Accueil » Portrait de Sidney Gavignet

Notre tournée des navigateurs de la Route du Rhum se poursuit, avec aujourd’hui un skipper atypique qui effectuait sa dernière course en Novembre dernier, il s’agit de Sidney Gavignet. Il s’est confié à nous après son aventure, découvrez tout cela ici !

Portrait : Sidney Gavignet est un navigateur français né en 1968 à Saint-Martin-d’Hères, il est âgé de 50 ans. A 18 ans, il a intégré le sport-études de Marseille et s’en sont suivies de nombreuses aventures telles que la Volvo Ocean Race ou encore le Tour de France à la Voile qu’il remporte en 1996.
Sidney a participé à sa 3ème Route du Rhum cette année et la remporte dans la catégorie Rhum Mono, cette performance vient clore 25 ans de navigation par delà les mers, lui qui a parcouru le monde à voile à 4 reprises et qui détient deux records. Il a donné un sens à sa vie à travers ses aventures et il largue définitivement les amarres l’esprit tranquille.

En complément de ce petit portrait, Sidney a répondu à nos questions et a notamment évoqué le choix de sa catégorie ou encore les conditions de course

Bonjour Sidney, merci d’avoir accepté notre requête

Pourquoi avoir choisi cette catégorie qu’est le Rhum Mono ?

Sidney : Parce que je ne pouvais ni choisir les Ultimes, ni les Imoca pour cause de budget. Il se trouve que ce bateau appartient à un ami qui se nomme Yann Bucaille, qui a crée « Café Joyeux ». On a convenu d’un accord début Juin pour un départ le 4 Novembre dernier, c’était un délai très court mais faisable. Globalement, j’ai réussi ce que je voulais faire, le sportif n’était pas primordial et le contexte s’y prêtait parfaitement.

Pourquoi le sponsor « Café Joyeux » ?

Sidney : Je ne l’ai pas choisi et d’ailleurs ce mot ne me convient pas car c’est vraiment une aventure collective, on s’est rejoint et on a accompli ça ensemble. Je n’étais pas payé, c’était vraiment un geste collectif, Café Joyeux est un concept de coffee shops où les équipiers Joyeux sont autistes, trisomiques ou ont des handicaps cognitifs. Le but est que les sociétés non-handicap et handicapés se rencontrent et créent des emplois pour ces gens, c’est magnifique, j’ai vécu de belles choses en les côtoyant sur la Route du Rhum. C’est impressionnant ce qu’on reçoit de la part des équipiers joyeux !

2 (Joyeux)

Est-ce que cela peut être une source de motivation pendant la course pour toi ?

Sidney : Complètement, je réfléchis beaucoup au sens de ce que je fais et là, le sens était incontestable. Une aventure collective pour le bien commun est plus importante que le résultat numérique, le fait que je sois premier est la cerise sur le gâteau mais ce qui était important, c’est la cause et si je n’étais pas arrivé au bout, ça aurait été décevant.

Tu as vécu de nombreuses aventures notamment la Route du Rhum 2014 mais aussi en 2010 où tu as abandonné, peux-tu nous dire ce que tu as ressenti à ce moment-là ?

Sidney : Quand on a entre vingt et trente ans de carrière, on vit plein de choses superbes et on obtient de très bons résultats, au large on voit du pays, puis on a notre lot de mésaventures, c’est la vie ! Je pense que les miennes sont très importantes, ce sont elles qui posent les vraies questions comme : qu’est-ce qu’on fait là ? Qu’est ce que l’on veut faire sur Terre ? Notre place ? Parmi ces coups durs il y a eu les abandons, j’ai aussi perdu un équipier il y a trois ans et la perte d’un équipier, ça remue.
Sur le même bateau, j’ai chaviré vers St Malo et avec le recul je peux dire que j’ai failli y rester, ce sont ces gros coups durs qui font que je me pose les bonnes questions, j’agis pour me prendre en main et je ne laisse pas la vie me mener mais je mène ma vie. Je reviens en contact avec moi-même et c’est d’ailleurs pour ça qu’aujourd’hui j’arrête, je suis très heureux d’attaquer une vie qui est bien plus belle à partir de maintenant.

3 (Martin Keruzoré)

“Je réfléchis beaucoup au sens de ce que je fais”

Les conditions météorologiques ont été compliqués, as-tu élaboré une tactique particulière avant cette course ?

Sidney : Non (rires), dans ces cas là il faut faire le dos rond, mais j’ai eu les bons réflexes, j’étais calme dans l’instant présent. Mes gros progrès dans ma carrière sont de s’être détaché petit à petit du résultat, je ne pense pas que l’erreur est propre à la voile, il y a le sport en général et même dans la vie. C’est très important car l’erreur fait partie du chemin, je dirai même qu’elle est nécessaire pour la performance car sans ça, on ne peut pas performer à haut niveau. Si on est trop focalisé sur le résultat, chaque fois que l’on commet une faute on se dit : « Mince, je ne suis pas en train de réussir mon objectif », alors qu’en réalité ça ne sert à rien de se dire ça, il faut gérer l’erreur et l’instant présent.

Être seul quelques jours, est-ce difficile à force ? Qu’as-tu fait à bord de ton Rhum Mono ?

Sidney : J’aime tout, le solitaire et l’équipage, je n’avais aucune introspection et je pilotais sur le fil du rasoir. J’étais sur un vrai bateau avec une quille qui va lentment par rapport à un multi coque par exemple donc j’ai pris mon temps, de penser et même de lire. Après ce n’était pas un Vendée Globe car c’était 16 jours, mais ça reste ma plus longue course en solitaire.

4 (Joyeux)

As-tu une petite anecdote à nous confier ?

Sidney : Lors d’une tempête au 3ème ou 4ème jour, j’étais trempé, et je ne m’étais pas changé depuis le début, mes affaires ne séchaient pas et il faisait froid. Et là le pilote a lâché, le bateau a fait un empannage sauvage et il s’est couché sur l’eau avec la quille qui a basculé du mauvais côté, le mât était quasiment à l’horizontale et j’ai failli sortir en pleine nuit dans le noir complet et en plein hiver, seulement vêtu d’un slip et d’un tee-shirt. Puis j’ai eu une seconde de réflexion et finalement, j’ai pris le temps de m’habiller, la situation était stable et quand on est couché sur l’eau ce n’est pas grave. Une fois préparé, je suis monté et j’ai remis les choses en ordre, la décision que j’ai prise était la bonne.

Un grand merci Sidney pour ton témoignage très enrichissant, bon courage dans ta nouvelle vie !

Crédits photos : Café Joyeux et Martin Keruzoré

 

Valentin Lefèvre – 26 Décembre

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