Envoyé spécial le 18 décembre à Moirans-en-Montagne
Tour après tour, la Coupe de France est de plus en plus passionnante et nous continuons de vous la faire vivre en nous rendant sur les terrains. Pour les 32es de finale, nous sommes allés à Moirans-en-Montagne dans le Jura, où Jura Sud accueillait le club réunionnais de Saint-Denis. Une rencontre pleine de rebondissements.
LA GENÈSE JURASSIENNE

C’est à proximité du célèbre barrage de Vouglans que le club s’est fondé. En 1990, trois équipes décident de s’unir : l’Entente Lavans-lès-Saint-Claude-Saint-Lupicin, l’AS Moirans-en-Montagne et le CS Molinges-Chassal. Le 7 juin 1991 précisément naît le Jura Sud Football, avec à sa tête Jean-François Charnay. S’ensuit alors une ascension folle et régulière pendant 30 ans qui rendent fier son président fondateur : « À partir de la fusion, on s’est retrouvés avec 500 licenciés, ce qui a permis de structurer le club ». En 10 ans, Jura Sud passe de la Division d’Honneur (actuelle R1) au CFA (actuel National 2). Un championnat au sein duquel ils évoluent désormais depuis 19 ans, et c’est un record, car aucun club plus ancien n’a connu une telle longévité. Jura Sud développe alors d’autres activités et notamment la formation. Rejoint dans l’entente par Saint-Claude Val de Bienne en 2009, l’équipe devient club partenaire de l’Olympique Lyonnais en 2010 et un an plus tard, Jean-François Charnayet ses associés fondent l’association « Haut Jura Sport Formation » à Moirans-en-Montagne, qui est un CFA (Centre de Formation d’Apprentis) des métiers du sport. Des sections sportives qui regroupent une centaine de jeunes ont également été ouvertes en partenariat avec les collèges et lycées du département. Cette unité de formation d’apprentis, accompagnée d’un centre d’hébergement depuis 2014, propose ainsi de nombreuses formations reconnues comme le BMF.
Ce projet a coûté 3,5 millions d’euros et a pu voir le jour grâce au financement des collectivités. Les ambitions ne s’estompent pas puisque des animations sportives sont menées dans les quartiers défavorisés et une section sportive sur le e-sport (sport virtuel) va s’ouvrir prochainement, ainsi qu’une section handisport. Ces investissements permettent d’attirer de nombreux joueurs et c’est plus de 650 personnes qui ont souhaité venir passer des tests au mois de juin 2021, pour cinq places disponibles. Le Jura Sud Foot est donc un club en constante évolution, mené par un passionné, amoureux de son club et de sa région. Mais qu’en est-il des résultats sportifs ? Qui dit investissements et stabilité, dit régularité. Bien que le club peine à jouer les premières places en National 2, Jura Sud obtient en 2019 une glorifiante 4e place, à neuf points du leader. Mais c’est surtout avec la Coupe de France que l’histoire s’est écrite. Daniel, au club depuis 2004, ne peut oublier la saison 1998/1999 : « C’est notre première épopée. On va jusqu’en 16es de finale en sortant de grandes équipes comme l’AS Saint-Étienne et Toulouse, alors que notre équipe était en CFA 2 ». Mais Jura Sud connaît bien la coupe puisque le club atteint les 1/32 de finale en 2011, puis à deux reprises les 16es.
Aujourd’hui, l’équipe première est entraînée par Valentin Guichard dont le parcours est une preuve de l’efficacité des investissements. « Valentin a 31 ans, ça fait 17 ans qu’il est au club. Il a été apprenti au Haut Jura Sport Formation et est allé jusqu’au DES (diplôme nécessaire pour entraîner en National) obtenu l’année dernière. Il est le plus jeune entraîneur de National 2 ». Cette structure semi-professionnelle compte au total une trentaine de salariés. Ce match de Coupe de France était le bienvenu pour relancer Jura Sud, incapable de s’imposer en championnat depuis le 9 octobre.
SAINT DENIS CUEILLI À FROID, JURA SUD PLUTÔT ADROIT

« On a déneigé 7 000 m3 de neige avec tous les bénévoles ». C’est avec son bonnet sur la tête, mégaphone à la main, que Daniel nous a fait part de ce chiffre impressionnant. La neige est bien présente autour du stade en ce samedi 18 décembre, mais le terrain bien qu’endommagé, n’est vêtu que de sa pelouse verte. Sous une température frôlant le degré zéro, Jura Sud en bleu et Saint-Denis en jaune, font leur entrée sur la pelouse accompagnés par Frank Schneider et ses assistants.
Il ne suffit que de trente secondes de jeu pour se rendre compte de l’intensité qu’ont décidé de mettre les deux équipes dans ce match. Les deux premières occasions sont réunionnaises, et les supporters sont venus en nombre depuis Paris, Lyon ou encore Valence. On distingue le 3-4-3 instauré par Fred Bachelier, le coach dionysien. Les trois défenseurs cherchent constamment par de longs ballons aériens leurs attaquants. Bien qu’en difficulté physiquement, les Jurassiens sont appliqués avec le ballon, supérieurs techniquement et le 4-3-3 est très efficace lorsque le numéro dix Ludovic Faucher fait parler sa technique. À la 9e minute de jeu, c’est lui qui lance le brésilien Thiago Moura dans la profondeur et qui voit le gardien dionysien sortir dans ses pieds. Mais Moura parvient à dévier pour Claudy Mbuyi qui ouvre le score.
À partir du quart d’heure de jeu, Saint-Denis domine la rencontre. Les Réunionnais mettent plus d’impact dans les duels, et Cedric Mensah, le gardien jurassien, s’illustre à quatre reprises pendant les quinze minutes suivantes. La persévérance paie et à la 31e minute, Monsieur Schneider accorde un penalty en faveur de Saint-Denis pour une main jurassienne. Mais le tireur croise trop sa frappe, hors-cadre. Ce penalty est certainement le tournant du match, puisque deux minutes plus tard, Housseine Zakouani creuse l’écart pour Jura Sud. Les dernières passes jurassiennes sont souvent approximatives et le terrain n’aide pas les joueurs. On assiste alors à un duel à distance entre Ludovic Faucher le technicien jurassien, et Joe Damour, le piston dionysien. Faucher inscrit le troisième but, mais Saint-Denis réduit l’écart juste avant la pause. Jura Sud rentre donc au vestiaire en menant 3 à 1, mais Saint-Denis peut nourrir des regrets.
La seconde mi-temps est moins dynamique. Dès la 50e minute de jeu, Thiago Moura inscrit le quatrième but pour Jura Sud. Le rythme n’est plus le même et les Jurassiens jouent plus bas, attendant la faute technique dionysienne pour évoluer en contre-attaque, tel un prédateur attend le bon moment pour bondir sur sa proie. À vingt minutes du terme de la rencontre, une perte de balle des Dionysiens profite à Abdelkrim Khaled, servi par Moura. La vitesse des attaquants jurassiens est très difficile à contenir. Le match se termine par un second but dionysien sans conséquence.
Un match prolifique en buts, où la supériorité technique a fait la différence. Jura Sud s’impose donc 5 buts à 2 et a fait preuve de réalisme offensif, mais aussi défensif avec un très bon Mensah, sauvé à deux reprises par ses montants. Rendez-vous désormais début janvier pour savoir si cette équipe de Jura Sud va écrire une nouvelle page historique pour le club.
LE PORTRAIT ATYPIQUE : LUDOVIC FAUCHER

Contre Saint-Denis, il a été le « casseur de lignes », l’étincelle menaçante. Ludovic Faucher a 23 ans et rêve encore d’intégrer le monde professionnel. Un monde pas si loin du sien. Il commence le football à cinq ans du côté de Limoges dans un petit club amateur. Rapidement, il est détecté et part à La Rochefoucauld, où il évolue au niveau régional avant d’intégrer une classe sport-études au lycée. Tout s’accélère ensuite puisqu’il signe à Limoges en U17 Nationaux, où il fait parler son talent, ce qui entraîne des sollicitations. Donnant d’abord son accord manuscrit à Châteauroux, il signe finalement au FC Nantes en U19 Nationaux, après avoir cru à une longue affaire judiciaire due à ce « retournement de veste ».
À Nantes, Ludovic découvre les coulisses du monde professionnel et signe deux ans en tant que stagiaire professionnel. Il évolue alors avec la réserve. Mais l’aventure prend fin et aucune prolongation ne lui est proposée. Soudain, l’espoir renaît. C’est en Angleterre, à Blackburn, qu’il effectue des essais plutôt convaincants. Alors qu’un avenir radieux se dessine pour lui, une blessure à la cuisse l’empêche de réaliser son rêve. Il retourne à Limoges en N3, puis à Chauvigny, avant d’arriver à Jura Sud il y a deux ans. Un parcours qu’il analyse avec beaucoup de maturité : « Une grosse déception au premier abord. J’ai arrêté le foot pendant 3 à 4 mois après mon départ de Nantes. Mais avec le recul, je comprends que je n’ai pas percé par manque de travail notamment. Je me suis remis en question et j’ai beaucoup appris footballistiquement. Je suis désormais plus exigent et ambitieux ».
Soyez donc attentifs, il n’est pas impossible que vous lisiez le nom de Ludovic Faucher sur une feuille de match d’une rencontre de Ligue 2 ou Ligue 1 dans quelque temps !
Crédits photos : Axel Poupon/District du Jura, Le Progrès et Ouest France
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