Cet été, la boxe a beaucoup fait parler d’elle, notamment à l’occasion des Jeux Olympiques de Tokyo, où l’arbitrage a été très décrié par le camp tricolore, s’estimant souvent désavantagé. Pourtant, c’est une discipline qui est vectrice de valeurs positives et qui possède des bienfaits. Ce sont ses derniers qui méritent la lumière et les jeunes boxeurs qui arrivent sur le devant de la scène comptent bien les véhiculer. C’est le cas de Soheb Bouafia, 23 ans, originaire de la métropole lilloise et que nous vous faisons découvrir.
Soheb Bouafia pratique la boxe anglaise, il est âgé de 23 ans et situé au sein de la métropole lilloise. Licencié du côté de l’ABC Roubaisien, il s’entraîne actuellement à l’INSEP dans un cadre idyllique, en préparation des Jeux Olympiques de Paris 2024. À son palmarès, Soheb possède une médaille de bronze aux championnats d’Europe U22 dans la catégorie des – 91 kg. À souligner également qu’il a été champion du Nord et champion des Flandres à plusieurs reprises. Aujourd’hui, son objectif demeure Paris 2024, avant de pourquoi pas se lancer dans le monde professionnel, à l’instar de Tony Yoka. Alors que nous sommes à 3 ans des prochains Jeux, Soheb s’est livré sur son parcours, sa philosophie ou encore son quotidien.
Quel est le mot qui te décrit le mieux et pourquoi ?
Soheb Bouafia : Adaptation. Dans le sport de haut niveau ou dans la vie de tous les jours, la clé est de savoir s’adapter en toute circonstance. Peu importe la difficulté contre un adversaire, qu’il soit grand ou petit. J’aime pouvoir m’adapter en fonction du public, je m’adapte assez bien.
Comment en es-tu arrivé à faire de la boxe et atteindre ton niveau actuel ?
S.B : J’ai commencé par le foot comme la plupart des jeunes. J’aime tester beaucoup de sports comme le tennis de table, le hockey sur gazon, du rugby ou encore du basket-ball. J’ai touché un peu à tout et un jour, il y a eu un déclic. Un jour, Daouda Sow, qui avait fait médaille d’argent aux J.O de 2008 à Pékin, était venu dans mon école pour présenter son sport et son parcours. J’ai trouvé ça passionnant, pour moi qui aie baigné dans les sports de combat. Je suis issu d’une fratrie de 6 frères avec certains qui ont fait de la boxe, de la MMA ou encore du judo. J’avais des facilités, c’est pour ça que j’ai choisi la boxe, et j’ai continué.
Quand on parle de boxe, on parle de valeurs. Quelles sont celles qui ressortent le plus selon toi ?
S.B : Ce qui est flagrant, c’est le respect. En boxe, ça peut paraître un peu compliqué d’instaurer du respect quand tu vois deux hommes qui combattent. Quand on ne connaît pas bien la discipline, on voit deux personnes se mettre des coups et on peut se dire que c’est méchant. Mais à la fin, il y a toujours la petite accolade et un sourire. Quoi qu’il se passe dans le combat, à la fin on se serre toujours la main après s’être mis des coups pendant près de 10 minutes. Je trouve ça assez impressionnant.

Quelle serait une journée type d’entraînement pour Soheb Bouafia ?
S.B : Comme la majorité des sportifs de haut niveau, je m’entraîne deux fois par jour. Cela peut durer entre 2 heures et 2 heures 30, sans compter le côté récupération. Cela nous fait un rythme de 4 à 5 heures par jour. Je suis une formation à l’INSEP. Le matin, je déjeune sur les coups de 8 ou 9 heures. Je vais m’entraîner vers 10 heures. Quand arrive midi, je vais manger. J’enchaîne sur une sieste et un moment de calme pour récupérer, puisque c’est assez intense. Je retourne ensuite à la formation à 13 h 30 pour le deuxième entraînement de la journée. C’est là où on relâche un peu avec le kiné. On va dîner pour le dernier repas de la journée, et c’est à partir de 20 heures qu’on a vraiment un moment pour soi. J’ai fait beaucoup de rencontres à l’INSEP, alors on s’amuse avec nos amis et le lendemain, c’est reparti pour une nouvelle journée.
Comment as-tu intégré l’INSEP et que t’apporte-t-elle concrètement ?
S.B : J’ai intégré cette structure il y a plus de 3 ans maintenant grâce à mes résultats. J’avais fait bonne impression en finale des championnats de France. C’étaient mes premiers combats, je viens d’avoir 18 ans donc j’ai commencé assez tard la boxe. Ils m’ont sélectionné et convoqué à un stage. J’ai fait de bonnes prestations et ensuite, j’ai été retenu pour un tournoi où j’ai répondu présent en effectuant de bonnes performances. De fil en aiguille, j’ai donc intégré l’INSEP et ça se passe super bien, cela m’apporte énormément de choses. Je suis redevable à vie envers l’INSEP, dans le sens où ça m’a permis de m’ouvrir sur d’autres choses. On est vraiment dans un cocon entouré de sportifs de haut niveau qui ont le même but que toi. C’est un peu comme la salle du temps dans Dragon Ball Z. En général, ça se concorde bien. On a les mêmes objectifs, on travaille beaucoup et on a la même physionomie des choses. J’ai aussi pu découvrir mes limites et me dépasser grâce à l’INSEP. J’ai la chance de pouvoir m’entraîner avec un staff et un encadrement, par rapport à d’autres où c’est plus compliqué. Tout est optimisé pour la performance, on parle quand même de l’INSEP. Le seul bémol est que notre vie sociale en prend un coup dans la figure, mais ce sont les paramètres à prendre en compte.
Est-ce qu’à 23 ans, on peut déjà vivre de la boxe ?
S.B : Tout dépend des personnes et des profils. Aujourd’hui, je vis de la boxe, mais je ne vis pas comme un prince. Elle me permet de subvenir à mes besoins. Je n’ai pas de loyer à payer comme je suis à l’INSEP. Je n’ai pas beaucoup de charges à payer, j’ai aussi des partenaires qui s’occupent de mon matériel d’entraînement. Je n’ai rien à payer et c’est vraiment que pour mes loisirs que je vais dépenser. Oui, je vis de la boxe, mais est-ce que cela va me permettre de pouvoir prendre soin de ma famille ou d’avoir un foyer à charge ? Oui je vais pouvoir, mais ne pas vivre au-delà de mes moyens. Mais le plus important est d’être focalisé sur la performance. Je n’ai même pas le temps de dépenser mon argent, car je m’entraîne constamment. Tout ce que je dépense, c’est pour ma performance.

“Ce qui est flagrant, c’est le respect”
Qu’est ce que t’apportent tes nombreux sponsors, qu’il s’agisse de la ville de Hem ou de la Métropole de Lille ?
S.B : Énormément de choses. Il y en a un qui est mon sponsor principal qui m’aide depuis mes débuts, c’est Thierry Landron qui est entrepreneur à Lille. Le patron de cette boutique est présent depuis le commencement. Il y a aussi Zénaï flottaison pour la récupération, toujours à Lille. J’aime travailler avec eux parce qu’ils m’apportent du soutien matériel et financier selon les sponsors.
Quel est ton atout qui fait la différence sur le ring ?
S.B : Encore une fois, c’est l’adaptation. Je suis un boxeur qui ne se place ni chez les trop petits, ni chez les trop grands. Ce que j’aime faire, c’est pousser mon adversaire hors de sa zone de confort. Si j’ai un concurrent qui sait avancer, je vais l’amener à reculer. Ma petite patte secrète ça reste l’adaptation et pousser l’adversaire dans ce qu’il sait moins faire. Lors des demi-finales des championnats d’Europe en Russie, j’ai combattu un rouleau compresseur russe qui est connu pour rentrer dans le lard. Je suis donc resté au milieu et je l’ai fait reculer, puis il était totalement désorienté. Tout simplement, car s’adapter rapidement, c’est difficile.
Raconte-nous ta première en équipe de France, que ce soit les stages ou les combats :
S.B : Lors de mes premiers stages, j’étais en observation totale envers les boxeurs de l’équipe de France. Mon entraîneur me répétait les noms de ceux qui défendaient les couleurs du pays. J’ai toujours eu l’impression d’être au plus près. Le jour où je suis arrivé et que j’ai vu tous les visages que je regardais sur mes écrans, ça m’a fait bizarre, mais il fallait que je reste fier et sérieux, sans vouloir faire le fan. J’ai énormément appris de mes camarades même si j’ai été en concurrence avec eux. J’aime apprendre et ils m’ont livré de précieux conseils. Une personne comme Sofiane Oumiha, qui est vice-champion olympique, est aujourd’hui un ami qui m’a permis de progresser à une vitesse fulgurante.
Mon premier combat en équipe de France ne s’est pas bien passé, car je l’ai perdu. Pour l’anecdote, c’était lors de mon premier tournoi en Finlande, j’avais 19 ans. Le tirage au sort me désigne face au Kazakh qui s’appelle Vassily Levit. Je ne connaissais pas parce que je suis quelqu’un qui aime pratiquer, mais peu regarder. Vraiment déterminé, je le boxe et autour du ring, il y avait vraiment un engouement énorme. Finalement, j’ai perdu aux points, mais je n’ai pas été ridicule. Les entraîneurs m’ont quand même félicité et je ne comprenais pas pourquoi. Le soir même à l’hôtel, je me renseigne sur Vassily Levit et me rends compte qu’il est vice-champion olympique et champion du monde. J’ai alors compris que j’avais fait un pas de géant vers le progrès, et ce, malgré la défaite.

Concernant la médiatisation de la boxe en France, penses-tu que c’est suffisant ou qu’il y a encore du boulot ?
S.B : La boxe professionnelle est très connue. Les Français la connaissent, mais c’est l’image de la boxe qui est à améliorer. C’est une discipline qui est vue comme sauvage et dangereuse. Même si c’est une idée reçue qui tend à disparaître, je continue à me battre, à mon échelle, pour effacer ce stéréotype et les préjugés. Certes, il y a des coups, mais c’est un sport noble.
Quels conseils donnerais-tu aux jeunes qui souhaiteraient se lancer dans la boxe ?
S.B : Il faut que ce soit une partie de plaisir. L’objectif est de s’épanouir, c’est comme ça qu’on progresse et qu’on atteint le haut niveau. Même dans la difficulté, il faut trouver un moyen d’en tirer un bon moment. Et surtout, ne jamais lâcher et croire en ses rêves, parce que tout peut aller très vite. J’ai fait un an de boxe en 2008. J’ai repris quand j’avais 17 ans et à 19 ans, j’étais en équipe de France. En deux ans, il y a eu une ascension fulgurante. Il ne faut pas laisser les gens nous influencer ou déstabiliser notre vision des choses.
Pour finir, aurais-tu une anecdote assez extraordinaire à nous raconter ?
S.B : Nous étions dans une compétition en Russie. On était à l’hôtel et on se rendait au self pour manger, on croise toutes les équipes de toutes les nations. Avec trois amis à moi, à la veille du premier tour, nous sommes dans l’ascenseur. En face de nous, l’équipe d’Angleterre. Ils disent dans leur langue « tu boxes qui demain ? » L’un d’eux répond « French kids » (NDLR : les enfants français). C’est donc devenu le surnom de l’un de mes coéquipiers et on le chambre pas mal avec cette histoire. Au moment du combat, il a remporté le combat et ça fait une belle histoire à raconter.
Crédits photos : Mohamed Benbahlouli