Les superbes performances du rugby français sont bâties sur différents facteurs, parmi lesquelles figure l’apport des “Ovnis”, qualificatif donné par Fabien Galthié. De très jeunes joueurs, dotés d’un potentiel énorme et, pour la plupart, déjà installés dans l’élite. Des espoirs d’Agen au groupe France, les derniers mois d’Émilien Gailleton en sont le parfait exemple. Confessions.
À tout juste 19 ans, Émilien Gailleton sort d’une saison très riche en émotions. Ses premiers pas au sein du groupe pro, puis dans le XV de départ en Pro D2, sans oublier un VI Nations en U20 plus que satisfaisant. Enfin, un maintien acquis avec son club formateur, le SU Agen. De toute évidence, ses performances n’ont pas laissé les techniciens du Top 14 indifférents. Rapidement, il s’est attiré les convoitises de plusieurs grandes écuries. C’est à la Section Paloise qu’il débarque cet été. Son début de saison dans l’élite traduit les nombreuses attentes que lui confèrent les observateurs. À travers cette interview, le trois-quarts centre retrace son parcours, ses premiers mois en Top 14, ainsi que ses perspectives futures.
Arriverais-tu à expliquer ta maturité et ta précocité ?
Émilien Gailleton : Déjà, j’ai eu la chance de jouer pas mal de matchs en pro cette année (la saison dernière). C’est donc la meilleure façon d‘acquérir des automatismes et de l’expérience. Je le dois beaucoup à ma formation, à tous les coachs, depuis que je suis à l’école de rugby de Cahors, jusqu’à ma formation à Agen. Tous les entraîneurs avec qui je suis passé m’ont beaucoup apporté. Après, c’est sûr que j’ai toujours voulu réussir dans ce que je faisais, et ce, même si je n’ai pas encore fait énormément de choses. Dans mon tempérament, j’ai toujours voulu réussir et progresser.
Comment as-tu commencé le rugby ?
Émilien Gailleton : Dans ma famille, personne ne faisait du rugby. Pourtant, j’ai commencé très tôt. À l’âge de cinq ans, j’ai mon meilleur pote qui est parti au rugby et comme mes parents voulaient que je fasse un sport collectif, alors tout est parti de là. Même si ça n’a pas pris tout de suite, j’ai quand même continué. Finalement, ça fait plus de 13 ans que j’y suis. Dans ma formation, j’ai pu tâter un peu tous les postes chez les trois quarts. Quand j’étais petit, j’ai joué à l’aile. Après, j’ai évolué à l’arrière et quand je suis arrivé à Agen, je suis passé centre. J’ai même pu évoluer à l’ouverture.
Quelles sont tes sources d’inspirations ou tes modèles dans le rugby ?
Émilien Gailleton : Je n’avais pas forcément de vrais modèles à mon poste, même s’il y a toujours quelques joueurs qui te marquent. Quand j’étais petit, je pense à Wesley Fofana et Nick Abendanon. Surtout que quand je jouais 15, mon coach m’appelait comme ça, donc c’est sûr que je me suis référé à lui. J’ai adoré Gael Fickou également. Ensuite, plus sur la mentalité que sur le poste, c’est Jonny Wilkinson, même si je suis sûr que c’est le cas pour tout le monde (rires). En fait, je n’ai jamais eu vraiment une idole comme ça accrochée sur le mur, mais c’est sûr que je regardais beaucoup de joueurs pour progresser, ça m’a beaucoup apporté.

L’an passé, quels ont été les moments forts de ta saison en club ?
Émilien Gailleton : Je dirais déjà la première victoire à domicile contre Aurillac. Ensuite, deux semaines après, encore une victoire à domicile avec le bonus offensif contre Montauban. Ce sont deux premiers matchs à domicile que j’ai pu faire, avec le public qui est resté là. Il y avait beaucoup d’émotion, car ils marquent la cassure avec les 34 défaites. Après le coup de sifflet final, on reste avec le public, eux qui ont toujours été derrière le SUA. Ils ne nous ont jamais lâchés et ça fait plaisir de les voir heureux.
Comment as-tu vécu ta place de leader au tournoi des VI nations U20 le printemps dernier ?
Émilien Gailleton : C’est sûr que d’avoir pu faire le tournoi l’année précédente, j’avais quelques bases pour le débuter cette année. Après, ce n’est pas que sur le VI Nations que je me suis imposé en tant que leader. Je pense que depuis le début de la saison, avec les nombreux stages que l’on peut faire à Marcoussis, le groupe se dessine. Si j’ai été capitaine, ce n’est pas pour mon rôle unique de leader, c’est que je suis bilingue. Pour communiquer avec l’arbitre, c’est beaucoup plus facile.
Né en Angleterre, cela ne t’est jamais venu à l’idée de jouer pour la sélection anglaise ?
Émilien Gailleton : Je suis arrivé très tôt en France, mais c’est une question que j’ai beaucoup entendue. Comme je suis arrivé très tôt, j’ai toujours joué en France, que ce soit dans les clubs et en sélection. Mes repères sont plutôt français, le jeu lui aussi. Quand j’ai commencé les rassemblements jeunes, c’était sous la fédération française. D’autant plus que ni les Anglais, ni les Écossais, puisque ma grand-mère est écossaise, ne m’ont appelé. Aucune des deux fédérations ne l’a fait, donc non ça ne m’est jamais venu à l’idée.

“Je dois beaucoup à ma formation”
Est-ce difficile de partir du club qui t’a formé (US Agen) ?
Émilien Gailleton : Honnêtement, l’an passé, ça n’a pas été si difficile. Bien que tout au long de ma formation, je voulais rester à Agen le plus longtemps possible et jouer en Top 14 avec eux, faire partie d’un groupe qui remonte le club. Après, c’est sûr qu’avec les deux saisons qui viennent de s’écouler, surtout l’année dernière où ça a vraiment été compliqué. À ce moment-là, on pense à autre chose, même si je pensais toujours rester là.
Lors de la saison dernière, je ne commençais pas à m’en lasser, mais je voulais du renouveau. Puis le fait qu’il y ait toujours eu des situations difficiles à Agen, c’est compliqué pour se projeter. Aussi, je voulais aussi toucher un peu de Top 14. Donc ça s’est fait assez rapidement en fin de compte. Maintenant, c’est sûr que quand je repense aux années en arrière, je me dis que c’est dommage que je ne continue pas dans le même club comme certains l’ont fait. Je trouve ça extraordinaire de rester dans le même club de A à Z. Mais bon, c’est comme ça. Je pense que les carrières des joueurs se dessinent par les opportunités qui arrivent.
Tu as choisi la Section Paloise, alors que le Stade Toulousain et l’ASM te courtisaient. Comment expliquer ce choix ?
Émilien Gailleton : C’est le manager Sébastien Piqueronies qui est arrivé l’année dernière en cours de saison et qui a repris les rênes de la Section. Je le connaissais bien par les stages à Marcoussis. Je le trouvais vraiment super et je pense qu’il a un réel projet pour le club et qui est à l’avantage des jeunes. Donc c’est bénéfique pour moi. Après, il y a aussi le cadre de vie, l’environnement de la Section. Il me motive et me stimule bien. Avec la montagne, l’océan qui n’est pas loin, le côté plus nature, le fait que ça ne soit pas une très grande ville, je suis attaché à ça.
Es-tu satisfait de tes performances sur le terrain depuis le début de saison ?
Emilien Gailleton : Je suis assez content de mon début de saison oui. Je me suis prouvé à moi-même que j’étais capable de jouer dans ce championnat. Maintenant, mon objectif n’est pas d’être seulement suffisant sur le terrain.

Quelles sont les différences entre le Pro D2 et le Top 14 et comment pourrais-tu qualifier ton intégration dans ce nouveau championnat ?
Émilien Gailleton : Je trouve que les joueurs, en tout cas la majorité, sont plus précis techniquement et sont capables de le faire à grande vitesse. Chose que je voyais moins en Pro D2. Pour l’intégration en Top 14, j’étais étonné que ça se fasse aussi rapidement, mais en même temps, je n’ai pas trop eu le temps de prendre du recul, car les semaines s’enchaînent. En club, j’ai été très bien accueilli par un groupe très familial.
Comment vois-tu ta carrière à court terme mais aussi d’ici quelques années ?
Émilien Gailleton : Je vais déjà me concentrer sur mes deux années qui arrivent à Pau et après on verra comment ça se passe. C’est certain que j’ai le rêve de gagner des titres, que ce soit en Top 14, voire même en Champions Cup. Sans oublier, bien sûr, le rêve d’être international. Tout ça, ça reste dans un côté de la tête, mais là, pour l’instant, je vais me concentrer sur les deux saisons qui arrivent.
Crédit photos : Romain Perchicot