Accueil » Portrait de Isabelle Joschke

Nous avions eu la chance de la rencontrer à la Trinité-sur-Mer en début d’année, Isabelle Joschke est une figure de la voile féminine en France et possède un destin atypique et fort. A l’occasion de sa préparation pour le SPI Ouest France, elle s’était confiée à nous sur beaucoup de sujets, découvrez là ici !

Portrait : Isabelle Joschke est une navigatrice franco-allemande née en 1977 à Munich, elle est âgée de 42 ans. A l’âge de 5 ans, elle découvre l’optimiste sur un lac en Autriche et c’est 15 années plus tard qu’elle « attrape le virus » lors d’un stage aux Glénans. Diplômée d’une Maîtrise en Lettres Classiques, elle passe 2 brevets d’éducateur sportif et de skipper et effectue ses premières courses en 2003.
On notera sa belle performance sur la Solitaire du Figaro où elle terminera 3ème bizuth en 2008 pour sa première participation, avant de revenir en 2014 et en 2015 pour finir 16 et 17ème. En 2018, elle s’élance sur la Route du Rhum en IMOCA mais doit abandonner la faute à un mât cassé, dans des conditions météorologiques dantesques. Elle a pour projet de prendre le départ du Vendée Globe 2020.

En complément de ce petit portrait, voici l’interview confidence d’Isabelle qui revient pour nous sur sa Route du Rhum, ses ambitions ou encore ses débuts dans la voile

Bonjour Isabelle, merci d’avoir accepté notre demande

Peux tu te décrire en 3 mots ?

Isabelle : Passion, persévérance et volonté.

Quelle est la plus belle émotion que tu aie vécue jusqu’ici et pourquoi ? Quel souvenir en gardes-tu ?

Isabelle : La plus belle émotion que j’ai vécue, je pense que c’était un mélange de peur et une forme de jouissance lorsque le bateau avance très vite, on se dit qu’on peut tout casser mais en même temps c’est super grisant et excitant et il y a vraiment de la joie. Je l’ai vécu plusieurs fois et c’est très très fort, je sais que ça peut basculer s’il y a une survente ou une mauvaise vague et ça peut très mal se passer. Je me sens vraiment sur le fil du rasoir car ça peut basculer d’un côté ou rester « très cool ».

Avec du recul, est-ce que tu éprouves des regrets concernant ta Route du Rhum ? (NDLR : Isabelle a dû abandonner à cause d’un problème technique)

Isabelle : Non je n’ai pas de regrets car il y a eu un enchaînement de problèmes techniques que je ne pouvais pas anticiper : le pilote automatique n’a pas fonctionné, il y a eu un tas de petits détails qui se sont accumulés les uns aux autres. L’année dernière a été une année compliquée après la perte de notre sponsor GENERALI, on a eu la chance de poursuivre notre projet avec Monin donc après ce qu’on a vécu, nous n’aurions pas pu faire mieux. Bien sûr que j’aurais voulu que mon bateau soit solide et tienne jusqu’au bout mais on a donné tout ce que l’on pouvait.

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En parlant de sponsor il y en a un nouveau sur ton bateau, dans quel but est-ce qu’il t’a rejoint et comment ce partenariat est né ?

Isabelle : La MACSF est une entreprise qui a déjà été dans le Vendée Globe il y a 4 ans et ils avaient envie d’y retourner, et il se trouve qu’à la MACSF il y a une majorité d’employés qui sont des femmes et dans la clientèle il y a une petite majorité de femmes. Avoir une égérie féminine dans la voile était quelque chose d’assez logique pour eux et je pense qu’on a pas mal de choses en commun, tout ce qui tourne autour de la préparation physique et mentale, la question de la santé, ce sont des sujets qui m’intéressent beaucoup. Il y a vraiment pas mal de parallèles à faire et on pourrait avoir pleins de choses à se dire avec les professionnels de la santé.

En début d’année, tu as annoncé ton association avec Morgan Lagravière notamment pour la Transat Jacques Vabre. Qu’est ce qui fait que vous faites une bonne paire en mer et quels objectifs avez-vous ensemble ?

Isabelle : Nous n’avons jamais navigué ensemble donc je ne peux pas dire si nous formons une bonne paire. Moi je l’ai choisi car qu’il est talentueux, il a énormément de feeling et j’ai envie qu’il me le transmette, j’adhère à sa manière de fonctionner. Bien sûr il faut de la rigueur et du travail mais il y a aussi quelque chose de l’ordre du feeling et lui il a vraiment ça dans la peau. J’ai beaucoup à gagner car Morgan connaît les foils en ayant fait un demi tour du monde avec, donc il a une grosse experience à m’apporter sur ce que mon bateau va devenir très prochainement.
Il a une grosse envie de naviguer, il aime ce bateau et l’a déjà eu entre ses mains lors d’une transat. Il se réjouit de retourner sur le pont avec moi, et le grand objectif sera de terminer la Transat Jacques Vabre, il y a un peu la course aux milles qui fait que pour participer au Vendée Globe il faut terminer les courses. On verra ce qu’on peut faire, je pense qu’on peut avoir un objectif assez ambitieux comme le top 5 par exemple.

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« On a donné tout ce que l’on pouvait »

Il y a un projet qui se monte avec MACSF pour le Vendée Globe, où est ce que ça en est ?

Isabelle : C’est sûr maintenant c’est notre projet, c’est pour cela que nous sommes ensemble. Cette année n’est qu’une préparation pour le Vendée Globe, c’est pour cela qu’il faut absolument finir cette transat car c’est une course de préparation et de qualification pour le Vendée Globe 2020, toute mon équipe est tournée vers cet objectif.

Le monde de la voile est assez masculinisé, comment a-t-on a pu en arriver là et comment peut-on y remédier ?

Isabelle : La plupart des sociétés dans le monde sont patriarcales là où les hommes vont travailler et ils ont une sorte de pouvoir sur les femmes. Le fait qu’il n’y ai pas beaucoup de femmes dans la course au large est le reflet de cette société, car c’est beaucoup plus facile pour un homme d’avoir une carrière engageante que pour une femme, donc il n’y a rien de surprenant vu la situation actuelle. Pour y remédier, il faut que tout bouge dans notre société et qu’on éduque les enfants à plus d’ouverture notamment en déconstruisant les clichés. Il faut donner aux filles des rêves et qu’elles puissent rêver de faire des métiers incroyables ou des activités réservées aux garçons, ce sont des valeurs à leur inculquer. Il y a un gros travail à faire un peu partout, même si ça évolue déjà mais ça prend du temps et il ne faut rien lâcher. Il y a un message que je veux transmettre aux femmes c’est oser, oser réaliser ses rêves car c’est possible.

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A quel âge et comment as-tu débuté la voile et qu’est ce qui t’impressionne toujours depuis petite dans ce que tu fais ?

Isabelle : J’ai découvert la voile quand j’étais enfant, je rêvais de naviguer et c’était sur un lac en Autriche où je rêvais de faire de l’optimiste, du dériveur, de partir à l’aventure toute seule sur mon petit bateau. A l’âge de 5 ans je fais de l’optimiste sur ce lac, mais je n’ai pas eu beaucoup d’occasions et j’aurais aimé en faire plus, c’est donc ce rêve frustré qui m’a poussé à faire ce métier. J’ai toujours l’impression de réaliser mes rêves d’enfants aujourd’hui, et ce qui m’impressionne toujours c’est ce que j’arrive à faire avec mon bateau, je m’impressionne souvent quand j’enchaîne les manœuvres et je me dis c’est quand même super fort.
Des fois je m’impressionne mais ça n’a pas toujours été le cas car maintenant on navigue avec des vrais bêtes de course qui sont extrêmement développées, très rapides et très puissantes, alors que lorsque j’ai commencé il n’y avait pas ça. Je naviguais plus dans la sérénité et dans la joie, donc ce qui m’impressionne c’est la vitesse et les sensations fortes et de voir que j’arrive à me dépasser. Je n’aurais jamais pensé à ça avant, mais il y a des rêves auxquels je n’ai pas eu le temps de penser mais que je réalise déjà.

Malgré tout, as-tu toujours un rêve ?

Isabelle : Gagner des grandes courses c’est vrai que ça peut être un de mes rêves que je n’ai pas vraiment réalisé. Mon rêve c’est de revivre des moments d’émotions intenses. J’ai déjà vécu des moments très forts sur des courses mais mon rêve c’est de vivre toute une course comme cela.

As-tu un petit mot pour tes supporters et tes proches ?

Isabelle : Osez faire des trucs hors du commun, ne vous limitez pas aux conseils que l’on va vous donner de ne pas vous laisser ralentir par la peur. Il faut les dépasser et c’est ça que j’ai envie de transmettre.

Encore merci à Isabelle pour cette rencontre à la Trinité sur Mer, à très bientôt !

Crédits photos : Emmanuelle Delteil et Thierry Martinez

Pavel Clauzard/Matthias Larmet – 13 Juin

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