Si le sprint français n’a pas obtenu de médaille internationale depuis plusieurs années, la relève, elle, semble assurée. La jeunesse pointe le bout de son nez, à l’image d’Hugo Cerra. Seulement 20 ans et déjà tout d’un futur grand. Son parcours sort des sentiers battus et sa dernière saison augure du meilleur. Entretien.
Hugo Cerra est un athlète de 20 ans licencié à l’US Talence. Spécialiste du 200 m et même du 100 m, la vitesse n’a plus aucun secret pour lui. Après de nombreuses années dans le handball, Hugo prend la décision de se concentrer sur l’athlétisme en septembre. Un choix payant puisqu’il pointe déjà quatrième aux bilans actuels du 200 m en France. Avec ses 20”64 obtenus cette année chez lui à Talence fin mai, il place le curseur très haut et grimpe dans la hiérarchie nationale. Cinquième des France Élite à Albi fin juillet, le jeune sprinteur né à Mérignac a eu une saison riche en émotions et en performances. La confirmation est désormais son objectif, avec de très grosses échéances dans le viseur.
Si tu devais te décrire en trois mots…
Hugo Cerra : Je dirais que je suis (j’espère) humble, joyeux et décontracté.
Jusqu’ici, quel est le plus beau souvenir d’athlétisme que tu as vécu et pourquoi ?
H.C : Déjà l’an dernier, c’était la médaille aux championnats de France, car je ne m’y attendais pas du tout (NDLR : à Mulhouse, vice-champion de France junior du 200 m). Plus globalement, c’est la première course de la saison, lorsque j’ai fait 20”64. C’était inattendu, car deux semaines avant, j’avais fait six dixièmes de plus. Ça me permettait d’aller aux Europe U23, c’était un très bon chrono, donc j’étais très content de moi.
Il y a quelques semaines, tu as décroché la médaille d’argent aux championnats d’Europe U23 à Espoo avec le relais 4×100 m. Que retiens-tu de cette deuxième place ?
H.C : Les Europe, c’était particulier, car j’ai joué sur les deux tableaux, à savoir le 200 m et le 4×100 m. J’étais très content de cette médaille, mais je ne pense pas l’avoir assez savouré, car j’ai dû me remettre tout de suite dans la compétition, car je n’avais pas encore commencé le 200 m. C’est peut-être plus a posteriori que j’ai commencé à plus l’apprécier. C’est un super souvenir, je pense que nous pouvons être fiers de nous. Le chrono est encourageant pour la suite, car nous étions trois Espoirs 1 dans ce relais.

Le relais possède un fort aspect « esprit de groupe » sur et en dehors de la piste. Comment prépare-t-on une telle course collective ?
H.C : La préparation est très importante. Au-delà de la vitesse individuelle, ça reste quand même très technique et c’est limite ce qui est le plus important, sur les passages de témoin notamment. Après, c’est vrai qu’on a créé une émulation dans ce championnat. On a peut-être eu six ou sept jours avant de commencer à courir sur place, donc on bouillonnait tous. Les deux sont très importants pour un bon relais.
Au-delà du sportif, on imagine une grande ambiance au sein de l’équipe de France durant cette compétition…
H.C : Je pense qu’il y a un fort esprit d’équipe. Nous sommes tous heureux pour les médailles des uns et des autres. Ça crée une émulation qui va nous permettre nous de nous surpasser derrière. Le meilleur exemple de ça, c’est le 4×400 m féminin, où on a vu les images passer de la remontada de Louise (Maraval) notamment et des quatre filles aussi. C’est à l’image de tout ce qu’on a ressenti sur les championnats d’Europe, tous derrière les uns et les autres. Ça crée un bel esprit de groupe.
Plus récemment, tu as participé à tes premiers championnats de France élite à Albi. Tu as terminé cinquième du 200 m, es-tu satisfait de cette prestation ?
H.C : Je ne pense pas rester sur ma faim. Bien entendu, quand on a le quatrième temps des engagés (NDLR : aux bilans), ça donne envie d’aller chercher le podium. Je savais que ce ne serait pas chose aisée. Finalement, j’ai fait une bonne course quand même. Il aurait fallu que je fasse mon record pour monter sur la boîte. C’était une longue saison pour moi, les France élite n’étaient pas forcément ce que je préparais. Je suis content du résultat, ça ne m’a pas forcément déçu.
Tu as pu prendre des informations pour l’année prochaine…
H.C : Oui voilà, je préparerai peut-être mieux ma saison prochaine, disons avec d’autres échéances. Peut-être plus les France élite que les France espoir. C’est de l’expérience.

“Je pense que nous pouvons être fiers de nous”
Hugo Cerra, sprinteur français
Cette saison, tu as couru sur plusieurs distances. Entre le 200 m et le 100 m, laquelle préfères-tu ?
H.C : Je préfère le 200 m, car je suis plus à l’aise tout simplement. Le 100 m, c’est court et ce n’est pas un secret que je suis un mauvais partant. Disons que c’est un aspect qui est moins visible sur le 200 m, donc je peux plus m’exprimer sur 200 m. Même globalement, c’est une distance que je préfère courir.
Qu’est-ce qui fait la différence ?
H.C : Le départ virage, je pense que je me débrouille mieux que le départ ligne droite. Surtout, c’est plus long et mon point fort reste ma pointe de vitesse, notamment en fin de course. Forcément, c’est plus facile de s’exprimer quand c’est plus long.
Il y a peu, tu étais encore dans le handball, que tu as pratiqué pendant dix ans. Pourquoi avoir choisi de se reconvertir dans l’athlétisme ?
H.C : Quand j’étais au collège, j’avais fait une section handball/athlétisme, donc j’étais entré pour le handball. L’athlétisme m’a toujours bien plu, j’avais un peu hésité à mener les deux de front. Finalement, ça ne s’était pas fait. En entrant en STAPS, je n’avais pas forcément un excellent niveau en handball, donc je m’étais dit qu’en athlétisme, je m’en sortirai peut-être mieux, vu que c’était un sport individuel. Finalement, je m’en suis bien sorti et j’ai décidé de commencer en club.
C’est une copine qui m’a proposé de venir dans son groupe d’entraînement, celui dans lequel je suis aujourd’hui à Talence. C’est ça qui m’a fait passer à l’athlétisme. Cette année-là, donc l’an dernier, j’ai mené les deux de front, du hand et de l’athlétisme. Cette saison, j’ai essayé de faire que de l’athlé pour vraiment me consacrer dessus et ne pas prendre de risques de blessures. Ça a fait une sortie progressive, car l’athlétisme marchait bien. Quand j’ai arrêté cette année, ça a moins été un déchirement que ce que ça aurait pu être.
Trouves-tu des similitudes entre le handball et l’athlétisme ?
H.C : J’avoue que je ne saurai pas trop dire des similitudes. Ça reste le sport de base où tu sautes, tu cours et tu lances. De là à dire qu’il y a de vraies similitudes… Bien sûr, lancer un javelot et un ballon de hand, ça se ressemble, même si c’est plus technique. Ce ne sont pas non plus deux sports qui se ressemblent.
Qu’est-ce qui te plaît le plus dans l’athlé ?
H.C : Dans un premier temps, ce qui m’a vraiment attiré, c’est l’envie que j’avais depuis un moment de commencer l’athlétisme. Quand j’ai vu que ça pouvait vraiment marcher, c’est ce qui m’a poussé à continuer et à insister. Aujourd’hui, comme ça pouvait être pour le hand à l’époque, j’aime bien ce sport, le pratiquer, être avec mes copains. Ça marche en plus, donc c’est un bonus.

Es-tu un peu surpris de cette ascension ?
H.C : Bien sûr que je suis surpris, car je ne m’attendais jamais, quand j’ai commencé il y a un an et demi, à aller aux championnats d’Europe espoir cette année, ni même les Mondiaux U20 l’an dernier. La saison passée, mes chronos sont descendus plus progressivement, mais cette année, j’ai vraiment franchi une marche avec les 20”64 et que j’ai réussi plus ou moins à maintenir dans la saison.
Cela fait depuis 2016 et Christophe Lemaitre à Rio que l’équipe de France n’a plus eu de médaille en sprint sur un grand championnat. Penses-tu que le sprint français connaît des difficultés sur la scène internationale ?
H.C : Je ne sais pas si on peut dire que le sprint est en difficulté. À l’exception de Jimmy Vicaut, Christophe Lemaitre et du relais 4×100, on n’a jamais vraiment plus brillé que ça de mémoire. Après, je ne saurai pas dire si c’est exclusivement le sprint français qui est en difficulté. C’est ce qu’on a vu à Budapest cette année, nous avons de bonnes performances, mais pas qui nous permettent d’aller chercher des tops niveaux. Je ne sais pas si on peut dire qu’on a un gros trou.
Que manque-t-il selon toi pour que les sprinteurs soient à un meilleur niveau ?
H.C : Je ne pense pas que ce soit tant le sprint français que le sport en France de manière générale. Aux États-Unis, c’est quelque chose de massif. C’est une des choses les plus importantes, le sport. Au niveau universitaire et même au-delà. En France, c’est vrai qu’il n’a pas cet impact-là, ni même cette importance. Il y a moins de moyens et de visibilité, donc ça n’aide pas à la performance.
Pour toi, il y a un manque de considération du sport en France par rapport à d’autres pays ?
H.C : En tout cas, la majorité des sports. Il y a des exceptions, comme le football par exemple, même le rugby, le handball ou encore le basket. Par rapport à certains grands pays, il a moins d’importance qu’ailleurs.
Quel serait ton rêve absolu ?
H.C : En athlétisme, ce que j’aimerais vraiment faire, c’est avoir le record de France sur 200 m. C’est vraiment quelque chose qui m’attire.
Si tu avais Hugo Cerra en face de toi, quelle question lui poserais-tu ?
H.C : Je crois que je me demanderais jusqu’à quel point je suis prêt à m’impliquer dans l’athlétisme si jamais un jour ça fonctionne moins bien qu’aujourd’hui ? Jusqu’à maintenant, je n’ai connu que du bon en soi. Si un jour ça bloquait, dans quelle mesure je persévèrerais ?