Accueil » Le tennis canadien bientôt aux sommets

Le tennis et le Canada n’ont jamais réellement été deux bons compagnons de route. Tennistiquement, le fossé maritime séparant l’Europe et le Canada ne s’était jamais fait autant ressentir. Alors que les Etats-Unis brillaient avec notamment Jimmy Connors et John McEnroe, le nord au pays de la feuille d’érable était à la traîne. Mais de manière assez inattendue, le miracle arriva. Ainsi, la quête de gloire pouvait enfin commencer. Durant la dernière décennie, de nombreux noms qui sont toujours en activité se sont succédé afin de faire prévaloir toute la détermination et la rigueur d’un pays qui n’a connu que trop peu d’exploits sportifs. Marqués par un déterminisme fort, ces joueurs canadiens ont su prendre du gallon pour ainsi être en capacité de rivaliser avec les cadors du circuit ATP. Analyse de cette pépinière à champions.

« Devenir une nation de référence »

2 (France tv Sport)

Le tennis devait se faire une place parmi les autres sports déjà confortablement installés au Canada. Du football américain au hockey sur glace en passant par le basket-ball, le pays semblait être pour le moins comblé. Mais la bête n’était pas rassasiée, elle voulait voir plus grand et plonger son regard plus haut. Le tennis, un sport populaire mondialement, semblait être la meilleure alternative. Petit couac cependant, le sport à raquette n’a jamais été majeur dans cette région du monde. Il fallait ainsi se renouveler, changer d’ère, de mœurs.
Un jour, un technicien français nommé Louis Borfiga posa pied sur la terre canadienne. On lui avait confié une tache fastidieuse mais non pas intéressante. Cette tâche consistait tout simplement à implanter plusieurs centres régionaux et nationaux dans l’entièreté du territoire. Elle avait pour but de fonder une génération de talent afin de la lâcher dans le bain du circuit ATP au sortir de sa formation. « L’aventure a commencé avec la volonté des dirigeants du tennis canadien de devenir une nation de référence. » Les propos tenu par l’initiateur sont clairs, le Canada regorge de talent qui mériteraient la lumière. « Ils m’ont laissé les mains libres, j’ai mis un système en place. J’ai fait attention à recruter de bons entraîneurs (notamment les Français Guillaume Marx, Frédéric Fontang et Nicolas Perrotte). J’ai envoyé un message fort, il fallait être ambitieux. À partir de là, tout s’est enclenché, tout le monde a travaillé fort. » Ainsi, de par une idée et un projet ambitieux, le tennis canadien va pouvoir connaître son moment de gloire. Mais en 2006, à l’amorce du projet, le Canada devait attendre patiemment.

Milos Raonic l’éclaireur

3 (BNP Paribas Open)

À partir de 2010, tout a commencé à se décanter. Professionnel depuis 2008, Milos Raonic est en quelque sorte le premier illustrateur de l’effervescence du tennis au Canada, la nation n’allait rien laisser au hasard. De par un jeu agressif et un service puissant qui a fait pâlir Andy Roddick, Raonic, année après année, s’est installé sur le circuit. Et en plus de cela, il a pu côtoyer tous les plus grands et par la même occasion les battre. Il est devenu petit à petit un ogre qui ferait frémir chacun de ses adversaires avant, pendant et après le match et ce quel que soit le résultat final. La carrière de Raonic s’est faite par palier. En 2011, il se révèle au grand public en enchaînant de nombreux succès remarquables. En 2013, il fait sa toute première entrée dans le Top 10 grâce notamment à sa première finale dans un Master 1000 et deux titres dans des tournois ATP. En 2016, l’une de ses plus belles années, il arrive jusqu’en finale de Wimbledon. Malheureusement, la suite est plus sombre. Dérangé par de nombreux problèmes physiques, le joueur canadien ne parvient plus à retrouver son niveau qui avait tant impressionné la planète tennis. Le début d’année 2020 peut toutefois s’avérer rassurant puisqu’il parvient à se frayer un chemin jusqu’au stade des ¼ de finale à Melbourne. La situation épidémique actuelle n’arrange en aucun cas les choses. Était-il de retour ? La réponse se fait désirer.
Le service est sa grande arme, elle peut être tout à fait fatale lorsqu’elle est remarquablement bien utilisée. De nombreuses fois, cette arme a sorti Raonic des pires situations. Cependant, Raonic est désormais de ceux qui ont de l’audace. Il est un peu, à l’image de Djokovic avec la Serbie, celui qui a fait naître tennistiquement sa nation. Ses origines monténégrines ne sont guère représentatives, c’est un amoureux du pays. Est-il pour le moins un héros ? Cela semble malheureusement difficile à imaginer tant ses performances sont finalement restées anecdotiques. Il a su toutefois chauffer la place, jouer le rôle de goûteur afin que les jeunes sortis tout droit des centres canadiens arrivent rassurés sur le circuit.

Mais Raonic n’est pas véritablement le seul dans l’affaire. Alors qu’il brillait sur les différents tournois du circuit ATP, Eugenie Bouchard, sur l’autre circuit à savoir le WTA, illuminait le tennis féminin canadien de par sa classe. Les chemins parcourus par ces deux protagonistes sont d’une quasi-similitude exemplaire. Leur meilleure performance en grand chelem est une finale à Wimbledon, assez surprenant en effet. Le tennis canadien prend ainsi forme. Tennistiquement, une nation est née dès lors que les deux personnages sont rentrés sur un court, ont battus les plus grands et ont remporté des titres. Le pari osé de Louis Borfiga peut enfin se concrétiser. Bien que les centres tournent à plein régime, il fallait des éclaireurs et observer tous les traits du monde de dehors.

Les premiers de la Promo

4 (La Croix)

Les étoiles dans les yeux, les jeunes canadiens reçoivent leur diplôme. Le moment est venu : ils peuvent enfin rentrer dans le vif du sujet. À leur arrivée, que ce soit dans le bâtiment ATP ou WTA, ils auront le privilège d’avoir un guide personnel. Ils seront peut-être surpris de voir qu’il s’agit de Bouchard et de Raonic mais le temps des tergiversations n’est plus d’actualité. Dans une période où l’on cherche les futurs talents du circuit, étant donné que le « Big 3 » s’approche petit à petit de la fin, les nouveaux arrivants canadiens doivent se faire une place. Les places sont néanmoins chères et petites tant le nombres de demandes croit exponentiellement.
Tout commence un certain 11 août 2017. Opposé à l’ogre espagnol Rafael Nadal en huitième de finale du Master 1000 de Montréal, le tout jeune Denis Shapovalov va réaliser un exploit retentissant. Classé alors 143e à l’ATP, il va sortir Nadal devant son public. Le match était pour le moins accroché mais le jeune canadien de 18 ans aura raison du numéro 2 mondial dans le tie-break du troisième et dernier set. La belle histoire s’arrêtera quelque jours plus tard lors des demies. Par la suite, Shapovalov parvient jusqu’au stade des huitièmes de finale de l’US Open, assez impressionnant tant sa précocité étonne le monde entier. Ils ont connu Raonic mais ils ne sont pas au bout de leurs surprises. Surtout que Shapovalov après toutes ces belles performances de 2017 parvient à figurer comme le premier joueur canadien. Ce règne ne fût pas de longue durée étant donné que Raonic, lors de l’US Open 2018, récupère sa couronne. La génération ravageuse n’est pas derrière, elle est présente et même devant.
Arrivé un peu plus tard, Félix Auger-Alliasime a tout d’un champion. Adoptant un tout autre style que son compatriote au revers à une main assez rare pour un gaucher, FAA est en quelque sorte une nouvelle version. Son émergence arrive un peu plus tard. En 2019, alors qu’il intègre le Top 100, Auger-Alliassime rentre dans le bain. Il se qualifie en effet pour la finale du tournoi de Rio en début d’année. Malheureusement, il tombe sur plus fort que lui, pour l’instant. Mais le Gala de Promo survient plus tard dans l’année. Lors du Master 1000 de Miami, les deux compatriotes que sont Shapovalov et Auger-Alliasime se qualifient pour les demi-finales. Ils ne seront pas en confrontation et seront tous deux éliminés.

Afin de succéder à Eugénie Bouchard, une jeune canadienne du nom de Bianca Andreescu entre dans la danse et d’une manière retentissante. Son année 2019 est marquée par deux grandes dates. Tout d’abord le 17 mars 2019, elle remporte son premier tournoi majeur WTA à Indian Wells. Le 7 septembre, un moment charnière, elle crée l’exploit et remporte son tout premier grand chelem à l’US Open, elle devient ainsi la première joueuse canadienne à remporter un tel titre. Une future championne ? Elle l’est déjà. Elle rentre dans la lignée des grands personnages de la nouvelle ère.

Tennis et Canada semblent désormais avoir trouvé un terrain d’entente. La nation bercée par des sports peu médiatisés croque la gloire à pleine dent. Auger-Alliasime pourrait rapidement remporter un Master 1000 tout comme Shapovalov, tandis qu’Andreescu aura la rude tâche de poursuivre sur ce même élan. Le come-back de Raonic est attendu fermement. Après Andreescu, qui glanera en premier un tournoi du Grand Chelem et de quelle manière ? Les interrogations sont multiples, nous avons hâte de connaitre la suite. Mais au Canada pour l’heure, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, gloire et volupté.

Crédits photos : La Presse, Francetv sport, BNP Paribas Open et La Croix

 

Antonin Fromentel – 8 juin

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