Roland, te voilà flambant neuf. Nous sommes prêts à vibrer et à s’exclamer sous ton chapeau et tes éclairages bien lunés. Cette nouveauté que l’on attendait pour prolonger notre plaisir à voir des joueurs lutter jusqu’à des heures indéterminées. Et qu’importe que les balles soient lourdes ou que le temps ne soit pas à la fête, Paris est en quête de nouveaux initiés. Cette édition nous éclabousse de sa superbe. Les favoris peuvent finir au tapis et les révélations inonder les ondes. Sur une surface lourde et épaisse, les joueurs mesurant plus d’1 m 85 peuvent en pâtir, ils doivent trouver des solutions au vu des conditions particulières et au combien se battre avec leurs armes. C’est désormais l’heure, il est temps de rentrer dans le vif du sujet, ne perdez pas une seconde et prenez place dans votre canapé. Embarquez pour une analyse détaillée de ce nouveau Roland-Garros.
Tops féminins : Fiona Ferro n°1 française, la précocité d’une jeune polonaise

On peut dire que le confinement lui a fait du bien. Des séances ordinaires chez elle ont sûrement aidé Fiona Ferro qui arrivait Porte d’Auteuil avec le plein de confiance grâce à ses titres sur les challenges élites de la FFT et à Palerme. Remis de son œdème aux côtes, la native de Libramont-Chevigny (Belgique) arborait ce Roland Garros avec envie et certitude. Un beau parcours qui lui permit d’éliminer notamment Elena Rybakina et Patricia Maria Tig (ROU). En 1/8e de finale, Fiona chute sous la régularité et l’expérience de Sofia Kenin qui atteindra la finale. Une place de numéro 1 française et un coaching sous la houlette d’Emmanuel Planque, nul doute que Ferro continuera à travailler dur pour réaliser de plus amples performances et s’installer dans le top 20 très prochainement.
Une finale à sens unique, c’était écrit dans le marbre au vu du parcours stratosphérique que nous a proposé Iga Swiatek. Une précocité rare, une attitude et un état d’esprit qui nous donne le ressenti qu’elle est déjà sur le circuit depuis longtemps. Contre Sofia Kenin, la polonaise est restée dans sa filière en variant et en prenant le jeu à son compte. Une copie impeccable pour sortir Kenin de sa zone de confort grâce à des amorties extrêmement bien touchées. L’américaine a bien tenté de riposter avec ses fulgurances, mais les 14 points enchaînés de Swiatek dans le second set lui aura certainement mis un coup derrière la tête. Des volées pas assez tranchantes et un dernier coup droit décroisé de la polonaise pour sceller le sort de la finale qui se terminera sur le score de 6-4/6-1. Aucun doute, Swiatek continuera de briller dans les années à venir.
Flops féminins : Le 24e s’éloigne pour Serena, suspicion de match truqués sur un double

Serena Williams, que l’on avait quitté vaillante et courageuse en demi-finale de l’US Open 2020, n’ira pas plus loin que le premier tour cette année à Roland Garros. Même si elle a déjà gagné 3 fois le grand chelem parisien, la terre battue n’est pas vraiment sa surface préférée. Au vu des conditions particulières cette année, l’américaine n’a pas voulu prendre de risques concernant sa blessure au talon d’Achille. Un dernier coup d’éclat en 2021 pour décrocher ce fameux 24e grand chelem ? Elle fera tout pour rivaliser à nouveau avec les meilleures.
Avec une situation où le double n’est pas vraiment mis en valeur, on se serait bien passé de cette polémique. Le mercredi 30 septembre, sur le court numéro 10 au premier tour du double féminin, des fautes anormales interpellent les autorités. Corollairement à cet évènement, sur les sites de paris sportifs connus du grand public, des mises importantes sont déposées. Le match opposait Mitu et Tig (ROU) à Brengle et Sisikova (USA-RUS). Une enquête est actuellement ouverte pour escroquerie en bande organisée, de quoi réjouir les ardeurs défenseurs des valeurs du sport.
Les tops masculins : Les petites tailles et Stefanos encensent le tournoi, tout simplement PHENOMENADAL

Ce Roland Garros 2020 fait la part belle aux styles atypiques et créatifs. Hugo Gaston, le jeune français de 20 ans bénéficiant d’une invitation, a écœuré ses adversaires d’amorties et de maîtrise du petit jeu. Demandez à Dominic Thiem, l’autrichien qui est monté 58 fois au filet pour tenter de rattraper les balles pétris de malice du tricolore. Gaston a su profiter des avantages de la surface en liftant et en variant un maximum pour casser le rythme et obliger ses adversaires à s’adapter à ses coups qui ne présentaient jamais deux fois la même balle. Ce style de jeu, qui se différencie de ce qu’on a l’habitude de voir sur le circuit (grosse frappe puissante du fond de court en jouant les diagonales), ouvre peut-être la voie à une nouvelle émergence de joueurs qui se baserait davantage sur la tactique que sur le physique et les grosses frappes du fond.
Trop dur, trop fort, trop Nadal tout simplement. En demi-finale, l’argentin qui avait réussi l’exploit d’éliminer le numéro 3 mondial Dominic Thiem grâce à une variation aux petits oignons, a bien tenté d’embêter le taureau de Manacor, mais la marche était trop haute. Un service trop faible et un jeu vers l’avant limité dû aux balles tendues et bombées de Rafael Nadal, a eu raison de la tête de série numéro 12 qui tombe sous l’intensité de l’espagnol. Dans la seconde demi-finale, Stefanos Tsitsipas a prouvé qu’il pouvait tenir tête face à la froideur serbe. Une mauvaise entame de match lui aura était fatale. Le retard de 2 sets de retard a été très éprouvant mentalement et physiquement, le grec n’a commencé à dicter et prendre le jeu à son compte qu’à partir du 3e set. Novak Djokovic a simplement prouvé qui était celui qui avait le plus d’expérience dans un match au meilleur des cinq sets avec une attitude irréprochable, contrairement à son quart de finale.
Une des plus alléchantes finales qu’il soit était l’occasion d’égaler et de dépasser de nombreux records, que ce soit pour Nadal ou Djokovic. Le dernier duel en majeur remonte à Wimbledon 2018 où le serbe était sorti en vainqueur. Ce dimanche 11 octobre, quand un dernier ace de l’espagnol sortit de sa raquette après 2 h 41 de match, genoux sur terre et sourire bien apparent, le majorquin venait d’égaler Roger Federer en nombre de grands chelems remportés (20), capitalisait 100 victoires à Roland pour seulement 2 défaites et devenait le premier joueur de tennis à gagner 13 fois un même tournoi.
Cette statistique donne le tournis. D’ailleurs, Novak Djokovic a expérimenté ce tournis directement en pleine face dès les premiers points du match, tant Rafa était véloce, rapide, précis. « Je ne l’attendais pas à ce niveau-là aussi rapidement » déclara le serbe. Abasourdi, le serbe ne tenta jamais de faire jeu égal avec Nadal dans la diagonale, par peur de la faute côté revers. Dans l’impossibilité de changer de tactique et dans la course continuelle après le score, Djokovic réussit à débreaker dans le 3e set et eut un premier signe de révolte. Mais ce n’était qu’un court passage très ephèmère, puisque l’espagnol scella le sort du match en le punissant à 5-5. Rafael Nadal s’imposa sur le score de 6-0/6-2/7-5 et prouve au monde entier que le propriétaire ultime de l’ocre, c’est bien lui.
Les flops masculins : Les mousquetaires ne réussissent pas à dégainer leur épée, Djokovic un hic malgré le parcours

Ce grand chelem ne restera pas dans les annales côté mousquetaires. Gasquet, Simon et Monfils ont tous les trois chuté au premier tour (une première depuis 2004) sans folie, sans rébellion. Monfils, qui voulait se rattraper d’une préparation bien compliquée aux tournois de Rome et Hambourg, s’est complétement trompé de filière contre le jeune Alexander Bublik, qui n’était a priori pas une référence sur terre battue. Diminué physiquement, Richard Gasquet n’a pu tenir la cadence de l’espagnol Roberto Bautista Agut sur un match au meilleur des cinq sets. Quant à lui, Gilles Simon a bien tenté d’embêter la fougue de Denis Shapovalov, mais le français a été trop timoré pour espérer l’emporter face à un Canadien qui a chuté dès le tour suivant par un pur terrien, Roberto Carballes Baena. Va-t-on assister à un trou générationnel ? On peut se poser la question au vu des joueurs Next Gen un peu verts, c’est le cas d’Ugo Humbert et Corentin Moutet qui ont été éliminés dès le premier tour. La critique est facile au vu des données récoltées, il ne faut cependant pas tout renier puisque les mousquetaires nous ont procuré des moments incroyables d’émotions et de passion. Il est peut-être temps de laisser la chance à la génération suivante en se basant sur les valeurs de celle-ci.
Pétri d’angoisse à l’idée d’affronter à nouveau l’espagnol Carreno-Busta, Novak Djokovic débuta très mal son match. Souffrant, au bord de l’abandon à cause du cou et d’un coude récalcitrant, le numéro un mondial semblait aux abois. La venue vers le filet était proche mais encore une fois, le mental reprit le dessus ce qui le fit à nouveau mieux jouer. À moins que Novak n’ait exagéré sa blessure ? C’est en tout cas ce que déclarait son adversaire du jour : « Je savais que ça pouvait arriver parce qu’il le fait à chaque fois, depuis des années. Dès que le match se complique, il demande un temps mort médical. » Des déclarations dont se serait bien passé le numéro 1 mondial pour éviter toute polémique inutile. Heureusement, ce tournoi dans ces conditions exceptionnelles nous a procuré des sensations indescriptibles notamment sur la fin.
Ce qu’il s’est passé dans les autres catégories

Les autres catégories de Roland Garros nous ont également offert leur lot de bonnes surprises. La plus belle est celle d’Elsa Jacquemot, âgée de 17 ans et licenciée au Tennis Club de Dardilly. La française a remporté le tournoi junior féminin. Mal engagée, elle a usé de toute sa rage pour aller s’imposer face à la russe Alina Charaeva (4-6/6-4/6-2). Elle rêve désormais de plus grand, de plus beau et de plus grosses performances. De son côté, Mladenovic a un coup à tenter dans sa carrière en double. Associée à la hongroise Timea Babos, elle conserve son titre de 2019 sur le score de 6-4/7-5 face à la paire Guarachi-Krawczyk.
Malgré un beau parcours qui les verra se hisser en quart de finale, Lilian Marmoussez et Sean Cuenin ont été battus respectivement par Guy Den Ouden (NED) et Juan Bautista Torres (ARG). Alfie Hewett a réussi le coup double en s’imposant en finale du double et du simple dans la catégorie tennis fauteuil, lui qui pose polémique alors qu’il retrouverait de ses capacités. Rappelons qu’il est atteint d’une maladie d’enfance qui disparaît petit-à-petit et pose question sur sa légitimité à jouer en handisport.
Crédits photos : France 24, Eurosport, Redon – Maville, Tennis Majors, Roland Garros, Francetv.sport et Le Parisien