À seulement 19 ans, Alexis Lebrun rayonne déjà sur la scène internationale. Tombeur du Chinois Fan Zhendong, numéro un mondial, le pongiste montpelliérain semble prêt à bousculer la domination chinoise. Avec l’aide de son frère, qu’il a d’ailleurs battu en finale des championnats de France 2023, tout semble possible. Entretien.
Chez les Lebrun, le tennis de table est une histoire de famille. Stéphane, le père, faisait partie des meilleurs pongistes français. Aujourd’hui, ce sont ses deux jeunes fils qui font parler leur talent sur la scène mondiale. Alors que le plus jeune, Félix (16 ans), est déjà classé n° 35 mondial, le second est encore plus impressionnant. Double champion de France seniors à 19 ans, Alexis Lebrun a récemment écarté Fan Zhendong, à Macao, avant de s’incliner de justesse face à Ma Long, double champion olympique. Des résultats qui lui permettent d’intégrer le Top 20 mondial, juste avant les championnats du monde.
Néanmoins, à l’approche des Jeux Olympiques de Paris 2024, Alexis Lebrun est d’abord attendu au tournant lors des Mondiaux en Afrique du Sud qui ont débuté ce samedi. D’autant plus que la dernière médaille française dans cette compétition remonte à 1997 et le bronze du duo Jean-Philippe Gatien – Damien Eloi en double hommes. Alors, Alexis Lebrun peut-il devenir le prochain flambeau tricolore du tennis de table ? La réponse est entre ses mains.
Si tu devais te décrire en quelques mots…
Alexis Lebrun : Je suis quelqu’un de bonne humeur et créatif.
Une nouvelle blessure t’a privé de compétition pendant quatre mois, mais tu es revenu et tu as remporté notamment les championnats de France. Était-ce le retour rêvé ?
A.L : Oui, entre Singapour, les championnats de France et les deux semaines en Chine, je pouvais difficilement espérer mieux. Je savais que j’allais mieux jouer qu’avant ma blessure, car on a très bien travaillé pendant les quatre mois durant lesquels j’étais blessé. Mais atteindre ce niveau, non, je ne m’y attendais pas.
Comment vis-tu les compétitions avec ton frère, Félix, et n’est-ce pas compliqué par moments ?
A.L : Franchement, c’est que du kiff. Le fait d’être deux et de se retrouver en finale des championnats de France ou de partir en compétition internationale ensemble, c’est très plaisant. Et non ce n’est pas trop compliqué, on arrive assez bien à le faire. On réussit à switcher, et se dire “voilà, on est adversaires pendant trente minutes”. Après, on redevient frères et partenaires.

Plus récemment, tu as battu le numéro 1 mondial, Fan Zendong. L’impression que ta blessure t’a rendu plus fort…
A.L : Oui (hésitation). On a beaucoup travaillé avec mon équipe, notamment physiquement avec les kinés et ma préparatrice physique. Cette blessure m’a permis de mettre en place de nouvelles choses dans mon jeu. Je pense à mon revers, car maintenant, je réussis à tenir un petit peu plus. Aussi, les premières touches de balle se sont améliorées. Et physiquement, on essaie de rééquilibrer mon corps pour que les blessures arrivent moins souvent.
Peux-tu raconter ce match et à quel moment as-tu senti qu’il tournait en ta faveur ?
A.L : Je remporte le premier set, mais c’était assez équilibré. Au deuxième set, je mène 4-0, je commence très fort, mais je me crispe parce que je sens que je ne suis pas loin de le dominer et de gagner. Il en profite et remporte la deuxième manche. À ce moment-là, je me dis que ça risque d’être plus compliqué. Finalement, je me remobilise et je fais un très bon troisième set pour prendre les devants, avec en particulier un très bon service. Ensuite, il revient à 2-2 parce qu’il parvient à me surprendre en prenant un petit peu plus son coup droit. Et enfin, au cinquième set, je suis mené 3-9 et j’arrive à faire la différence pour l’emporter 11-9.
Comment as-tu réussi à faire cette différence ?
A.L : J’étais mené 3-9 et j’ai essayé de transformer le stress en énergie positive. Je me suis beaucoup encouragé et j’ai pris pas mal de risques sur mes services. Ça a payé.

“J’espère qu’ils (les Chinois) ont peur de me jouer !”
Alexis Lebrun
Que retiens-tu de cette aventure et de ce parcours à Macao, où tu t’arrêtes en demi-finale contre Ma Long, ancien numéro un mondial ?
A.L : Beaucoup d’expériences, déjà. Avoir participé à ces matchs, ça va me faire progresser, c’est certain. Aussi, ça va m’apporter beaucoup de confiance pour la suite. Je me suis prouvé que j’étais capable de battre tout le monde, donc je n’ai plus de raisons de ne plus y croire pour remporter des médailles sur de grosses compétitions.
Comment te perçoivent tes adversaires sur le circuit mondial, notamment les pongistes chinois, qui dominent le ping mondial ?
A.L : Je ne sais pas, il faudrait leur demander (rires). Mais j’espère qu’ils pensent que je joue bien. J’espère aussi qu’ils ont peur de me jouer. De notre côté, on s’entraîne pas mal entre Européens et avec les Coréens de temps en temps. On a souvent des échanges tous ensemble, mais plutôt à l’entraînement.
De quelle manière as-tu commencé le tennis de table et que t’a apporté ton père lors de tes débuts ?
A.L : Il était entraîneur à Montpellier, donc j’ai commencé à l’âge de trois ans en l’accompagnant à la salle. J’ai commencé à jouer comme ça, et après, il s’est vite détaché du rôle d’entraîneur pour garder ce rôle de père. J’ai beaucoup travaillé avec Jérémy Surault, mon préparateur physique aujourd’hui. Quand j’étais plus jeune, j’ai beaucoup travaillé avec Nathanaël Molin qui m’entraînait également et qui est mon coach aujourd’hui. En fait, j’ai vite été entouré par d’autres personnes. Il ne voulait pas être entraîneur et père à la fois.

Est-ce un souhait de découvrir d’autres championnats, comme la Bundesliga allemande, à l’image de Simon Gauzy par exemple ?
A.L : Non, pas forcément. Je trouve qu’il y a un très bon niveau en France. On a cet objectif de monter avec Montpellier et d’aller chercher un titre en Pro A, voir la Champions League. Après, on verra.
Quels sont tes prochains objectifs ?
A.L : D’abord, il y a les championnats du monde en Afrique du Sud (NDLR : du 20 au 28 mai). L’objectif, c’est d’aller chercher une médaille là-bas. Forcément, les Jeux Olympiques de Paris 2024 restent dans un coin de la tête. On va essayer de jouer la médaille.
Quelle place occupe le tennis de table dans le quotidien en famille. On imagine qu’il prend une place importante…
A.L : Le tennis de table est central, on en parle tout le temps (rires). C’est un petit peu la passion de tout le monde dans la famille donc forcément, c’est un sujet qui revient très souvent.
Quel est ton rêve dans le tennis de table ?
A.L : Être champion olympique…
… en France ?
A.L : Oui, ce serait encore mieux ! (rires)