Sport olympique historique, le tir à l’arc ne cesse de croître en France avec des projets de développement menés par la Fédération Française de Tir à l’Arc. Au-delà de ces projets, l’équipe de France est en pleine transformation avec l’arrivée d’Oh Seon Tek, entraîneur coréen émérite et ambitieux. Ce changement pourrait profiter à Lisa Barbelin, 22 ans, jeune archère qui a déjà fait parler d’elle en Europe et dans le monde, et qui pourrait, avec cette arrivée, tirer son épingle du jeu pour Paris 2024. Découvrez-la.
Lisa Barbelin est une archère française âgée de 22 ans et originaire de Lorraine, plus précisément de Ley. Licenciée à Dieuze en Moselle, elle intègre le CREPS de Nancy en parallèle de ses études à Tomblaine. Malgré son jeune âge, Lisa gravit les marches à une vitesse époustouflante et se fait rapidement un nom. Le 6 juin 2021, elle devient championne d’Europe à la surprise générale du côté d’Antalya en Turquie et ramène ainsi à la France un titre européen qu’elle attendait depuis 2008 et Bérangère Schuh. Dans un intervalle de 48 heures, elle décroche également son ticket pour les JO de Tokyo en remportant le tournoi de qualification olympique. Au Japon, elle se hissera jusqu’au troisième tour. Début 2022, Lisa Barbelin s’offre même le record de France en salle avec 593 points, de quoi confirmer sa volonté de battre les records. Projetée sur Paris 2024, elle pourrait devenir la première française médaillée en individuel aux Jeux Olympiques.
Si tu devais te décrire en 3 mots…
Lisa Barbelin : Je dirais joie de vivre, mais en un seul mot, donc joyeuse, guerrière et ambitieuse.
Pour ceux qui ne te connaissent pas encore, ton ascension est assez belle, notamment depuis l’an dernier. Raconte-nous ton parcours pour en arriver jusque-là :
L.B : Avant tout ça, j’ai décroché ma place en équipe de France, puis j’ai gagné la sélection pour faire partie de l’équipe de France olympique. Suite à ça, il y a eu plusieurs compétitions, plusieurs stages dont notamment deux Grand Prix, l’un que j’ai remporté et l’autre où j’ai terminé deuxième. C’étaient mes premières médailles en individuel sénior donc ça avait beaucoup d’importance pour moi. Ensuite, ce fut mes deux premières coupes du monde au Guatemala, ensuite, il y a eu Lausanne et Paris un peu plus tard. Entre temps, il y a eu aussi le TQO et les championnats d’Europe en Turquie. J’ai obtenu ma qualification pour Tokyo, une première depuis 2012, car il n’y avait aucune française pendant 10 ans.
De quelle manière et à quel âge es-tu arrivée dans le milieu du tir à l’arc et pourquoi vouloir en faire un projet professionnel ?
L.B : Je suis arrivée, je devais avoir 9 ans et j’ai fait ma première compétition le jour de mes 10 ans. On s’en rappelle beaucoup, je trouve. Ensuite, c’est mon oncle qui en faisait, en compétition. Il m’a dit un jour « viens essayer, ça va peut-être te plaire », parce que je touchais un peu à tous les sports. Ça m’a plu et surtout, c’était la compétition. J’ai décidé d’en faire un rêve olympique, un rêve professionnel, quand j’ai commencé à faire des championnats de France, à voir que ça pouvait marcher. Je ne gagnais encore rien à ce moment-là au niveau championnat et c’est mon papa qui m’a poussé à rentrer en Pôle France à Nancy. Je ne voulais pas, j’avais très peur de quitter ma famille. Il m’a mis un peu des coups de pied aux fesses pour y aller. Il m’a dit « sinon tu vas le regretter toute ta vie » et je le remercie mille fois pour tout ça, parce que j’aurais regretté toute ma vie.

En juin 2021, tu décroches ton ticket pour les JO de Tokyo, puis le titre européen du côté d’Antalya à 48 heures d’intervalle. Comment as-tu géré ce timing très serré entre deux échéances capitales ?
L.B : C’est exactement ça. J’ai tiré la demi-finale des championnats d’Europe le jeudi et le vendredi matin, je faisais le tournoi de qualification pour les Jeux. Donc le vendredi, j’étais sélectionnée, le vendredi soir et le dimanche, je faisais la finale des championnats d’Europe. Depuis cette année-là, je pars à chaque compétition en me disant que je vais la gagner. Et là, ce qui était super, c’est qu’il y avait deux compétitions et de belles compétitions, car obtenir sa place aux Jeux, je ne sais pas si je pourrais mettre l’un ou l’autre devant être championne d’Europe ou gagner sa place aux JO. Pendant toute la semaine, je m’étais dit que ça allait être compliqué de gérer ça parce que ce sont deux compétitions très importantes et je sais que j’avais le niveau pour gagner les deux, donc le truc, ça a été de prendre vraiment étape par étape, flèche après flèche. Pour ça, je remercie à fond mes parents car j’ai pu les appeler, j’étais en pleurs avant le TQO. « Papa, maman je ne sais pas quoi faire, je suis en finale des championnats d’Europe et si jamais ça se passe pas, si jamais je suis championne d’Europe et que je pars pas aux jeux ». Ils ont été vraiment merveilleux, ils m’ont beaucoup aidé et grâce à eux, j’étais à fond le jour J.
Avant d’entamer ce tournoi de qualifications, pensais-tu avoir les armes et surtout avais-tu l’objectif de Tokyo, ou alors était-ce surtout Paris la priorité ?
L.B : Depuis quelque temps, je visais Tokyo plus que tout. J’étais plutôt programmée pour 2024 et en voyant les performances que j’ai pu faire et le fait que j’avais la maturité dans ma tête pour y arriver, je me sentais les épaules d’aller revoir un peu à la hausse mon objectif. Je savais que j’allais y arriver, c’était un pressentiment. Je savais que j’allais aller aux Jeux, mais je ne savais pas comment.
Avec du recul, comment as-tu vécu cette aventure japonaise et notamment les restrictions sanitaires et le peu de public ?
L.B : Ça n’avait aucune importance pour moi. C’étaient des JO, avec ou sans public ça reste des JO, avec ou sans public, il y avait des anneaux partout et avec ou sans public, ça aurait été un titre de championne olympique et ça n’a pas de prix. Peu importe, ça me passait vraiment au-dessus et ça me passe toujours au-dessus, parce que c’est un rêve d’une vie. Ça aurait été dommage de dire que c’était moins bien, car il n’y avait pas de public, que c’était moins bien parce qu’on avait des masques. Finalement, c’est sans importance.

“J’aurais regretté toute ma vie”
Tu es éliminée en 1/8 de finale face à Alejandra Valencia, une cliente. À froid finalement, est-ce la déception qui prime toujours ou alors simplement une phase d’apprentissage ?
L.B : Oui, c’est une phase d’apprentissage. Sur le moment, j’étais très triste, je n’avais pas de déception, c’était plus de la tristesse, car j’aurais voulu aller plus loin. Avec du recul, c’est trop bien ce qu’il s’est passé. C’est dommage d’avoir perdu en ⅛ de finale, mais c’est un apprentissage pour le reste de ma carrière et à Paris, je serai au rendez-vous. Ça m’a beaucoup apporté, je pense que chaque échec nous apporte vraiment. Ce n’est pas vraiment un échec parce qu’il y a eu de très jolies choses et j’en suis très fière.
Selon toi, qu’est-ce qui fait la différence entre une bonne archère et une archère moyenne ? Quels sont les détails déterminants ?
L.B : La détermination et la conviction qu’on a dans ce qu’on fait parce qu’il faut être bon techniquement dans ce qu’on fait et faire le geste parfait à chaque fois. Pourtant, je trouve que ce qui compte le plus sur un pas de tir et une arène olympique, c’est d’être déterminée sur ses objectifs, d’être sûre de soi, d’aller au bout des choses et de ne jamais avoir un seul soupçon de doute sur ce qu’on peut faire.
Par qui es-tu aidée pour pouvoir perdurer dans le tir à l’arc et préparer sereinement tes échéances ? Est-ce suffisant également pour en vivre ou pas encore ?
L.B : Au niveau logistique, mon coach m’aide énormément. C’est un vrai travail d’équipe, je ne serais pas là sans lui, sans toutes les personnes qui m’ont suivies, mes coachs depuis le club jusqu’au pôle France et maintenant à l’INSEP. Je suis clinique, mon tir à l’arc, c’est quelque chose par équipes, je ne suis pas toute seule là-dedans. Après, je fais aussi beaucoup de préparation mentale, ça m’aide énormément, de la cohérence cardiaque, beaucoup de choses avec ma respiration pour calmer mes battements cardiaques. Depuis quelque temps, je fais aussi du yoga et ça m’aide énormément. D’un point de vue un peu plus logistique, j’ai décroché un contrat avec l’armée des champions à la Gendarmerie Nationale. Ils me suivent énormément et ça me permet d’avoir une rentrée d’argent tous les mois et de prendre les choses un peu plus sereinement. Parce qu’à côté de ça, je fais des études aussi. Ça m’a toujours fait très peur d’étaler mes études comme je le fais et de rentrer dans la vie active que très tard, de n’avoir un salaire que très tard, de pouvoir acheter une maison très tard, de rentrer dans la vie normale beaucoup plus tard que les autres.

Le tir à l’arc est un sport qui a peu de vitrine comparé à d’autres, hormis lors des échéances olympiques. Penses-tu que ta discipline est sous-médiatisée ?
L.B : Oui, je pense que nous ne sommes pas assez médiatisés. C’est normal, on est un sport où il y a moins d’argent, les gens s’y intéressent un peu moins parce qu’en France, on n’en gagne pas beaucoup. Les sports qui sont médiatisés sont ceux où l’on gagne beaucoup régulièrement. C’est comme ça, mais après tout, je crois que ça me va bien. C’est rigolo d’être sous le feu des projecteurs pendant deux semaines. Toute ma vie, ce serait un peu plus contraignant, je pense.
Si tu devais choisir entre être numéro 1 mondiale de manière permanente et championne olympique, quel serait ton choix et pourquoi ?
L.B : Championne olympique mille fois. Mon entraîneur est souvent en train de me taquiner là-dessus parce que je n’ai pas envie de prendre du poids, d’être trop musclée et d’être un ermite qui ne bouge pas de sa chambre. Il me dit « si tu devais être un ermite, mais triple championne olympique, qu’est-ce que tu ferais ? ». Je lui réponds que je serai championne olympique, tant pis pour l’ermite ! (rires)
Quels conseils pourrais-tu donner à des jeunes filles qui hésiteraient à se lancer dans le tir à l’arc ?
L.B : Je dirais que c’est un très joli sport où l’on rencontre des gens merveilleux. Que si on croit en ses rêves, on peut y arriver. Finalement, il n’y a que nous qui nous fixons des limites. On peut faire tout ce qu’on veut. Franchement, le tir à l’arc est un super sport, il faut essayer !
Crédits photos : Franck Moreau / FFTA et Alexis Laurent-Gonnet / FFTA
nous avons la une championne de grande envergure préservons la bise à toi LISA un viel archer de quatre -vingt un ans