Accueil » En attendant…Reshad de Gerus

Entre la Réunion et la France, la vie et le quotidien de Reshad de Gerus sont rythmés par le bruit des moteurs et le brouhaha des paddocks. Il y eut des hauts, il y eut des bas, mais c’est un pilote motivé qui s’est livré à notre micro tout en nous ouvrant les portes et anecdotes de sa jeune carrière. Focus sur Reshad de Gerus, focus sur le premier pilote qui pourrait représenter la Réunion dans les hautes catégories de monoplace.

Il répond au prénom de Reshad De Gerus. Du haut de ses 18 ans, ce natif de l’Île de la Réunion, aujourd’hui domicilié au Mans, n’en est pas à sa première saison et encore moins à son coup d’essai dans le sport automobile. Quatre roues, un moteur et un volant, Reshad connaît cela depuis ses cinq ans. Entre histoire de famille teintée de la lignée paternelle et de son propre chemin qu’il est en train de tracer, il poursuit son parcours dans le sport auto et est cette année en FIA Formule 3 au volant de sa Charouz Racing System. Après ses expériences en F4 et ses deux places de vice-champion, dans le classement junior puis le classement général, le réunionnais n’en démord pas et s’attaque à cette formule de promotion FIA très prisée pour la première année. À la mi-saison et alors que l’échéance hongroise arrive à grand pas, de Gerus se confie à nous avec sa pointe d’humour et son sens de l’anecdote.

Trois mots pour te décrire aussi bien au quotidien que dans une monoplace…

Reshad de Gerus : Calme, réfléchi et intelligent.

Pour toi qui es né en Réunion et venu en France dans le cadre du sport automobile, raconte-nous ton parcours.

RDG : Mon père faisait du rallye à la Réunion, donc depuis tout petit, j’ai grandi dans ce monde-là. J’ai des photos où j’ai trois ans et suis déjà dans une voiture de rallye (rires). A 5 ans, j’ai voulu commencer le karting. Cela m’a plu et à partir de là, je n’ai jamais décroché. Aux alentours de mes neuf ans, j’ai commencé à faire des aller-retours entre l’île et la métropole, où je faisais les compétitions. Je me souviens faire la Coupe de France minikart deux ans de suite. Pour l’anecdote, la première fois s’était mal passé et l’année suivante, je suis revenu avec une meilleure approche, mais en finale, je me suis accroché avec Théo Pourchaire (rires). Puis les courses se sont intensifiées et se sont plutôt bien passées, jusqu’à être vice-champion de France. En 2018 je suis passé en F4 française et j’ai été vice-champion de France derrière Théo Pourchaire, avant de refaire une nouvelle saison où j’ai terminé second. Puis est venue la Formule Renault et cette année, la F3 FIA.

Lorsque tu évoques ton parcours, le nom de Théo Pourchaire revient souvent. Étiez-vous rivaux petits déjà ?

RDG : Aujourd’hui on en rigole, mais c’est vrai qu’en minikart on ne se connaissait pas et on s’est accroché, etc. En karting, il y a eu des parcours différents aussi, lui était plutôt tourné vers l’international. Mais c’est vrai qu’on a fait pas mal de choses ensemble dont les 24 heures du Mans au karting où on a été le plus jeune équipage engagé. On s’est surtout retrouvé en F4 tout en étant à l’école ensemble. Même si on s’est tiré la bourre en Formule 4 et malgré des parcours différents, on s’entraide énormément à l’école ou autre part. Donc je dirais qu’on se pousse vers le haut mutuellement. Aujourd’hui il est en F2, moi en F3, mais pourquoi pas se retrouver plus tard dans une même catégorie.

La F4 française t’a plutôt bien réussi, ce qui t’a permis une ascension en Formule Renault Eurocup. Quand tu regardes ton parcours, quel sentiment te traverse ?

RDG : J’aurais aimé être mieux guidé par des personnes plus compétentes. Je sortais de « nulle part » même si en F4 France j’ai été vice-champion. Même-là, des choses n’ont pas fonctionné et ont fait que je n’ai pas pu être champion. En Formule Renault avec Arden, c’est vraiment dommage, car on avait le potentiel pour faire quelque chose de bien. J’avais fait de bons essais avant la saison et au dernier moment, des changements dans l’équipe, notamment des ingénieurs, ont fait que ça ne s’est pas bien passé pour moi… Ce fût compliqué et décevant. Aujourd’hui en Formule 3, je me sens très bien, l’écurie travaille bien tout comme mes coéquipiers qui sont super. À l’issue de ma deuxième année de F4, beaucoup de questions se posaient, surtout au niveau du budget et des sponsors. La F3 c’est une grosse opportunité, je suis content d’y être, mais maintenant, il faut travailler pour arriver aux avant postes.

Tu es rookie dans ce championnat de Formule 3. En coulisses, comment ton transfert chez Charouz Racing System a-t-il été acté ?

RDG : Un manager a pris contact avec mon père, qui, au terme de mon année en Formule Renault, travaillait déjà sur l’année suivante. On se demandait si on allait faire une année supplémentaire en Formule Renault avec un top team ou si on allait plutôt passer en F3. Je voulais passer en Formule 3, car je n’aimais pas la Formule Renault et la monoplace de l’équipe m’avait déçu. J’ai eu la chance l’année dernière de courir au test d’après saison de F3 avec Charouz. Ça s’était bien passé, tout le monde était satisfait du travail et le transfert s’est acté en fin d’année. En décembre, le contrat était signé avec Charouz, qui avait des arguments convaincants, dont un gros line-up cette année. C’était vraiment l’argument numéro 1.

Quelles sont les différences majeures que tu as pu constater entre une monoplace de F4 et F3 ?

RDG : Il y a beaucoup plus d’aérodynamique sur la monoplace de F3, donc une vitesse plus grande dans les virages. Les grosses différences sont surtout les pneus, et c’est ce qui me met en difficulté en ce début de saison. Avec les Pirelli, on a un tour pour chauffer les pneus en qualifications alors qu’en F4 et Formule Renault, on avait 25 minutes. Sur ce point-là, il y a un gros travail à faire pour mettre le pneu dans la bonne fenêtre d’utilisation. C’est ce qui fait la différence dans cette catégorie. En course, il n’y a pas de soucis, je sais être régulier, mais en qualifications, il faut mettre tout bout à bout pour que ça fonctionne.

“Il faut travailler pour arriver aux avant postes”

Quel bilan tires-tu de ton premier week-end de course à Barcelone avec du recul ?

RDG : On est allés à Barcelone sans objectif particulier, juste pour apprendre et pour savoir où on se situait en tant qu’équipe, mais aussi pour savoir où je me situais par rapport à la préparation d’avant-saison. Les qualifications, honnêtement, on a été déçu. Être 20e, c’est forcément décevant. On est partis avec une stratégie à deux trains de pneus alors que certains en avait mis trois. En course, je suis très content de ce qu’on a fait là-bas. J’ai fait de belles remontées donc les courses et les départs sont acquis. Ce qu’il faut travailler c’est vraiment les qualifications sur un tour et on va d’ailleurs se focaliser dessus pour la suite. Il y a quand même beaucoup de points positifs parce que j’étais dans le flou, Charouz étant une équipe ayant terminé dernière ces ultimes saisons. Finalement, ça s’est bien passé et c’est de bon augure pour la suite.

Les week-ends de course ont changé de format en Formule 3. Même si tu n’as pas connu le format passé, quel est ton ressenti sur ce dernier ?

RDG : En Formule Renault, on avait deux qualifications et deux courses. Ici, on a plutôt une qualification et trois courses. Je ne suis pas fan de ce format, j’aurai préféré deux qualifs et deux courses. Après, ça nous offre de belles batailles en course et nous oblige à être consistant durant toute la saison. On ne peut pas faire de contre-performance et perdre des points, surtout pour ceux qui se trouvent aux avants postes. Si tu t’accroches, tu perds de précieux points. Donc c’est quand même intéressant de ce point de vue là : toujours se donner à fond et ne pas avoir le droit à l’erreur.

Tu parlais de tests d’avant-saison, tu en as aussi fait après Barcelone, à Jerez. Est-ce que cela t’a donné des clés pour mieux aborder ces courses-là ?

RDG : Totalement. Enzo n’a pas fait les tests d’avant-saison, mais il était avec moi après Barcelone. Logan, lui, n’était pas là, ce qui fait que nous étions deux à Jerez. Enzo m’a beaucoup aidé et appris. C’est ça qui me plaît avec lui : il est ouvert et me donne des clés notamment sur la chauffe des pneus ce qui va être intéressant à mettre en place. Avec l’équipe, on a trouvé des éléments qui marchaient bien à Jerez.

Quel est ta journée type en tant que pilote, mais aussi en tant qu’étudiant ?

RDG : Je suis à l’école au Mans. On a cours le matin de 8 h à 12 h. Une pause puis deux nouvelles heures de cours de 14 h à 16 h. On finit la journée par deux heures de sport. Puis je rentre chez moi et je me relaxe, je m’étire.

Y a-t-il un rendez-vous ou un circuit dans la saison que tu attends plus que les autres ? Quels sont les pilotes que tu admires ?

RDG : Spa-Francorchamps, je l’attends avec impatience. C’est un circuit que j’adore et puis ça me tient à cœur de rouler là-bas pour Anthoine. Découvrir et rouler aux États-Unis va aussi être exceptionnel, donc j’ai hâte de rouler là-bas avec des spectateurs si possible, car l’ambiance doit être spectaculaire. Côté pilotes, Ayrton Senna est une idole. J’apprécie énormément Hamilton, car il est au top ces dernières années et il a accompli tellement de grandes choses dans ce sport, tout en arrivant à faire passer des messages. J’apprécie aussi Vettel. Je le regardais quand j’étais petit, quand il gagnait tout chez Red Bull, ce qui était incroyable. Donc je dirais que Vettel et Hamilton sont les deux pilotes que je préfère, peut-être aussi parce qu’ils ont bercé mon enfance.

Sur le long terme, représenter la Réunion en F1 serait une fierté ?

RDG : Oui totalement. C’est déjà une grande fierté de représenter la Réunion. Sur ma voiture, je n’ai que des sponsors réunionnais. C’est une fierté et même un objectif de faire découvrir l’île. Je vais tout faire pour représenter la Réunion en F2 et pourquoi pas en F1. C’est incroyable, car personne n’a encore fait ça.

Crédits photos : Dutchphotoagency

Solal Pestana – 28 juillet

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