Souvent, les îles d’Outre-Mer ne sont pas inclues dans les régions qui forment de jeunes talents du tennis français. Pourtant, elles ont un grand potentiel et des joueurs comme Gaël Monfils en viennent sans oublier les tournois Challengers qui s’y organisent. Derrière Monfils, une jeune génération pousse et espère se faire une place à l’avenir, Warren Sinius en fait partie et se livre à nous.
Portrait
Nom : Sinius
Prénom : Warren
Âge : 22 ans
Région : Île de France
Débuts au tennis : 5 ans
Classement français : -4/6 (proche d’être -15)
Coach(s) : Franck Sinius
Titre(s) : 5 (en 2020)
Meilleure performance : Victoires sur Jonathan Eysseric (n°60)
En agrément de cette petite introduction, Warren s’est confié à nous dans un entretien où il revient sur ses meilleurs souvenirs, le circuit secondaire ou encore ses débuts au tennis
Si tu devais te décrire en 3 adjectifs…
Warren Sinius : Cool, modeste et accessible.
Quelle a été ta plus belle victoire jusqu’ici et en quoi reste-t-elle importante à tes yeux ?
W.S : J’ai gagné un numéro 62 ce qui est ma plus belle performance. Mais ma plus belle victoire est face à Jonathan Eysseric qui va monter dans le top 60 à la fin de l’année. Elle est vraiment importante puisque je l’avais déjà joué en début d’année et j’avais pris 6-2/6-2. Mais il y avait mon père, qui est aussi mon coach, il était là et a vu que j’avais des lacunes côté revers. Donc on a travaillé ce point faible puis 4 mois après, j’ai rejoué Jonathan sur terre battue qui n’est pas ma surface, et je lui ai mis deux sets. J’ai alors vraiment senti des progrès sur mon côté revers et ça m’a fait très plaisir.
La France a été confinée pendant près de 3 mois. Par quels moyens as-tu essayé de garder la forme durant cette période ?
W.S : En faisant du physique chaque jour de la semaine. J’ai un vélo chez moi, je faisais du fractionné et j’allais aussi courir où je faisais aussi du fractionné. Tout ce qui est abdos, pompes, gainage, c’était à la maison et ça me maintenait en forme. Après ce n’est pas facile car le rythme n’était pas du tout le même, je n’avais pas d’heure d’entraînement donc je me couchais tard et me levais assez tard c’est qui n’est pas trop mon habitude. Mais j’essayais de faire du sport tous les jours et c’est ce qui m’a maintenu en forme. C’est difficile quand on n’a pas de projection de tournoi car tu ne te projettes pas sur une date ou sur un tournoi précis. Alors ce n’est pas facile de se motiver, mais j’essayais quand même d’imaginer les tournois que je pouvais avoir en fonction des dates. Et puis surtout je voyais mes potes faire du sport donc il fallait que je reste à leur niveau.

Une reprise des tournois progressive s’effectue notamment des CNGT. Comment abordes-tu cet enchaînement et avec quels objectifs ?
W.S : C’est assez particulier car là c’est mon premier tournoi de reprise après 3 mois et demi sans disputer de match. Je vais essayer de ne pas trop m’énerver en fonction de ce que je vais faire. C’est une reprise, il ne faut pas s’exciter, ni se prendre la tête. Après, pour mes objectifs, c’est vraiment de gagner le plus de matchs possibles et d’avoir les meilleures sensations afin de bien jouer. Mon vrai gros objectif c’est de passer le premier tour et de voir après comment ça se passe, match par match. Tous les joueurs craignent le premier tour car tu te déplaces, tu es loin de chez-toi et celui que tu joues, il a également envie de te battre donc c’est pour ça qu’il y a combat.
Que penses-tu du fait que certains joueurs comme Dominic Thiem ne se disent pas prêts à donner de l’argent pour aider les joueurs classés au-delà du top 100 ?
W.S : Je trouve ça dommage car je pense qu’il a eu assez d’argent pour pouvoir se lancer dans sa carrière alors il ne connaît pas trop la difficulté de se débrouiller avec l’argent pour faire des tournois. Après, je ne connais pas trop sa vie, mais je pense tout de même qu’il a eu assez d’argent pour se lancer. Dans le tennis, on sait qu’il faut de l’argent, par exemple pour voyager il faut tout payer. Mais je trouve ça dommage car il est riche et il n’aide personne à se lancer. Pas tous les joueurs, mais un ou deux et leur donner une somme symbolique. Quand je vois Zverev qui a donné de l’argent pour les incendies en Australie, je me dis qu’ils peuvent faire la même chose pour un joueur. Je trouve que, d’un point de vue objectif, l’excuse que Thiem a sortie pour se justifier sonne faux. Pour ma part, il y a des gens qui ont beaucoup moins d’argent que lui, mais qui m’aident financièrement, de manière symbolique.
À quel âge et de quelle manière as-tu débuté le tennis et qu’est-ce qui t’a convaincu d’aller aussi loin ?
W.S : J’ai débuté le tennis à l’âge de 5 ans par l’intermédiaire de mon père qui a joué au tennis étant jeune et qui m’a mis dedans. Il me faisait jouer chaque week-end et j’ai adoré. On a alors commencé à jouer la semaine et j’ai fait mon premier tournoi à neuf ans. Et puis j’ai continué, sans penser aller aussi loin. Avec mon père, on voulait que je sois 15. Mais une fois ce classement atteint, on veut aller plus haut et viser 5/6. Ce qui m’a convaincu, c’est ma progression car je gagnais des matchs et je montais dans le classement et le principal, c’est que j’aime vraiment ça.

“Il fallait que je reste à leur niveau”
Tu es un joueur du circuit secondaire actuellement, trouves-tu que ce type de tournois est délaissé et pourquoi ?
W.S : Oui, je trouve que c’est inaccessible. Quand on n’a pas d’argent, il faut vraiment tout payerpar soi-même comme le billet d’avion, l’hôtel ou encore l’inscription. En CNGT, il y a moins de dépenses à faire, c’est pris en charge tandis qu’en futures, il faut vraiment dépenser ce qui est vraiment trop axé pour les personnes avec les moyens. Ils devraient plus s’ouvrir aux différentes castes sociales. Pour ma part, j’ai trouvé un sponsor privé qui va pouvoir me payer mes déplacements et logements donc je vais pouvoir faire des futures.
À 22 ans, tu es classé – 4/6 avec une probable montée à – 15. Espères-tu et penses-tu avoir une carrière pleine dans le tennis à court et moyen terme ?
W.S : Bien sûr ! Que ce soit en joueur pro, ce que j’espère, ou alors en tant que coach, prof ou encore directeur sportif d’un club. Ma vie je veux la faire dans le tennis. Je me laisse encore deux ans pour faire des futures et voir ma progression, c’est-à-dire si j’arrive à bien monter dans les meilleures places de l’ATP. Et en fonction de ça, je verrai si je continue ou pas.
Comment définirais-tu ton jeu et quels sont ses atouts ?
W.S : Je me vois comme ayant un jeu complet, c’est-à-dire que je sais un peu tout faire. Je joue beaucoup avec mon toucher, ma main, j’essaye de jouer les zones en étant le plus précis possible. J’ai aussi un jeu assez calme, posé et tactique, un peu comme Gilles Simon ou David Goffin.

On évoque souvent le mental en parlant de tennis. Quel impact a-t-il sur toi et quelle est son importance dans un match ?
W.S : Le mental, c’est la base ! Sans ça, tu ne peux pas continuer. Pour ma part, il y a des matchs où je suis vraiment nerveux et d’autres où je suis vraiment calme. J’arrive vraiment à faire la dissociation du score et de mon mental. Même si je m’énerve, je reste toujours concentré sur le match, il y a des fois où jeter ma raquette va me faire du bien et d’autres fois où je ne dis pas un seul mot. Mentalement parlant, je ne suis pas suivi, c’est mon père qui me gère et me raisonne.
As-tu un rêve et si oui, lequel ?
W.S : Mon rêve, c’est d’être riche. Et si ça pouvait l’être en jouant au tennis, ça serait génial. Quand t’as de l’argent, tu te sens bien. Mais sinon je rêve aussi d’être bien avec ma famille, c’est un rêve que tout le monde souhaite.
Quel conseil pourrais-tu donner à un jeune qui dispute pour la toute première fois un tournoi de l’envergure d’un CNGT ?
W.S : Il faut vraiment qu’il ne se prenne pas la tête. Qu’il reste calme, tranquille et qu’il joue son jeu. C’est son premier tournoi, il doit en profiter à 100 % et que même si ça se passe mal, il doit se rappeler qu’il y en aura plein d’autres.
Crédits photos : Pavel Clauzard