Les sports d’hiver sont à l’honneur depuis quelques semaines chez nous, et on poursuit notre suivi avec une magnifique interview de Baptiste Gros, fondeur de l’Equipe de France de Ski de Fond et habitué des sélections en Coupe du Monde ! C’est un des skieurs les plus connus que nous avons réussi à avoir pour vous, il est à découvrir ici !
Portrait : Baptiste Gros est un fondeur français né en 1990 à Annecy, il est âgé de 28 ans. Il évolue au niveau international depuis 2010 avec ses premiers championnats du Monde et une belle 4ème place en relais sprint notamment avec Alexis Jeannerod déjà interviewé chez nous par le passé !
En Coupe du Monde, Baptiste s’est toujours montré présent et c’est en 2016 qu’il comptera le plus de podiums (3 au total) dont une deuxième place en Team Sprint à Planica associé à Renaud Jay. Récemment, il a réussi à terminer 3ème du sprint à Davos devant son compatriote Lucas Chanavat, il prouve qu’il joue les premiers rôles et qu’il est un des piliers de l’Equipe de France !
Complétons cette petite présentation avec l’interview de Baptiste, il évoque son récent podium en Suisse, ses ambitions ou encore ses débuts au ski
Bonjour Baptiste, merci d’avoir accepté notre invitation
Si tu devais te décrire en 3 mots…
Baptiste : Trois mots qui me décrivent, je dirais globalement le plaisir, la simplicité et puis l’hyperactivité.
Quelle est la plus belle émotion que tu as vécu et pourquoi ? En quoi est-elle importante à tes yeux ?
Baptiste : J’en ai plusieurs, la plus belle est forcément en Coupe du Monde il y’a 2 ans et demi/3 ans à Planica, on réalise le doublé sur le team sprint skate avec 2 équipes françaises qui montent sur le podium donc quatre skieurs, j’étais avec Renaud Jay et c’était juste des émotions de fou, surtout que c’était partagé donc c’est vraiment resté dans ma mémoire comme un des meilleurs souvenirs de ma carrière.
Récemment, tu as fini sur le podium de l’épreuve de sprint de Coupe du Monde à Davos, es-tu surpris de ta prestation ? Est-ce que cela modifie tes objectifs ?
Baptiste : Quand je pars sur une course, mon objectif est la gagne sinon je ne ferai pas du haut niveau donc oui je ne vais pas tomber des nus parce que je suis sur un podium. Ça faisait un moment que je tournais autour et que je n’avais pas eu la forme comme ça, j’ai eu des évolutions dans mes entraînements et il a fallu remettre des choses en place, aujourd’hui ça paye donc non ça ne change pas mes objectifs qui de toute façon au fil des années restent toujours les mêmes. Je ne suis pas quelqu’un qui se fixe un objectif sur un championnat du monde, j’ai envie de faire des courses en faisant le maximum à 100% et en visant la gagne. L’objectif c’est surtout ça, d’être toujours dans le bon état d’esprit peu importe les courses.
La saison est entamée depuis déjà quelques étapes, quelles sont tes sensations sur les skis actuellement ? En terme d’ambitions, que vises-tu en 2019 ?
Baptiste : Dans la saison en cours, les sensations sont plutôt satisfaisantes car j’ai fait une préparation assez correcte de Mai à Décembre et je n’ai pas eu un retour facile malgré tout, j’ai eu des douleurs au dos et cela m’a limité un petit peu dans ce début de saison mais ça ne m’a pas empêché d’être performant. Pour 2019, je vise la même chose que pour 2018, c’est à dire avoir les moyens de jouer devant et puis aller vraiment à la recherche de ce que je peux faire de mieux, le but est de gagner ça c’est clair, c’est le seul moment où tu ne peux pas avoir de regret dans une course c’est quand tu l’as gagnée ! (rires)
En 2016, tu réalisais certainement la plus belle saison de ta carrière avec 4 podiums dont une victoire, penses-tu pouvoir rééditer cela un jour ? Quels souvenirs en gardes-tu ?
Baptiste : Oui je pense pouvoir rééditer une saison comme ça et même j’aimerais faire mieux, après on verra le bilan qu’on fera à la fin de saison mais je garde de ces podiums beaucoup de fierté. Ils m’ont permis de vivre de ma passion parce que le ski de fond à la base n’est pas un sport où dès que tu arrives à un niveau correct c’est gagné, c’est un sport quasiment amateur et il faut avoir un gros niveau international et des podiums pour avoir de gros sponsors. Donc le souvenir que j’en garde, c’est que ma saison m’a permis de bien vivre de ma passion et d’entamer vraiment une nouvelle phase dans ma carrière où j’ai switché du sportif amateur au sportif professionnel.
“Être toujours dans le bon état d’esprit”
Parles nous d’une semaine type d’entraînement pour toi, combien d’heures de ski as-tu en tout ? Qu’est-ce qui est le plus difficile selon toi à faire dans tes entraînements ?
Baptiste : On a deux périodes dans l’année où les entraînements sont différents, on a les 7 mois entre Mai et Décembre et les plus grosses semaines commencent à arriver vers le mois de Juillet où on compte entre 20 et 25h d’entraînement. Une semaine type, c’est chaque jour 2h30 d’aérobie le matin avec parfois du travail sur l’intensité et de la vitesse, les après-midi c’est course à pied ou musculation avec des séances d’athlétisme. Il y a beaucoup de choses qui peuvent varier en fonction des semaines, je fais pas mal de VTT aussi par exemple.
Au total cela fait 4 à 5 heures d’entraînement quotidien répété 5/6 jours et puis un petit jour de repos pour récupérer et puis je recommence la semaine suivante. Le plus compliqué, c’est que l’on a des entraînements en altitude qui sont difficiles quand on est vraiment en haute altitude (3000 m) et que l’on met de l’impact physique, ça fait un combo et cela démultiplie juste la fatigue.
A quel âge as-tu débuté le ski de fond ? Qu’est-ce qui t’a motivé à te lancer dans un projet sportif tel que le tien ?
Baptiste : Je suis monté sur mes premiers skis aux alentours de mes trois ans je pense, nous étions proches de la montagne et mes parents adoraient ça, mais j’ai réellement commencé le club à 9 ans en ski de fond. Derrière au collège, j’ai suivi une scolarité normale jusqu’au lycée où j’ai commencé les compétitions un peu plus sérieuses sans jamais avoir les coups d’éclat que j’aurais aimé, mais c’est à partir du lycée où j’ai été repéré par mon comité ce qui a fait que j’ai intégré une classe ski étude et j’ai commencé à avoir un programme vraiment adapté pour avoir des heures d’entraînements pendant la semaine. Ce dispositif m’a libéré des cours normaux car c’était un programme adapté, j’ai passé le BAC en 4 ans au lieu de trois normalement.
A partir de ce moment-là, quand je suis vraiment rentré dans ce cursus, j’ai mis déjà un pied dans le haut niveau et je sentais que j’avais les moyens de réussir là-dedans. Je pense que le plus gros des blocages était à 20 ans, quand j’étais en IUT et que j’étais au mois de Mai en cours, je pensais aux Norvégiens et aux autres qui sont sportifs professionnels. Ils sont en train de s’entraîner et moi j’ai « le cul sur une chaise » en train de bosser sur des matières qui ne m’intéressent pas forcément, donc je suis revenu chez mes parents et j’ai dit : « J’arrête les études je veux faire du ski de fond à haut niveau », et depuis j’en suis arrivé là !
Aujourd’hui, as-tu des revenus suffisants pour vivre de ton sport ? Sans les sponsors, serait-ce impossible à ton avis de faire tout cela ?
Baptiste : Aujourd’hui j’ai des revenus suffisants, je vis bien de mon sport et je ne vais pas m’en cacher. Ce qui s’est passé, c’est que vers mes 24/25 ans ce fut compliqué financièrement et on était plus dans la survie que dans la vie mais maintenant, au jour d’aujourd’hui, je dois complètement ma carrière à mes sponsors en particulier financiers. Avant on arrivait au mois de Novembre, j’allais attaquer l’hiver et je regardais mes comptes en banque en me disant : « Là j’ai un loyer à payer, je ne sais pas comment je vais faire ».
Puis les sponsors sont arrivés à ce moment-là et ça a été un gros déblocage parce que financièrement j’avais l’épée de Damoclès au-dessus de ma tête au moins pour l’hiver, et ça a commencé comme ça. Le ski de fond est ultra dépendant de l’intérêt des sponsors et aussi maintenant, j’ai la chance d’être en contrat avec l’Armée de Terre qui a un gros historique avec le ski français et qui aide au niveau financier. Ils construisent une Equipe de France militaire qui permet de professionnaliser pas mal d’athlètes, c’est une chance inouïe pour nous et ça tient à peu de choses, ça tient aux partages des valeurs et à l’historique de l’armée au sein du ski.
Quel est ton rêve le plus cher ?
Baptiste : Il y a certaines courses que je rêverai de gagner, des courses mythiques et des coupes du monde avec un public de fou mais mon plus grand rêve, ce serait de sortir un peu de la routine d’entraînements que l’on a et de partir, de pouvoir faire une vraie préparation un peu en itinérance. Ce serait rester plus longtemps à l’étranger et voir d’autres choses en ayant un apprentissage toujours sportif mais aussi au niveau des rencontres, voyager plus et construire un vrai projet de voyage comme ça pendant les sept mois de préparation et puis ensuite revenir et faire une saison pleine.
En gros, c’est être capable de s’entraîner différemment, faire pleins d’autres sports aussi car ce serait bénéfique d’après moi, et ensuite faire une grosse saison pour prouver que le ski de fond est un petit monde où on a tendance à enchaîner toujours les mêmes entraînements, cela permettrait d’ouvrir un peu l’état d’esprit global et d’avoir une plus grande notion de plaisir dans les entraînements.
Quelques mots pour tes fans et tes proches qui te soutiennent ?
Baptiste : Le premier mot qui me vient à l’esprit déjà c’est merci parce que c’est ultra appréciable d’être suivi comme ça et au final, cela donne énormément de crédibilité à ce que l’on fait. Je parle de manière générale pour tous les sportifs donc merci et puis surtout ne lâchez pas, j’espère qu’à la fin de saison y aura quelque chose de gros à fêter !
Merci Baptiste de t’être confié sincèrement à nous sur tous ces sujets, à très bientôt !
Crédits photos : Nordicmag, Julbo, Sports Orange et l’Equipe