Cinq jours après la fin des championnats de France d’athlétisme à Albi, l’heure est au bilan. Avec des performances très encourageantes comme des déceptions, tout reste à nuancer. Côté fédéral, à 15 jours des Mondiaux de Budapest, l’optimisme est de mise. Pour des spécialistes, attention à l’emballement et à l’échelle internationale, devenue plus forte.
Des prestations qui feront date

Trois jours intenses dans le Tarn, riches en enseignements, même au niveau national. Plusieurs épreuves ont marqué les spectateurs, mais aussi les spécialistes, à commencer par le 110 m haies masculin. Depuis plusieurs années, une grosse densité semble s’être dessinée, avec l’émergence récente de Sasha Zhoya. À seulement 21 ans, le voici déjà double champion de France de la discipline et champion d’Europe espoir il y a quelques semaines. Un nouvel arrivant qui est venu bouleverser les plans de cadors tels que Wilhem Belocian, Pascal Martinot-Lagarde ou encore Just Kwaou-Mathey.
Cette densité frappante ne manque pas d’être soulignée par Stéphane Diagana, ancien spécialiste du 400 m haies et champion du monde 1997. « Vous n’êtes pas sur le podium avec 13”25 au 110. Pour donner un exemple, on avait Dimitri Bascou sur le podium des Jeux en 2016 en 13”24, pour vous dire la densité de cette discipline. Elle est à part, elle n’est pas comparable », explique Diagana. Cette épreuve pourrait bien jouer les trouble-fêtes en Hongrie et apporter pourquoi pas une médaille à l’équipe de France.
Happio et d’autres en embuscade
Toujours sur les haies, le 400 m hommes a, lui aussi, offert un beau duel entre Wilfried Happio et Ludvy Vaillant. Si le dénouement est en faveur du premier, le second, lui, n’a pas à rougir. Avec les minima pour Budapest, le Martiniquais aura ses chances et compte bien les exploiter pleinement. En demi-fond, la France tient son nouveau patron : Jimmy Gressier. Progressant à toute vitesse ces dernières années, il s’est offert à Albi le record des championnats (13’23”56), prouvant, comme à Monaco, que son état de forme est le bon.
Malgré la forte concurrence sur la discipline à l’échelle mondiale, le Boulonnais jettera toutes ses forces dans la bataille. Globalement, l’état d’esprit semble positif, notamment pour Romain Barras, directeur de la haute performance à la FFA. « On a des clubs, des pôles d’entraînement où ça fonctionne bien. On sait que la dynamique dans ces structures est gage de réussite. L’émulation tire tout le monde vers le haut, nous sommes un sport individuel à progression collective », constate l’ancien décathlonien. De quoi bien aborder les Mondiaux.
La fin d’une génération à venir ?

Avec une jeunesse de plus en plus prégnante dans les différentes disciplines, quelle place pour les « anciens » ? Doit-on se préparer à une baisse de niveau progressive et des fins de carrières ? Pas forcément, comme le prouve Mélina Robert-Michon au lancer de disque. Du haut de ses 44 ans, l’Iséroise conserve la même détermination avec un palmarès à en faire sursauter plus d’un. Pas moins de 22 titres entre 2000 et 2023 et seulement deux éditions où elle était absente. Mieux : elle est compétitive au niveau mondial et pourrait, avec 62,69 m comme à Albi, rivaliser et créer la sensation.
Néanmoins, elle est peut-être l’arbre qui cache la forêt dans l’athlétisme français. La situation est bien moins idyllique pour Renaud Lavillenie au saut à la perche. Cette saison, l’ancien recordman du monde n’a pas été au-delà de 5,61 m, à Sopot (POL). Pire : sur ces championnats, décidant de faire son entrée à 5,51 m, dans des conditions très changeantes et venteuses, il a réalisé une « bulle ». À 36 ans, ses chances de retrouver un meilleur niveau sont très minces.
Pourtant, il sera de la partie aux Mondiaux fin août, ayant réalisé les minima à l’automne dernier (5,81 m). En tout cas, Romain Barras n’y voyait « pas de raison de ». Par ailleurs, son avis au sujet de cette génération antérieure est assez clair. « On est dans une génération qui est celle de Rio 2016, qui est en train d’être un peu en fin de carrière. Il y a des rendez-vous à ne pas manquer et des performances encore à réaliser, mais il faut que tous les éléments soient en place au même moment », constate Barras. L’avenir le dira.
Stéphane Diagana : « C’est notre système en France… »

Ancienne figure de l’athlétisme français, désormais président du Nice Côte d’Azur Athlétisme (environ 1500 licenciés), Stéphane Diagana reste une figure inspirante. Son implication dans le sport est intacte, voire renforcée de par ce poste à responsabilités. Son objectif ? Inciter les jeunes qui ont du talent à se lancer. Cependant, il se heurte à une barrière : les parents. « Les parents me disent « non non, mon enfant fait deux fois par semaine, c’est bien, c’est de l’hygiène ». Et quand on leur dit qu’il a du talent, ils disent « non, deux fois, il ne fera pas plus ». Il y a ce rapport-là. Si vous dites ça dans un autre pays, les parents amèneront leur enfant trois fois et vont s’investir », regrette l’ancien champion du monde.
Différentes situations existent, entre les athlètes qui mènent de front études et sport de haut-niveau, ceux qui se consacrent uniquement à l’athlétisme ou d’autres qui font le choix des universités américaines. Néanmoins, la place faite au sport en France et le système posent question à l’ancien athlète.
Pour éviter cet exode et avoir « le contrôle technique de ce qu’il se passe », Stéphane Diagana adopte un discours de cohérence auprès des parents. « Je dis que ça peut être un métier. En tout cas, ça l’a été pour moi. La porte est étroite. Mon discours n’est pas de dire « laissez tout de côté ». Cela peut se faire à côté d’un parcours de formation ou universitaire », explique le président du NCAA. Une mission pas simple, mais qui peut marcher.
Du 19 au 27 août, les Bleus seront en Hongrie pour les championnats du monde. Un rendez-vous capital qui permettra de faire le point à l’échelle internationale. Pour le meilleur ou pour le pire.