L’attente aura été longue mais le résultat en aura valu la peine. Pour son grand retour, la Formule 1 et tout son beau monde posait pied à terre au Red Bull Ring à Spielberg, en Autriche. Il s’agissait du premier des deux grands prix qui se déroulent sur ce circuit. Avec un nombre restreint de membres d’écuries, de journalistes et sans public, la F1 et sa fourmilière de paddock étaient méconnaissables. « On a l’impression de revivre nos courses de Formule 3 et 4 » assure même Alexander Albon. Mais rien de tout cela, ni le virus, ni les mesures, n’ont empêché le plaisir pris par tous lors de ce week-end de course avec, à la clé, un grand prix fou.
Des essais libres et des qualifications qui en disent déjà long
Nous sommes le vendredi 3 juillet, il est 11 heures du matin. Le bruit des moteurs commence à se faire entendre et les premières monoplaces quittent les stands. « Oh ! This is fast ! » s’exclame Carlos Sainz dans la radio. Les essais libres 1 sont lancés et déjà les premières confirmations, surprises et attentes émergent. Avec le tout nouveau système DAS qui consiste à gagner de la vitesse en ligne droite grâce à une modification de l’angle des roues, Mercedes et leur toute nouvelle monoplace livrée noire survolent la séance d’essais et survoleront les deux autres. Trois « one – two » avec Lewis Hamilton premier et Valtteri Bottas deuxième, occuperont le haut des tableaux de résultats des essais libres. Derrière, Red Bull ne semble avoir rien perdu et se classe tantôt dans le top 3 des chronos avec Verstappen et tantôt plus loin avec Alex Albon.
Mais la grosse nouvelle est juste derrière. Racing Point, qui a copié légalement la monoplace Mercedes de la fin de saison 2019, établit des chronos jamais vus pour cette équipe et vient même concurrencer les tops équipes. Cinquième et onzième puis troisième et septième et enfin quatrième et huitième, les « Mercedes roses » impressionnent alors que Sergio Perez tient parfaitement bien les rennes. Seul petit bémol pour l’équipe, de la fumée s’échappe et s’échappera durant tout le week-end du bloc moteur. McLaren continue de progresser par rapport à l’année dernière tout comme Renault. Les statistiques Canal + montrent que les AlphaTauri et les Williams ont également amélioré leur vitesse de pointe donc leurs monoplaces. Malgré le crash du rookie Nicholas Latifi, Williams a en effet réalisé des progrès. Derrière et exposées au grand jour dans ces essais libres, les monoplaces équipées d’un moteur Ferrari souffrent et sont en grande difficulté.
La première concernée, la Scuderia Ferrari, voit ses affirmations révélées juste quant à la mauvaise monoplace conçue. Dès la première séance d’essais libres, un onboard sur l’engin de Charles Leclerc fait entendre un moteur agonisant. L’équipe se voit même repoussée en dehors du top 9 aux essais libres 1 puis finit neuvième et quatrième ainsi que septième et cinquième. Une statistique choc va même affirmer que les Ferrari sont une des voitures qui souffrent le plus dans le troisième secteur. La crise Haas semble également se poursuivre. Un problème de freins sur la voiture de Romain Grosjean contraint l’écurie à retravailler sur la monoplace et à ne pouvoir offrir à son pilote qu’un seul tour en piste. Lui et Kevin Magnussen ne dépasseront pas le top 15 dans ces trois séances, schéma quasi-similaire chez Alfa Romeo. Samedi après-midi vient l’heure des qualifications. Dès la Q1 où les 5 chronos les plus lents sont éliminés, les deux Williams de Latifi et Russell, les deux Alfa Romeo de Giovinazzi et de Räikkönen ainsi que la Haas de Magnussen qui se montrait heureux de la voiture conçue en conférence de presse, sont perdantes.
Grosjean, Ocon, Kvyat, Gasly et à la grande surprise Vettel, sont sortis en Q2. À la fin de la Q3, Bottas décroche la pôle position avec un temps de 1.02.939. Malgré la sortie en piste de son coéquipier dans le dernier tour, Hamilton ne parvient pas à faire mieux que deuxième. Verstappen est troisième suivi du jeune Norris, auteur d’une très belle prestation. Puis vient l’autre Red Bull d’Albon, Perez est 6e, Leclerc 7e, Sainz 8e, le suit de près Stroll et pointe à la dixième place la Renault de Ricciardo. La grille de départ était donc définie jusqu’à ce que Red Bull fasse appel à la FIA peu de temps avant le départ et ne fasse bouger les choses.
Au début ils sont 20, à la fin il n’en restera que 11
L’écurie de Christian Horner qui avait déjà fait appel en raison du DAS installé sur la Mercedes vendredi soir classé conforme, fait de nouveau appel aux commissaires pour réexaminer le cas Hamilton. Samedi soir, une enquête avait été ouverte en raison d’un non-respect du drapeau jaune de la part du champion du monde. Après avoir revu l’incident, Hamilton se voit pénalisé. Verstappen démarrera donc second, Norris troisième, Albon quatrième et « King Lewis » cinquième. Après que les pilotes se soient regroupés pour afficher leur soutien au mouvement Black Lives Matter, le départ est lancé. Valtteri Bottas, lui qui avait fait un départ spectaculaire en 2017, garde son avance et aucun incident n’est à signaler.
Dans les tours qui suivent, les choses se décantent. En plus des nombreux dépassements de début de course, Hamilton double Albon avec l’aide du DRS et se hisse à la troisième place. Deux tours plus tard, Verstappen doit abandonner pour cause de problème mécanique et lui facilite l’accès à la seconde place. Après les abandons de Ricciardo et de Stroll dus à la mécanique ainsi que celui de Magnussen en haut du virage numéro 3 dû à une rupture des freins, Vettel, alors huitième, tente un dépassement dans un trou de souris sur Sainz et part en tête-à-queue. Après l’incident, il se classe 15e. Peu de tours plus tard, c’est au tour de Romain Grosjean d’abandonner.
Les 20 derniers tours sont les plus fous, cela commence au tour 51 par l’abandon de Russell qui fait entrer en piste la voiture de sécurité. Si cet incident permet aux voitures de se rapprocher, il permet également aux monoplaces de rentrer aux stands. C’est ce que fait Albon qui chausse des pneus soft et compte bien aller inquiéter les Mercedes. Quatre tours plus tard, Kimi Räikkönen perd sa roue avant gauche en pleine course et contraint la voiture de sécurité à rester plus longtemps en piste.
Dès que celle-ci s’efface, Albon attaque Hamilton qui défend sa position mais touche la Red Bull qui part en tête-à-queue. Scénario qui rappelle le grand prix du Brésil de l’an dernier où, ici aussi, Lewis avait enlevé le premier podium qui aurait pu se transformer ici en victoire, au malheureux thaïlandais qui abandonnera quelques encablures plus tard. Alors que Leclerc double Sainz puis Perez et pointe 3e, la sanction tombe pour Hamilton : ce sera 5 secondes de pénalité. À deux tours de la fin, Norris double Perez qui a reçu lui aussi une pénalité de 5 secondes pour avoir fait un retour trop musclé sur le jeune britannique dans la voie des stands et se classe quatrième. À partir d’ici, son but est de terminer à moins de 5 secondes d’Hamilton, toujours deuxième, pour espérer son premier podium. Chose qu’il réussira tout juste puisque dans le dernier tour, il réalise le meilleur chrono en course, 1.07.475, et termine à 4.8 secondes du champion du monde.
À un tour de la fin, Albon abandonne et Kvyat fait de même : son pneu arrière gauche se désintègre. Même si les drapeaux jaunes sont de sortie un peu partout, le podium est bel et bien constitué de Bottas, vainqueur peu inquiété en cette course, Leclerc, second opportuniste et auteur de beaux dépassements qui ne font néanmoins pas oublier les soucis de Ferrari et Norris, pour son premier podium, qui termine troisième après non pas une course, mais un week-end fantastique.
Ainsi, à coups de pénalités et de sortie de voiture de sécurité, le GP aura été palpitant. Sur 20 monoplaces engagées, 11 franchissent la ligne. Hamilton termine quatrième suivi de Sainz et de Perez. Les Français que sont Gasly et Ocon terminent respectivement septième et huitième, Giovinazzi est neuvième tandis que Vettel, qui s’est plaint d’une « voiture impilotable », termine dixième. Le rookie Latifi se verra relégué à la onzième place, seul pilote à avoir franchi la ligne d’arrivée sans inscrire de points.
La Formule 2 et 3 sont aussi de retour
Les talentueux pilotes de Formule 2 et 3 ont également repris la piste. Pour la première course de Formule 2, le chinois Guanyu Zhou avec sa UNI-Virtuosi décroche un chrono de 1.14.416 et s’installe en pôle position. Juste derrière se trouvent Drugovich et Ilott. C’est ce dernier qui va remporter la course devant Armstrong et Schwartzman alors que Giuliano Alesi, seul français en Formule 2, réalise une très belle performance. Parti 18e, il remonte 6e. Pour la course sprint, le podium sera composé de Drugovich, meilleur temps des qualifications, de Delétraz et de Ticktum.
Quant à la première course de Formule 3, pas de quoi s’ennuyer non plus. Le pole-sitter Sebastian Fernandez est percuté dès le premier virage ce qui le contraindra à l’abandon quelques minutes plus tard. Parti dixième, Piastri remporte la première manche, Sargeant est deuxième et Peroni, plein d’audace, a fait le nécessaire pour passer de la huitième à la troisième place. Pour la seconde manche, c’est Lawson qui s’impose suivi de Verschoor et du pilote parti en pôle, le britannico-français Clément Novalak.
Théo Pourchaire, pilote rookie chez ART Grand-Prix en Formule 3, nous a livré ses impressions sur son premier week-end de course : « Ça fait du bien de revenir et de retrouver des sensations. Je suis content d’avoir découvert une nouvelle catégorie avec des courses plus mouvementées. » Lui qui s’était qualifié vingtième pour la course 1 a finalement terminé cette dernière treizième. La course numéro 2, elle, a été plus difficile. « Le bilan est clair : je manquais d’expérience dans la voiture ce qui fait que je n’étais pas en confiance pour les qualifications. Le point positif, c’est que j’ai progressé tout au long du week-end. J’ai notamment pris confiance. L’équipe est très contente du rythme de course. »
Cela aura donc été un week-end plein pour les trois catégories. Les sports de monoplaces sont enfin de retour pour notre plus grand plaisir. Rendez-vous ce week-end pour de nouvelles aventures.
Crédits photos : France 24, Motorsport Images, Dico du Sport et Formula 1