Accueil » L’ASM à la recherche de la conquête perdue

Il fût un temps en Auvergne où les fondamentaux du rugby étaient parfaitement maîtrisés. Un temps où Davit Zirakashvili, Benjamin Kayser et consorts calaient le paquet d’avants montferrandais. Force est de constater qu’en cet exercice 2020-2021, cette période faste des années 2010 est révolue. Pour un temps au moins. En effet cette saison, déjà bien particulière sur un plan sanitaire, marque le déclin d’un atout majeur de l’ASM. La mêlée n’est plus dominatrice – voire souvent dominée – et la touche n’est pas aussi efficace. Alors que dans un Top 14 qui se resserre chaque année de plus en plus (4 points séparent à ce jour le troisième Toulon du septième Lyon), tous les points comptent. La saison 2019-2020, sapée par le Covid, Clermont l’avait terminée à la 6e place. Aujourd’hui, l’ASM est 5e, avec une unité d’avance sur l’Union Bordeaux Bègles, sixième. Le 16 janvier dernier, au stade Chaban-Delmas, les deux formations s’affrontaient en match en retard de la 6e journée.

À Bordeaux, 3 munitions en touche gâchées

L’opportunité était belle pour les asémistes de se replacer dans le top 6. L’adversaire, en revanche, n’était pas idéal. L’UBB restait sur un succès à domicile face au LOU et pointait au huitième rang. Pourtant, l’entame de match de l’ASM offrait quelques motifs d’espoir : une mêlée un peu moins dominée qui tenait la dragée haute au pack girondin. « On est mieux en mêlée » constatait Morgan Parra à l’issue de la rencontre. Aux premières loges pour dresser un bilan de la conquête Auvergnate, l’ex demi de mêlée international aux 69 sélections, titulaire ce samedi-là, a réalisé une bonne partie à l’image de son équipe. Malgré quelques minutes jouées à 13 contre 15 bordelais, l’ASM a tenu bon.
Mieux, elle a grandement inquiétée l’UBB qui n’a pu que concéder le nul sur sa pelouse (16-16). L’on pourrait se dire simplement que Clermont a réalisé une belle performance et surtout une superbe opération comptable en ramenant 2 points de Gironde. Mais non. Clairement, l’ASM devait l’emporter samedi comme a su le faire Toulon dimanche soir sur la pelouse du Racing (23-29). Néanmoins, les Auvergnats paient une touche, une fois de plus une touche beaucoup trop défaillante. En vendangeant trois lancers – un dans les dix mètres bordelais à la 30’, un autre sur les 22 mètres adverses à la 73’ et un troisième à 5 mètres de l’en-but adverse à la 40’ – Clermont s’est sabordé. C’est dire comment ils auraient pu s’imposer avec brio à Chaban, si la touche n’avait pas connu pareille mésaventure. Les carences auvergnates dans ce secteur ont été flagrantes. Pour les personnes présentes au match, ces difficultés ont d’autant plus sautées aux yeux. Malgré tout, l’ASM ramène 2 points de Bordeaux.

Contre Montpellier et le Racing, la touche plombe l’ASM

Mais une issue aussi heureuse n’a pas été observée à chaque fois. Contre Montpellier (le 4 décembre dernier), Clermont avait perdu en touche dans des zones de marque une bonne demi-douzaine de lancers. Résultat, le MHR est venu s’imposer logiquement au Stade Marcel-Michelin (15-21). Le 3 janvier dernier, rebelote. Clermont reçoit un Racing en pleine bourre. D’innombrables lancers perdus en route coûtent le succès aux auvergnats (22-24). Même si ce soir-là, la mêlée avait été également particulièrement défaillante. Ces revers posent une question : est-il possible aujourd’hui de remporter un match de Top 14 avec une conquête défaillante ? Les récentes sorties de l’ASM nous feraient pencher vers le non. Et pourtant en Champions Cup, où le niveau et le rythme y sont supérieurs, les difficultés observées en Top 14 étaient moins visibles.
De fait, en Coupe d’Europe, le jeu est beaucoup plus rapide et l’on prend moins le temps de travailler la conquête. Mais alors comment expliquer ces difficultés ? L’ancien deuxième ligne de l’ASM, Julien Bonnaire, décryptait lundi dans les colonnes du journal La Montagne les lancers du match de samedi : « Sur la première touche perdue par l’ASM, Judicaël Cancoriet parvient à se saisir du ballon mais il n’arrive pas à le contrôler. On voit qu’il est un peu gêné par le contre bordelais. La coordination est extrêmement importante. Sur tes propres lancers, tu es censé être en avance sur l’adversaire ». Bonnaire pointe ici un manque de coordination, explicable en grande partie par l’absence des joueurs habituellement titulaires dans le pack clermontois, et ce depuis de nombreuses semaines. En effet, Iturria, Vahaamahina, Lapandry et autres Jedrasiak sont absents. Composer sans de tels atouts dans son alignement, ce n’est pas chose aisée pour le coach Franck Azéma et son staff.

Les Lanen assurent (bien) l’intérim

Certes, cette cascade de blessures dans le huit de devant a permis l’éclosion et l’affirmation au plus haut niveau de jeunes prometteurs. Les deux jumeaux de 22 ans, Thibault et Clément Lanen (tous deux 2e ou 3e ligne) incarnent cette jeunesse lancée prématurément dans le grand bain. Coutumière du fait (notamment durant les doublons du XI Nations ou lors des Coupes du Monde), l’ASM a cette faculté à lancer de bons jeunes. Les deux frères lozériens ont plutôt très bien soutenu durant de longues semaines le pack auvergnat, du moins dans la limite de leurs capacités et de leur expérience limitée.
Si ce n’est la coordination entre lanceurs et sauteurs, quel pourrait être le problème en touche ? Les lanceurs ? Pas forcément selon Bonnaire, entraîneur de la touche en sélection entre 2018 et 2019. « J’ai eu Adrien Pélissié en équipe de France et personnellement je n’ai pas trouvé que c’était un mauvais lanceur. C’est avant tout un problème collectif. Tout le monde doit travailler ensemble. Tout le monde doit se remettre en question ». L’intéressé – titulaire samedi – s’exprimait dans Midi Olympique dans la semaine avant le déplacement en Gironde. « Nous, les joueurs, on sait comment on travaille et jamais on n’a douté de la qualité de ce qu’on peut faire. Il est hors de question de se cacher derrière les blessures, même si certains retours vont bientôt nous apporter un surplus d’énergie ».

« On n’en dort pas la nuit »

L’ancien talonneur d’Aurillac est bien conscient des difficultés de son équipe dans un secteur qui le concerne au plus haut point. Et cela l’affecte particulièrement : « Quand on s’entraîne aussi dur toute la semaine et que ça se passe mal le week-end en mêlée ou en touche, on n’en dort pas de la nuit une fois rentré à la maison ! » Les pistes d’amélioration semblent sur le papier toutes simples : le travail et la répétition des gestes, comme l’affirment Pélissié et Bonnaire.
Douzième touche et treizième mêlée du championnat, Clermont, cancre dans ce secteur, n’a pas la conquête facile. 50 % de réussite en mêlée face à Pau et Montpellier, 57 % contre le Racing : dernièrement, les nombreuses absences en première ligne (Falgoux, Ojovan, Beheregaray) causent des soucis à l’entraîneur en charge de la mêlée, Didier Bès. Il y a deux semaines à Chaban, ce dernier s’est d’ailleurs sérieusement écharpé avec Christophe Urios, manager de l’UBB, à propos … de la mêlée ! Pas d’accords sur des décisions arbitrales dans ce secteur, les deux hommes se sont échangés quelques amabilités, sur le terrain mais également après le match dans les couloirs de Chaban selon Bès.
Il est vrai que samedi dernier face à Castres (59-19), l’ASM Clermont a brillé en conquête, contre une formation pourtant réputée dans ce secteur. Cependant, pour espérer remonter dans le classement et aller loin cette saison, l’ASM devra rapidement retrouver une conquête de l’époque Kayser, Zirakshvili et consorts …

Crédits photos : Twitter ASM, Rugbyrama, La Montagne, Midi Libre et La Montagne (2)

Thomas Palmier – 27 janvier

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