Envoyé spécial à Rouen, le 5 mars
Dans un Kindarena survolté, quelques-uns des meilleurs perchistes du monde se sont donnés rendez-vous à Rouen pour se disputer la dernière étape du Perche Élite Tour. Des athlètes galvanisés par le retour du public et une organisation bien huilée, tout était réuni pour vivre une très grande soirée de saut à la perche.
UNE DIXIÈME ÉDITION À SUCCÈS

Après près de deux ans de pandémie et une édition 2021 à huis-clos, les meilleurs perchistes ont retrouvé à Rouen plus de 4200 spectateurs. Libérés de leurs masques, ces derniers pouvaient laisser éclater leur sourire d’être de retour dans les tribunes. Vincent Turpin, directeur de l’épreuve reconnaît que « tous ces sourires, le bonheur des gens, que ce soit des athlètes, du public, des partenaires, ça fait vraiment plaisir et ça manquait depuis 2 ans ». Ce circuit est rapidement devenu un évènement incontournable pour bon nombre de stars internationales, à l’image de Tina Sutej, vainqueur du concours à Rouen. La Slovène est revenue sur ce qui l’a poussé à venir concourir en France. «Le public français est incroyable ! Le soutien est si grand, j’adore concourir ici ! ». Même sentiment du côté du philippin Ernest Obiena, deuxième du jour, qui décrit ce public comme étant « de la folie et de l’amour ».
TINA SUTEJ TRIOMPHE, MARGOT CHEVRIER CONFIRME

Chez les femmes, la slovène Tina Sutej a assuré le show. Elle l’emporte avec une barre à 4,80 m passée lors de son dernier essai. Cette hauteur, synonyme de nouveau record personnel pour elle et du nouveau record national de Slovénie, est une grande satisfaction. « C’est incroyable, je me sens vraiment bien ! J’ai battu le record national de Slovénie il y a deux semaines à Clermont, et aujourd’hui, je l’ai à nouveau battu, c’est juste incroyable ! ». Derrière elle, la Suissesse Angelica Moser (4,66 m) et la Cubaine Yarislay Silva (4,61 m)complètent le podium.

Du côté des Françaises, Margot Chevrier, sacrée championne de France en salle la semaine dernière à Miramas, a confirmé son statut en terminant à la 4e place du concours et meilleure Française (4,56 m). Elle est revenue avec nous sur son concours et sur son état de forme : « Je suis super fatiguée, je pense que le week-end dernier a laissé des traces, nerveusement ce n’était pas facile. Sur la dernière course à 4,61 m, j’ai réussi à me mobiliser et je pense trop tôt que j’ai passé la barre, je serre les poings et avec mon coude, je touche la barre et je la fais tomber ». Ninon Chapelle termine à la cinquième place avec une barre à 4.,6 m. La recordwoman de France (4,75 m) confirme bien qu’elle est de retour au plus haut niveau. Elina Giallurachis prend la 6e position, la Française s’étant blessée à la lèvre en retombant sur la barre, elle bat néanmoins son record personnel d’un petit centimètre avec une performance à 4,46 m. La locale de l’étape, Elise Russis, qui espérait faire un bon résultat devant sa famille et ses amis, termine à la 9e place avec une barre à 4,21 m. « Je suis très déçue de ma performance, j’aurais voulu faire mieux à domicile ».
À LA DÉCOUVERTE D’ALBANE DORDAIN

Albane Dordain, 23 ans, membre de l’Objectif Perche Atlantique Bordeaux, fait partie de cette génération d’athlètes qui pourront potentiellement participer aux Jeux Olympiques de Paris en 2024. Pour l’instant, la jeune perchiste préfère se concentrer sur le présent et sur ses performances : « J’y pense, c’est dans un coin de ma tête, mais j’y vais étape par étape puis il y a du monde devant, donc je préfère faire mon truc dans mon coin, par la suite on verra si ça marche ».
Albane est membre du Club Athlétique Balmanais (CA Balma), mais elle n’a pas d’emblée débuté avec le saut à la perche. D’abord gymnaste, elle s’est essayé à cette discipline et a tout de suite accroché. Aujourd’hui, elle s’entraîne avec Damiel Dossevi et a intégré l’association Objectif Perche Atlantique, fondée par Thierry Vigneron.
Récemment, elle a terminé troisième des championnats de France en salle, derrière Margot Chevrier et Ninon Chapelle, avec qui elle s’entend bien. «Ça se passe super bien avec les filles, on est toujours là à s’encourager dans les concours, c’est super. Quand tu vois la copine qui passe la barre, ça donne envie et tout le monde s’encourage, c’est vraiment top ! ». À Rouen, elle réalise une belle performance en franchissant une barre à 4.46 m, lui permettant d’améliorer de 13 centimètres son record personnel. « Je suis super contente, déjà à 4.36 m, j’étais super contente, alors passer 4.46 m était vraiment une surprise ! ». Mais la Française ne veut pas se contenter de ce record personnel et cherche déjà à aller plus haut, notamment les 4 m 50 rapidement.
CHRIS NILSEN VAINQUEUR D’UNE BATAILLE AU SOMMET

Après une bataille à trois avec Thiago Braz et Ernest Obiena, Chris Nilsen sera le seul à passer 6.01 m. Il s’offre donc une deuxième manche du Perche Élite Tour, après Tourcoing, et confie que la France lui réussit bien. Il va ensuite améliorer son record personnel et celui des Etats-Unis, en passant une barre à 6.05 mètres, puis s’arrête là afin garder de l’énergie pour la compétition du lendemain, à Paris. Second, Ernest Obiena est revenu sur la rivalité qui l’opposait à Chris Nilsen et Thiago Braz : « Nous avons une rivalité amicale. Nous sommes comme de bons amis, nous nous encourageons mutuellement à mieux sauter, mais nous voulons battre et sauter plus haut que les autres ».
Côté français, Valentin Lavillenie termine 5e de l’épreuve avec une barre à 5,81 m. Au micro du speaker Jean-François Raffalli, il s’est permis de démentir le fait qu’il soit le Français « au top » de la soirée. « Pour moi, il n’y a pas un Français au top, il y en a 5 ou 6. Je suis content de me battre avec tous ces petits jeunes ». Malgré cette relative homogénéité des performances françaises, Valentin Lavillenie est le seul à avoir franchi les 5,81 m, aucun représentant tricolore n’est présent sur les trois premières marches du podium. Ethan Cormont et Mathieu Collet terminent aux 6 et 7es places avec des barres à 5,71 m. Thibaut Collet, le récent champion de France en salle, est resté à 5.61m. Grande déception pour Renaud Lavillenie, seulement dixième avec une barre à 5,51 m, qui a annoncé sa fin de saison ici à Rouen, ce qui facilite la sélection pour les Mondiaux de Belgrade. L’invité surprise de cette édition était le champion du monde du décathlon, Kévin Mayer. Face aux spécialistes de la perche, le vice-champion olympique 2021 de décathlon est resté à 5,26 m.
ET ENSUITE ?

Alors que pour certains, la saison hivernale est déjà terminée, les grandes échéances se rapprochent pour d’autres. Du 18 au 20 mars se tiendront les Championnats du monde en salle d’athlétisme à Belgrade en Serbie. On y retrouvera les deux vainqueurs de cette édition : Christopher Nilsen et Tina Sutej. La Slovène affiche clairement ses ambitions : « Bien-sûr que je pense à la médaille, je pense que je dois juste sauter peut-être 5 ou 10 centimètres plus haut pour être sûre ». Pour d’autres, à l’image de Margot Chevrier, l’objectif semble être les prochains championnats d’Europe (15-21 août 2022) à Berlin : « Pour les championnats d’Europe, vu que j’ai fait les minimas ici, normalement ça devrait être bon pour cet été ». Un mois plus tard se tiendront les Championnats du monde d’athlétisme aux Etats-Unis (15-24 juillet 2022), de quoi encore vivre de très belles émotions.
Crédits photos : François Boyer