Accueil » Paris-Nice 2020, une édition mémorable

Contrairement aux courses italiennes du mois de mars, le Paris-Nice a bien été maintenu même avec la présence d’un coronavirus de plus en plus dévastateur suscitant ainsi une inquiétude et une tension plus que palpable. Toutefois, certaines mesures ont été prises afin d’assurer la sécurité des coureurs. Par exemple, le final de nombreuses étapes a été effectué à huis-clos, phénomène que l’on a pu observer notamment dans les matchs de football ces dernières semaines. Mais la mesure la plus contraignante et drastique a été de raccourcir le parcours de cette 78e édition en supprimant la dernière étape qui devait se conclure à Nice comme à l’accoutumé. Gardons toutefois le sourire, nous avons tout de même assisté à une belle semaine de vélo. Déjà mélancolique ? Pas de panique, nous vous dressons son bilan !

Maximilian Schachmann : un vainqueur surprenant

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Au fond, qui l’eût cru ? Vainqueur d’une première étape disputée dans le département des Yvelines, l’allemand Maximilian Schachmann n’a plus quitté à partir de ce moment-là sa tunique jaune de leader, il s’impose devant Tiejs Benoot (Sunweb) et Sergio Higuita (EF Education First). Ce dernier par la même occasion endosse le maillot blanc du meilleur jeune. Dans une course où de nombreuses équipes n’ont pas pris le départ (Jumbo, INEOS, Movistar…), il fût difficile tout de même de se faire une place. Moins garni qu’à la normale, le plateau promettait toutefois une bataille pour le sacre. Que ce soit avec Thibaut Pinot qui aimerait continuer sa reprise dans les meilleures conditions, Julian Alaphilippe en quête d’un premier sacre cette saison, Nairo Quintana en excellente forme sur ce début d’exercice 2020 ou même Vincenzo Nibali, la course peut réellement être captivante. Avec cette « startlist », quels sont ceux qui pensaient voir l’allemand de la Bora Hansgrohe enlever la 78e édition de la Course au Soleil ? Sans doute peu de personnes mais cela n’enlève en rien les qualités de Maximilian Schachmann. À vrai dire, c’est un coureur complet, tout aussi capable de réaliser un très beau sprint que d’avaler un col de 10 km. Mais fondamentalement, sa spécificité est l’épreuve individuelle à savoir le contre-la-montre ce qui fait de lui un surprenant vainqueur certes mais aussi admirable. À en croire le palmarès du Paris-Nice même troublé par le virus, Schachmann s’inscrit parmi les grands et cela ne nous surprend guère.
« C’était très, très dur aujourd’hui. […]. Les 3 derniers kilomètres c’était comme rouler en enfer tellement je me suis fait mal, mais maintenant c’est le paradis. La victoire efface la douleur. C’est mon plus gros succès en quatre ans et surtout beaucoup de gens doutait que je pouvais être un coureur de classement général. C’est mon rêve et j’ai montré que je pouvais le faire sur une course d’une semaine et la plus prestigieuse de toutes », au micro de l’organisation Schachmann est à la fois comblé et exténué. « C’est le paradis », il s’agit là du paroxysme d’une progression fulgurante. De la première à la dernière étape, l’allemand s’est battu que ce soit au sprint, contre la montre – l’exercice pilier de sa formation nous le rappelons – ou en montagne pour conserver sa tunique jaune et s’adjuger une course d’une semaine, « la plus prestigieuse de toutes. ». Ce coureur est désormais à surveiller, nous ne pouvons pour l’instant que l’en féliciter.

Un bilan français en demi-teinte

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Sur la ligne de départ dans les Yvelines étaient présents notamment Thibaut Pinot (Groupama FDJ), Julian Alaphilippe (Deceuninck Quick-Step) et Romain Bardet (AG2R). Nous les attendions mais nous avons été en quelque sorte déçus et même si Thibaut Pinot signe une très belle cinquième place au classement général, un sentiment d’inaccompli règne. En effet, selon toute vraisemblance, Pinot aurait pu être le vainqueur de cette édition. Mais non, comme à l’image de son début de saison, Pinot n’est pas encore totalement au rendez-vous. Enfin s’il nous promet de l’être en juillet, tout va bien. Chez AG2R, le bilan est difficile à dresser. « Sur le plan sportif, on ne va pas être satisfaits de ce Paris-Nice », tels sont les mots de Vincent Lavenu directeur sportif de l’équipe française. Romain Bardet se classe 19e au classement général à plus de 12 minutes du vainqueur, toutefois le français a été troublé par une chute survenue lors de la première étape et amputé de deux coéquipiers que sont Oliver Naesen et Nans Peters. Mais finalement, et c’est bien là toute la complexité, Romain Bardet livre une prestation plutôt encourageante au moment où les favoris doivent gravir le dernier col de cette 78e édition qu’est La Colmiane. Par la même occasion, ce col est le juge de paix d’une étape ayant pris départ à Nice pour le symbole et pour le nom de la course. Bref, au sommet de La Colmiane l’Auvergnat arrive 9e et rassure en quelque sorte son directeur sportif et un public amoindri mais toujours aussi présent. Essayons de tendre vers le positivisme, mais avec le Giro reporté – sans doute annulé… – et des Jeux à Tokyo fortement menacés, Romain Bardet pourrait malheureusement bien sombrer.
Du côté de chez Julian Alaphilippe, le succès tarde à venir. Au sortir d’une excellente année 2019 marquée notamment par un premier sacre dans un monument ou par sa formidable épopée en jaune lors du mois de juillet, le coureur français semble pour l’heure ne pas avoir les jambes pour rivaliser avec ses concurrents. De plus, même si le Paris-Nice ne figurait pas parmi ses principaux objectifs, il n’a pas vraiment montré cet aspect de sérénité qui lui est propre en temps normal. Toutefois, il a su se montrer conquérant en s’extirpant à de nombreuses reprises du peloton durant cette semaine, c’est certes encourageant mais le Julian que l’on voit sur ce début de saison n’est pas le Julian que l’on a vu sur ce même début de saison l’an passé. En effet, il va falloir faire des comparaisons et cela semble taper dans l’œil. Afin d’être encore plus perplexe en raison de la forte propagation du COVID-19, de nombreuses courses sont annulées ou reportées (E3, Gand-Wevelgen Giro…) et d’autres fortement menacées (le Tour des Flandres entre autres). Que ce soit au Tour des Flandres ou à Liège-Bastogne-Liège, Julian Alaphilippe avait prévu de s’y aligner mais une chose est sure, sa saison est en suspend tout comme le cyclisme mondial.
Il est difficile de faire un bilan exhaustif de tous les coureurs français ayant décidé de prendre le départ de Paris-Nice, notons tout de même la belle prestation de Nicolas Edet qui au terme d’une semaine mouvementée remporte le classement de la montagne. Par la même occasion, saluons les performances plutôt encourageantes de Guillaume Martin, Rudy Molard et Aurélien Paret-Peintre. Ce dernier se classe 3e au classement du meilleur jeune et par conséquent, il sera évidemment à suivre tout au long de la saison. Un bilan en demi-teinte certes mais nous ne sommes qu’au début de saison synonyme d’une certaine période de rodage. Sauf qu’un facteur troublant vient à l’encontre des coureurs, un facteur pandémique qui pourrait bien interrompre les espoirs de victoire de chacun en 2020.

Nairo Quintana : ça va mieux et quel régal !

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Est-ce vraiment à cause de Movistar ? En l’état actuel probablement. En ce début de saison 2020, Nairo Quintana semble véritablement retrouver son niveau et ses jambes d’antan, nous avions perdu le Quintana vainqueur du Giro et de la Vuelta mais il est « normalement » de retour. Afin de parler de son Paris-Nice, il serait peu constructif de consulter et d’étudier le classement général même s’il termine à la 6e place. Mais comme pour Pinot, cette édition lui était due. Au fond sans sa chute survenue lors de la deuxième étape, le colombien aurait sans doute eu la possibilité de survoler cette course. Les hypothèses n’ont jamais élaboré de grandes thèses et sont de ce fait peu constructives, néanmoins la victoire de Nairo au sommet de La Colmiane l’est davantage. Sur cette 7e et dernière étape, Quintana à l’image de son début de saison était le plus fort. Simplement dès lors que la route s’élève, le petit colombien est puissant et impavide, frustrant certes pour les autres mais fructueux pour sa personne et sa nouvelle équipe Arkéa-Samsic. Mais la question doit inéluctablement être posée : de quelle manière expliquer cette résurrection ? Pour faire court l’environnement, ce fait engendre de nouveaux objectifs et une place suprême de leader aux dépens d’un Warren Barguil moins « fiable ». Par conséquent, cela évite l’entassement que l’on a pu observer durant ces dernières années chez Movistar. Ainsi, ce changement d’air a permis à Quintana de se ressourcer en France et de remporter déjà deux courses que sont le Tour de la Provence et le Tour du Haut-Var. Ajoutez à cela une très belle prestation en Colombie lors des championnats nationaux, le bel accomplissement qu’est la victoire au sommet sur une étape du Paris-Nice et vous avez un bilan de début de saison plus qu’impressionnant !
« Je voulais gagner avec la manière en montrant une attitude offensive, ici au sommet de la Colmiane, terme de cette édition 2020 de Paris-Nice. J’étais motivé, j’ai travaillé fort, mes coéquipiers de l’équipe Arkéa-Samsic en ont fait de même en roulant derrière l’échappée, je me devais de finir le travail », a expliqué Nairo Quintana au terme de la 7e étape. La mentalité semble avoir totalement bifurquée, collective plutôt qu’individualiste et pour cela, la Team Movistar peut être fautive. Bref, Quintana sera de la partie lorsque le cyclisme reprendra véritablement avec une équipe en pleine effervescence, cela risque d’être de plus en plus intéressant. Oui, aussi sensationnel que cela puisse paraître, le Phoenix colombien, un joyau rare de nos jours, renaît de ses cendres.

Crédits photos : Le Parisien, Midi Libre, France 3 Centre et Le Télégramme

 

Antonin Fromentel – 17 mars

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