Il y a trois mois se déroulait le premier grand-prix d’Arabie Saoudite. Avant-dernière course de la saison, elle offrit un duel acharné entre Max Verstappen et Lewis Hamilton. Se soldant sur une égalité parfaite entre les deux hommes avant le fameux GP d’Abu Dhabi, qui a vu sacrer le jeune Néerlandais. Après quelques travaux et surtout une semaine après la rentrée des classes en F1, la seconde venue à Djeddah était très attendue et elle n’a pas déçu. Ou… Ça dépend plutôt des opinions. Une raison bien plus importante que l’extra-sportif a suscité toutes les attentions du monde de la Formule 1 et des pouvoirs publics saoudiens, sous fond de course automobile. Rétrospective en 5 points.
UNE EXPLOSION AU CŒUR DE TOUS LES DÉBATS

Le vendredi après-midi, à la fin des premiers essais libres, Max Verstappen s’est inquiété d’une odeur de brûlé. Ce n’était pas sa voiture, mais un énorme nuage noir apparu. La colonne de fumée a été provoquée par une attaque du site de stockage pétrolier d’Aramco, à une dizaine de kilomètres seulement du circuit. Le dimanche précédent ce week-end de course, le pétrolier saoudien avait déjà été la cible d’une attaque de missiles et de drones de la part des rebelles Houthis yéménites, en guerre avec l’Arabie Saoudite. Le plus inquiétant dans cette histoire est le rôle d’Aramco. Cette dernière est l’un des principaux sponsors de la Formule 1 et accessoirement d’Aston Martin. Elle est aussi l’organisatrice du GP d’Arabie Saoudite. Tous les acteurs se sont inquiétés quant à la sécurité de tout le circuit, c’est tout à leur honneur et cela est légitime. Une réunion a suivi et les essais n°2 ont été retardés d’un quart d’heure. Les autorités ayant rassuré le paddock sur la sécurité et la sûreté de l’évènement, les différentes épreuves se sont poursuivies. Les dignitaires saoudiens ont amené comme argument qu’ils étaient sur place avec leurs familles et qu’ils ne prendraient jamais de risques dans de telles circonstances. Cette annonce aux allures de communication n’a que partiellement suspendu le débat.
VALEURS, SÉCURITÉ OU BUSINESS ? LA F1 SEMBLE AVOIR TRANCHÉ

Les directeurs d’écurie, dans un premier temps en accord pour poursuivre, se seraient vus opposer le refus de leurs pilotes, après que ces premiers les ont quittés pour discuter ensemble pendant plus d’une heure. Menés par Lewis Hamilton, Pierre Gasly, Fernando Alonso ou encore George Russell, directeur du GPDA (Association des pilotes de Grand-Prix), ils ont alors accepté collégialement de ne pas disputer le reste du week-end. Stefano Domenicali, président de la Formule 1, et son directeur technique Ross Brawn, tentent de les dissuader, en vain. Quelques minutes après leur départ, les pilotes sont rejoints par les patrons qui tentent à leur tour de les convaincre.
Finalement, après plus de quatre heures de réunion, les directeurs obtiennent gain de cause. Pour des raisons idéologiques avancées par Mattia Binotto, patron de la Scuderia Ferrari, « partir aurait donné un signal aux rebelles ». Mais aussi et surtout, selon diverses opinions, pour des raisons économiques. Annuler le GP équivaudrait à perdre plus de 70 % des revenus engendrés par le contrat avec le pays du Golfe. À savoir que l’Arabie Saoudite aligne 70 millions par an pour accueillir le paddock. Certains parlent de menaces des patrons, voire des autorités locales, mais rien n’a été communiqué.
La place de ce circuit est de nouveau remise en cause. Premièrement pour les répressions des minorités LGBT, des droits fragiles des femmes ou pour les droits de l’homme bafoués. Alors que le « We Race As One » est une politique forte de la F1. Sauf… Qu’ils payent. Enfin, les caractéristiques du circuit sont très contestées. Le tracé en ville engendre de nombreux accidents, allant des crashs de Mick Schumacher et Nicholas Latifi en qualification, à la récidive du Canadien en course.
UN DUEL AU SOMMET : VERSTAPPEN VS LECLERC

Le vainqueur de ce grand-prix controversé est le champion du monde en titre, Max Verstappen. Au volant de sa Red Bull, il se place quatrième à l’issue des qualifications, à 261 millièmes de son coéquipier Sergio Perez, qui signe la première pole de sa carrière, devenant ainsi le 103e poleman de l’Histoire. Entourant les Ferrari au départ, c’est Verstappen qui tire avantage du premier virage en dépassant Carlos Sainz. Lui qui, une heure avant le départ, a fait peur aux Tifosis en raison d’un problème avec un faisceau électrique sur sa monoplace. Equipé de pneus médiums, Sergio Perez conserve Charles Leclerc derrière lui. Le Monégasque pousse le Mexicain à s’arrêter au 15e tour, ce qui lui coûte trois places.
Par ses erreurs, Latifi n’aura pas profité aux Red Bull comme au dernier GP d’Abu Dhabi. Son accident au 16etour permet à toutes les monoplaces de s’arrêter à moindre perte. Leclerc, Verstappen et Sainz se retrouvent en tête de la course. Après son Hat trick (pole position, course et meilleur tour) au premier grand-prix, Charles Leclerc mène la course jusqu’au tour 36. Il ne perd pas sa position immédiatement, mais c’est un tournant puisque grâce à la voiture de sécurité virtuelle, Verstappen se rapproche du leader. À partir du 42e tour, les deux anciens adversaires de karting réitèrent le duel de la semaine passée en offrant une rivalité au sommet. Les trois zones de DRS ont bien aidé, et c’est finalement le Néerlandais qui empoche les 25 points de la victoire. Entre zigzags et blocages de roues pour avoir le DRS, la guerre des nerfs entre Hamilton et le champion du monde 2021 est peut-être de retour avec des acteurs un poil différents.
LA FIABILITÉ MISE À RUDE ÉPREUVE

Mick Schumacher n’a pas pris le départ et Nicholas Latifi s’est crashé. Outre les qualifications, ce sont cinq abandons de fiabilité qui ont achevé l’hécatombe du week-end. Chez les Alpha Tauri, Yuki Tsunoda ne participe pas aux qualifications et à la course pour problème moteur. Avant la course, la voiture de Carlos Sainz a affolé ses mécaniciens également pour un problème de faisceau électrique, mais l’Espagnol partira finalement sans accrocs. Plus tard dans la course, perte de la transmission pour Ricciardo, puis perte du moteur pour cause de surchauffe pour l’Alpine d’Alonso. Bilan : abandon pour les deux. Bottas renonce aussi un tour après Alonso et Ricciardo, en raison d’une surchauffe élevée, même si ici il s’agit d’une simple mesure de prévention pour le Finlandais. En fin de course, dans le tour de décélération, il est demandé à George Russell de faire attention à la température d’eau sur le moteur. Après le GP de Bahreïn, où les deux Red Bull et Pierre Gasly ont abandonné, les moteurs de 2022 montrent qu’ils sont de vrais caprices. Même si les tifosis diront le contraire !
Ces problèmes sont liés au gel des moteurs jusqu’à fin 2025 avec l’introduction d’un carburant à 10 % d’éthanol. Cette innovation complexe qui met à rude épreuve les écuries, n’a pas fini d’engendrer des abandons.
LE POINT DES FRENCHIES

Pierre Gasly aura été désavantagé par la première voiture de sécurité, s’étant arrêté un tour trop tôt. Le Français finit 8e et empoche ses quatre premiers points de la saison, après son abandon à Bahreïn. Esteban s’est quant à lui classé sixième, profitant de l’abandon de son coéquipier au 35e tour. En décembre dernier, l’Arabie Saoudite n’avait pas été pour lui un très bon souvenir en se faisant chiper le podium par Valtteri Bottas sur la ligne d’arrivée. Cette année, les rôles se sont inversés et Esteban a pris la 6e place dans les derniers mètres à Lando Norris. Il confirme sa bonne performance à Bahreïn en accumulant 14 points au championnat pilote.
Sixième au championnat, le Français espère pouvoir décrocher la quatrième place du championnat constructeur avec son coéquipier. Avec son coéquipier ? En théorie, oui, puisque les deux hommes semblent s’entendre à la perfection depuis le début de leur collaboration. Mais la pratique, tout dans le respect, s’est révélée assez rude. Les pilotes Alpine ont offert un duel de lions au début du GP. L’un dépassant l’autre, l’autre zigzaguant pour empêcher l’un. Un duel comme on les aime, mais à la fois inutile et inquiétant. Inutile, parce qu’ils ont permis à Russell de s’envoler et à Bottas et Magnussen de revenir. Inquiétant, car des duels aussi agressifs entre coéquipiers rappellent Barcelone en 2016 ou encore Interlagos en 2019, et l’accident puis les tensions sont si vite arrivés. Sans consigne d’équipe, ce genre de bataille risque de se reproduire entre les deux coéquipiers, notamment grâce aux nouvelles monoplaces qui se suivent plus facilement.
Pour l’anecdote, le GP d’Arabie Saoudite aura été la première course depuis le GP du Portugal en 1994, où il n’y avait ni Sebastian Vettel, ni le père ou le fils Schumacher.
Crédits photos : Off Track, Motorsport, France Info, Red Bull F1, Formula 1 et Alpine F1