Souvent peu médiatisé, le lancer de disque n’est pas une discipline très développée en France au contraire du saut à la perche ou des épreuves de course. Néanmoins, de jeunes pousses fleurissent et ces futurs talents incarnent un nouveau souffle pour ces branches de l’athlétisme. A l’image d’Amanda Ngandu-Ntumba, 20 ans et lanceuse de disque. Entretien.
Son portrait
Nom : Ngandu-Ntumba
Prénom : Amanda
Âge : 20 ans
Région : Auvergne Rhône Alpes
Club : Club Athlétique du Roannais
Classement national : Au 28/06/20 1ère en espoir et 3e TCC
Coach : Vanessa Pecel
Titre(s) : 11 (titres nationaux depuis 2016)
Meilleures performances : Disque 1 kg = 55,91 m ; Poids 4 kg = 15 m 50
Si tu devais te décrire en trois mots…
Amanda Ngandu-Ntumba : J’ai un gros mental, c’est un point que j’ai beaucoup travaillé. Déterminée et rigoureuse dans les moments importants.
Comment as-tu débuté le lancer ?
A.N-N : J’aimais bien courir quand j’étais petite et un ami de ma mère m’a conseillé de m’inscrire dans un club d’athlé pour voir ce que ça donnait. À l’époque, je faisais du basket mais à un moment, j’ai fait les deux puis j’ai arrêté le basket. Je suis passée par les épreuves combinées car en minime, on fait un peu de tout donc j’en ai fait pendant deux ans. Moi ça marchait plus dans les lancers, le poids puis le disque donc j’ai continué sur cette lancée parce qu’au bout d’un moment, pour avoir des résultats il faut se spécialiser.
Tu es une lanceuse mais tu utilises deux engins différents, le disque et le poids. As-tu une préférence entre les deux et est-ce que sur une compétition, être alignée sur les deux disciplines n’est pas un désavantage ?
A.N-N : C’est une question qui revient beaucoup car les gens n’ont pas l’habitude de voir une athlète qui fait les deux. Je préfère le disque, mais depuis un an je suis passée en rotation au poids. Ça m’a beaucoup aidé d’être une lanceuse de disque au poids parce que le geste se ressemble, donc quand je suis arrivée à comprendre quelque chose au disque, j’arrive à le transférer au poids. Au poids, j’avais plus de sensations car j’étais arrivée à un stade où en translation, je n’avais plus trop de sensations, j’avais l’impression de stagner et c’était le moment de changer.
Être passée en rotation m’a fait aimer un peu plus le poids. Les deux disciplines se complètent quand on le fait en rotation, la seule différence c’est l’amplitude et la taille du plateau. Après quand je fais les deux sur la même compétition, si le disque est en premier c’est mieux car c’est là où au niveau international je suis la mieux placée. Le contraire, je ne l’ai pas encore fait et ce serait peut-être désavantageux vu que j’aurais moins d’énergie au disque. À Boras et au Kenya, j’ai bien aimé avoir les deux. Si tu te rates au disque tu peux te rattraper au poids ou alors tu as une deuxième épreuve pour finir, savourer. Ce qui s’est passé à Boras, c’est que j’avais moins d’énergie au poids, mentalement et nerveusement j’étais déjà usée mais j’avais déjà ma médaille du disque.

Tu as déjà dix sélections en équipe de France depuis tes 16 ans, quel est ton plus beau souvenir sous le maillot bleu ?
A.N-N : Je pense que j’en ai deux. Le tout premier c’est ma première sélection au Kenya pour le championnat du monde. Le cadre était super, changer de continent, partir au Kenya, voir quelque chose de vraiment différent, des gens avec une culture différente, une atmosphère que je n’ai retrouvé nulle part ailleurs. Le deuxième, c’est la médaille à Boras pour ma performance.
L’été dernier, tu as décroché ta première médaille en grand championnat à Boras aux championnats d’Europe. Que retiens-tu de cette expérience et comment s’est déroulée ta compétition ?
A.N-N : J’en retire de l’expérience en plus, comment gérer la compétition et le concours car c’est vraiment éprouvant. La pression est dix fois plus grande qu’ailleurs. La compétition a débuté par les qualifications. Il faut savoir que je suis quelqu’un d’assez stressée, c’est quelque chose que j’ai travaillé mais c’est encore en cours. On a trois lancers de qualification. La barre de qualification était à 51 m. Les deux premiers jets, je tape la cage donc deux 0. Sur le dernier jet, je m’en sors en faisant 51 m 56.
En finale, à mon premier jet, j’arrive à faire un lancer qui va me qualifier pour les trois derniers jets supplémentaires, il était à 50 m mais il fallait beaucoup plus, j’étais 6/7e à ce moment-là. Vers la fin, j’ai amélioré à 53 m 22. Juste après mon jet, il s’est mis à pleuvoir et le concours a du être arrêté. Quand on a repris, c’était une catastrophe, tout le monde était froid et le plateau glissait, ça n’a rien donné donc j’ai eu de la chance d’avoir amélioré avant. C’était éprouvant car tout le monde était en forme et c’était maintenant ou jamais.
Tu as fait une très belle saison hivernale avec deux titres nationaux en espoir et une troisième place en élite au poids. Peux-tu nous parler avec du recul aujourd’hui de cet hiver qui fut prolifique pour toi ?
A.N-N : J’étais assez satisfaite de mon hiver, j’avais rempli tous mes objectifs, j’étais contente. C’était ma première année en espoir donc j’avais plus de pression car il y a plus de concurrence. L’année dernière, j’étais à 10 m de mes rivales donc c’était moi contre moi. Là, j’étais contente de me surpasser pendant les championnats de France. Pour la médaille (de bronze) aux élites, j’étais aussi super contente car je savais que ce n’était pas impossible pour ma part, mais d’une vision extérieure c’était assez inattendu car je suis plus une lanceuse de disque et pas de poids et que je n’étais pas dans les favoris.

“C’était maintenant ou jamais”
Amanda Ngandu-Ntumba, lanceuse de disque
Depuis, comment gères-tu l’entraînement avec les conditions que l’on connaît et as-tu des objectifs en vue prochainement ?
A.N-N : J’avoue que c’est compliqué parce qu’on ne sait pas trop comment la fin de la saison va se dérouler. On ne sait pas trop pourquoi on s’entraîne précisément, mais j’arrive à garder la motivation même s’il y a des périodes où c’est plus difficile avec l’atmosphère de vacances. Pendant le confinement, j’ai tout fait sauf lancer car les stades étaient fermés. J’ai surtout fait du renforcement musculaire, j’ai couru, j’ai fait tout ce que je pouvais faire et que d’habitude je ne fais pas. C’était bien dans un sens même si c’était dommage de ne pas pouvoir lancer, mais depuis le déconfinement je relance.
As-tu un point fort et au contraire un bon faible ?
A.N-N : La technique est en constante évolution donc je ne saurais pas donner des points précis. Si je pouvais donner un point fort, de manière général c’est que j’apprends vite.
Où en es-tu dans tes études et envisages-tu de devenir athlète pro grâce à tes résultats ?
A.N-N : En ce moment, je fais des études de commerce international, je compte continuer et je me verrais bien travailler dans cette voie-là plus tard. Le fait d’évoluer et de progresser donne envie de devenir pro mais je ne veux pas me projeter, je vois d’années en années ce que ça donne. L’avenir d’athlète est très vaste et on ne peut pas savoir ce qui va se passer. Si ça vient tant mieux et sinon c’est pas grave. Le but ultime sont les JO de 2024, on s’y prépare chaque année, j’en fais mon objectif et toutes les personnes de ma génération et qui sont à peu près à mon niveau ont cet objectif.

As-tu l’impression que le lancer, de plus féminin, est moins médiatisé que les autres disciplines de l’athlétisme et notamment moins que les hommes ?
A.N-N : Je trouve que le lancer en général n’est pas beaucoup médiatisé, je ne pense pas que ce soit plus le lancer féminin. Celle qui a aidé à notre médiatisation c’est Mélina Robert-Michon, c’est une femme donc ça a aidé. Je trouve dommage qu’en France le lancer soit encore moins médiatisé que les autres disciplines. Je trouve que c’est basé sur des clichés qui sont erronés et faux sur l’esthétisme des lancers, si on s’y intéressait vraiment on verrait que c’est complètement différent que ce qu’on peut entendre.
As-tu un ou une idole/exemple de qui tu t’inspires ou que tu admires dans ton sport ?
A.N-N : Je n’ai pas vraiment d’idole, je m’inspire de beaucoup de personnes que ce soit en athlétisme ou dans les autres sports. J’essaye de créer mon propre chemin, suivre ce que j’aime et ce que je ressens.
Quel est l’endroit dans le monde où tu aimerais un jour t’entraîner ou faire une compétition ?
A.N-N : Les lancers sont plus développés en Europe de l’Est donc si on pouvait avoir plus de compètes ou de stages là-bas, où le lancer est bien médiatisé et démocratisé, ce serait vraiment bien.
Crédits photos : Amanda Ngandu-Ntumba