Accueil » En attendant… Lucas Bernadou

De Paris à Emmen, il n’y a parfois qu’un pas. Ces deux dernières années, nombreux sont les Titis parisiens rembarrés par le club de la Capitale à avoir posé bagages à Emmen, petite ville paisible au nord des Pays-Bas. Précurseur de ce mouvement surprenant, mais non moins pertinent, Lucas Bernadou se livre sur la fin de son aventure parisienne en eau de boudin et sa renaissance au pays des polders. Avant un retour fracassant en France ? Entretien.

Débarqué au FC Emmen à l’été 2020, Lucas Bernadou a découvert le football néerlandais suite à un long passage infructueux au centre de formation du Paris Saint-Germain. De 2013 à 2020, le Francilien a effectivement croisé Christopher Nkunku, Moussa Diaby, Arnaud Kalimuendo, Xavi Simons et bon nombre d’autres espoirs. Ceux-ci garniront probablement les rangs de cadors européens d’ici aux prochaines années. Sept années à la formation parisienne, un troisième exercice entamé avec le FC Emmen et un avenir qui s’annonce prometteur pour celui qui s’affirme de plus en plus en Eredivisie.

Pour commencer, peux-tu te décrire en quelques mots afin de te présenter à nos lecteurs ?

Lucas Bernadou : Je m’appelle Lucas Bernadou et j’ai 22 ans. Dans la vie, je suis plutôt calme et discret. Sur le terrain, j’évolue dans l’entrejeu, plutôt en tant que milieu défensif ou relayeur. Comme dans la vie, je suis un joueur plutôt calme.

Entre 2013 et 2020, tu es au centre de formation du Paris Saint-Germain, où tu as notamment dû faire face à la suppression de l’équipe réserve. À l’été 2020, le PSG ne te transmet aucune offre de prolongation de contrat. Comment as-tu vécu cette situation délicate ?

L.B : C’était très compliqué. En fait, ma saison en National 2 était plutôt bonne et j’ai beaucoup joué. Dès le début de cette saison, on parlait déjà d’un contrat pro avec le club. Mais en fin de saison, ils nous annoncent que l’équipe réserve sera supprimée. C’était si tard qu’on a tous été choqués et pris au dépourvu, parce que ça ne nous laissait vraiment pas beaucoup de temps pour trouver un nouveau club. Moi, il me restait une année de contrat. Comme je n’ai trouvé aucune sortie de secours, je suis resté au PSG et je me suis entraîné avec les U19. J’ai seulement joué en Youth League et dans des matchs U23, car j’étais trop âgé pour être en championnat avec les U19. Je ne me suis pas entraîné avec le groupe pro non plus, donc c’était vraiment une saison difficile.

À la fin de ton contrat avec le PSG, certaines offres de clubs évoluant en National arrivent sur ta table. Finalement et un peu à la surprise générale, tu optes pour le FC Emmen. Pourquoi ce choix ?

L.B : Quand j’ai entendu que c’était un club de première division, qu’ils me voulaient vraiment, qu’ils avaient un bon projet et que c’était une équipe qui performait plutôt bien en Eredivisie, je n’ai pas vraiment hésité. Ça s’est fait très rapidement.

Bernadou Emmen
Après sept ans passés au PSG, Lucas Bernadou a rebondi aux Pays-Bas – Photo : FC Emmen

Entre le Paris Saint-Germain et le FC Emmen, il y a plus qu’un monde. Qu’est-ce qui change quand tu passes d’un club hypermédiatisé à travers le monde entier à une formation bien moins en vue sur le plan sportif ou médiatique ?

L.B : C’est clair que ça n’a rien à voir. Après, au PSG, je n’ai jamais été médiatisé comme d’autres espoirs du club, donc ça ne m’a pas changé tant que ça. C’est surtout au niveau des infrastructures et de l’organisation autour du club que tout change.

Quand tu arrives à Emmen, tu ne connais ni le pays, ni la ville, ni la langue et ni tes coéquipiers. Comment s’est déroulée ton adaptation dans ce contexte plutôt difficile et inédit pour toi ?

L.B : Ça n’a pas été facile, surtout que la première année, j’étais le seul Français. Il y a quand même Sekou Sidibé, qui est belge, mais qui parle français, qui m’a beaucoup aidé. C’étaient surtout les premiers mois qui ont été compliqués. Après, tu commences à prendre tes marques et tu te sens mieux.

L’été suivant, en 2021, beaucoup de jeunes espoirs français suivent ton chemin et quittent la France pour s’installer à Emmen. Ce sont Azzeddine Toufiqui, Arnaud Luzayadio ou encore Metehan Güçlü qui forment donc ce petit clan français à Emmen. Quel rôle as-tu joué dans leur acclimatation respective ?

L.B : Forcément, j’ai essayé de les aider. Ils sont Français et on avait déjà joué ensemble (NDLR : au centre de formation du PSG), donc on était déjà amis avant même qu’ils arrivent. Leur adaptation a été meilleure que moi, je pense.

Lucas Bernadou FC Emmen
Outre Lucas Bernadou, d’autres Français ont fait le choix de rejoindre ce club – Photo : FC Emmen

“Je n’ai jamais été médiatisé comme d’autres espoirs du club”

Lucas Bernadou

Comment le club, les supporters et tes coéquipiers t’ont accueilli en sachant que tu venais du PSG ?

L.B : Il n’y a eu aucun problème là-dessus, ça s’est très bien passé. Personne n’a eu d’appréhension par rapport à ça, c’était parfait. Après, je suis aussi quelqu’un de plutôt simple et je ne suis pas arrivé avec la grosse tête, donc ça a aussi aidé. Bien sûr, ils m’ont posé quelques questions par rapport aux stars parisiennes et autres, mais sinon il n’y a eu aucune distinction.

Sur le plan purement individuel, ce début de saison a été positif. Tu n’avais jamais autant joué et tu sembles maintenant être un titulaire confirmé. Que ressens-tu quand tu penses au fait que tu es parvenu à te faire une place remarquable dans une formation de l’un des meilleurs championnats d’Europe ?

L.B : Se sentir important et utile, aider l’équipe à chaque match malgré un début de championnat compliqué, ce sont vraiment des choses que j’aime et qui me rendent fier, surtout quand je vois l’évolution depuis mon arrivée. La première année (NDLR : 2020-2021), je n’ai quasiment pas joué pendant les premiers mois avant d’enchaîner en fin de saison. La saison dernière, c’était un peu l’inverse. J’ai beaucoup joué en première partie de saison, puis j’ai moins été utilisé durant la seconde moitié. Finalement, je me suis fait une place plutôt naturellement dans le onze de départ.

Entre 2020 et aujourd’hui, tu as eu le temps de goûter aux deux échelons professionnels du football batave. Dans quelle mesure ressens-tu la différence de niveau entre la Keuken Kampioen Divisie (deuxième division néerlandaise) et l’Eredivisie ?

L.B : Entre la D1 et la D2, il y a forcément un écart de niveau plutôt important. En plus, en ce début de saison où on a été mal classés, on a joué des cadors néerlandais comme le PSV et le Feyenoord, à l’extérieur qui plus est (NDLR : le FC Emmen est parvenu à décrocher un match nul (3-3) face à l’Ajax juste avant la trêve). C’est très dur d’aller faire un résultat là-bas. La différence de niveau entre les deux divisions se fait ressentir dans les tous les compartiments du jeu, mais surtout techniquement.

Bernadou ex-PSG
Désormais en Eredivisie, le milieu de terrain affronte de grands joueurs chaque week-end – Photo : FC Emmen

Tu as été formé en France et post-formé, si l’on peut dire, aux Pays-Bas. Quelles différences t’ont rapidement sauté aux yeux entre ces deux modèles ?

L.B : Au niveau du jeu, je trouve que c’est plutôt ressemblant. Emmen, comme 90 % des clubs néerlandais, essaye de jouer au ballon et de proposer un vrai projet de jeu offensivement. Donc tactiquement et techniquement, c’est vraiment très bon aux Pays-Bas. Par contre, en France, on joue aussi au ballon évidemment, mais c’est bien plus physique qu’ici (NDLR : aux Pays-Bas) par exemple. Aux Pays-Bas, on insiste énormément sur l’aspect technique de chaque joueur.

Comme tant d’autres jeunes du centre de formation du PSG, tu n’as pas su faire ta place chez les professionnels. Comment expliques-tu cette difficulté qu’ont certains titis à passer ce cap si symbolique aujourd’hui ?

L.B : Pour moi, le principal problème pour les Titis est que l’effectif est impressionnant, avec des stars à chaque ligne et beaucoup d’internationaux. Ensuite, il y a toujours 2-3 joueurs par génération qui émergent, mais qui, finalement, n’ont pas ou très peu de temps de jeu. Donc, ils se retrouvent obligés de faire des choix de carrière osés pour partir et tenter de percer ailleurs. S’il y a des clauses de rachat, comme pour Xavi Simons au PSV, ça peut être pas mal. Mais sinon, c’est très compliqué.

Pour finir, à 22 ans, tu as encore tout l’avenir devant toi. Qu’ambitionnes-tu pour la suite de ta carrière ?

L.B : J’aimerais bien retourner en France, mais je ne sais pas du tout quand, ni où. Pour les autres championnats, pourquoi pas l’Espagne et l’Allemagne qui ont des styles de jeu qui me conviennent plutôt bien. J’aime aussi la Premier League, mais je ne pense pas que j’aie un profil adapté pour aller là-bas. Mais aux Pays-Bas, je me sens très bien, donc je pourrai y rester encore longtemps sans problème. Emmen est assez loin de tout dans le pays, donc c’est paisible et tranquille, ça me convient parfaitement.

Enzo Pailot

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