peu près tous les titres qu’une demi-fondeuse rêve d’avoir : championne de France junior de cross, de 3000 m et de 10 km route, Manon s’offrant même le luxe de devenir championne toutes catégories confondues. Cette même année, elle établit également deux records nationaux pour la catégorie juniors avec 33’30’’ au 10 km et 1h15’48’’ sur semi-marathon.
Dans une course partie sur des bases totalement folles avec un passage en 30’’ au premier 200, les Françaises engagées n’ont pas démérité, mais ont rapidement dû baisser pavillon devant l’armada africaine. Esseulée, Leïla Hadji mènera longtemps le train des Bleues. Son état à la fin de la course, bouclée en 16 minutes et 11 secondes, en dit long sur l’énergie déployée. Elle prend une éclatante revanche aux France Élites à Angers deux semaines plus tard, avec un record personnel en 15’48’’ et un final de folie avec le dernier kilomètre en 2’58’’. Quant à Manon, elle termine à la 4e place (2e espoirs) en abaissant sa marque à 15’55’’. Rendez-vous est pris pour l’année prochaine avec une pluie de records à battre !

Crédits photos : Racing Club Nantais

À Carquefou, Mathias de Vernejoul

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