Il s’agit du continent le plus sous-représenté dans le sport automobile. L’Afrique et ses sportifs restent en retrait des disciplines de monoplaces depuis un long moment, pointant du doigt certaines inégalités de parcours et faisant resurgir des revendications. Cap vers une nouvelle aire pour le sport automobile africain ? Que faut-il mettre en place pour voir le continent briller par le moteur ? Décryptage et réponse.
L’Afrique et la Formule 1

Très peu de pilotes africains ont été en Formule 1. Seulement une petite vingtaine de sportifs, depuis les débuts de la Formule 1 en 1950, ont eu l’occasion de monter dans une monoplace. Pour un continent qui compte 54 pays, seuls deux d’entre eux ont été représentés en Formule 1. L’Afrique du Sud, en premier lieu, est seule au monde. Avec 17 pilotes, le pays a été le porte-étendard de l’Afrique en F1. Puis vient la Rhodésie (aujourd’hui Zimbabwe) avec trois pilotes entrés dans la catégorie reine du sport automobile de vitesse.
Avec l’Afrique du Sud et la Rhodésie, c’est bien le sud du continent qui a pu s’offrir un pilote en Formule 1. Seulement, il s’agissait souvent d’un passage dans la discipline, sans avoir réellement de baquet certain et durable. Parfois même, les pilotes étaient appelés en remplacement lorsque l’écurie venait de perdre son pilote n°1, blessé ou parfois tragiquement décédé, ou alors pour remplacer à court terme des pilotes en perte de résultats.
Cependant, un pilote africain a marqué l’histoire du sport : Jody Scheckter. Né à East London, il a porté le continent sur le toit du monde. Avec un total de 112 courses de 1972 à 1980, pour 3 pôles positions, 33 podiums et 10 victoires, il s’est octroyé le graal en 1979 avec l’unique titre mondial de sa carrière. Mais être en Formule 1 n’est pas seulement synonyme de pilote. Dans ce sport, les écuries et manufacturiers sont aussi les porte-étendards de leurs pays. C’est encore l’Afrique du Sud qui a eu l’occasion de s’illustrer. En effet, son écurie LDS a été créée dans les années 1950 par Louis Douglas Serrurier. Cinq grands prix à son actif, tous se déroulant en Afrique du Sud en 1962, 1963, 1965, 1967 puis 1968, offrant ainsi une monoplace bleue aux pilotes locaux : sud-africains ou rhodésiens. Ce fût la seule aventure africaine en tant que manufacturier en F1.
Seulement, une autre histoire est restée dans les mémoires : celle du circuit de Kyalami. Près de la capitale sud-africaine Johannesburg, cet enchaînement de 16 virages a connu ses belles heures de 1967 à 1985 puis en 1992 et 1993. Construit en 1962, il était l’un des bitumes les plus rapides du calendrier jusqu’en 1986 et les sanctions internationales prises contre lui, alors que l’apartheid frappait le pays, le retirant ainsi du calendrier. Pour 1992 et 1993, le tracé est revu, mais plus lent. De grands noms de la F1 ont ainsi pu goûter au champagne sur le circuit de Kyalami, mais aussi les « frenchies » Arnoux et Prost, ainsi que son pilote national Schekter. Le Maroc aussi, a accueilli un GP en 1958. Au circuit urbain Ain-Diab de Casablanca, c’est Stirling Moss qui s’était imposé à l’époque.
De nombreuses revendications

Face au nombre restreint de pilotes africains ayant eu leur chance en Formule 1, quasi inexistant ces dernières années, de nombreuses revendications ont émergé et ont été accentuées sous l’ère Hamilton. Il a fait remarquer, le début de saison dernier, le manque de diversité en Formule 1 qui relève, pour le septuple champion du monde, de « problèmes internes à la discipline. » Celui qui pourrait bien dépasser le nombre de titres mondiaux de Schumacher cette année s’est constitué en porte-voix de revendications déjà existantes, avec la volonté profonde d’utiliser sa notoriété pour faire bouger les choses.
Ainsi, au retour à la compétition ayant lieu après l’assassinat funeste de George Floyd, Lewis Hamilton avait pesté contre le manque de diversité dans le sport, mais aussi contre le manque d’actions pour y remédier. « Personne ne bouge le petit doigt dans mon industrie qui est bien sûr un sport dominé par les blancs. J’y suis l’une des seules personnes de couleur, je reste encore seul. » Si le pilote Mercedes se permet de pester, c’est bien parce qu’il sait de quoi il parle. Petit déjà, il était le seul enfant de couleur au karting et devait se confronter au regard des autres sur les pistes, mais aussi à l’école.
Autre revendication : le retour d’un grand prix sur le continent africain. Si la majorité des week-ends de course se déroulent en Europe, chaque continent a sa part du gâteau… Sauf l’Afrique. En Asie, en Amérique du Nord et Sud, au Moyen-Orient et en Océanie, tous les ans le rendez-vous est pris, mais l’Afrique manque une nouvelle fois à l’appel. Cependant, depuis plus d’un an, les souhaits de revoir le continent accueillir une course se renforcent. Hamilton, au front, est accompagné et soutenu par l’institution Formule 1, mais aussi Liberty Media, ce qui fait pencher la balance. Dans une époque où la tendance est donnée au Moyen-Orient, un week-end de course africain serait à l’étude. Le South African GP, entreprise qui s’affaire à un retour au calendrier de Kyalami, est dirigée par un certain Jody Scheckter. L’année dernière, au mois de mars, qui a vu toute compétition sportive stoppée pour cause de pandémie, un regroupement de fans, appelé Fan Festival, devait se tenir en Afrique du Sud, révélant ainsi un petit pas vers une mise en avant du continent.
Quelles solutions pour voir l’Afrique sur le devant de la scène automobile ?

Si l’on s’affaire dans les administrations pour le retour d’un grand prix en Afrique, la cause se gagne aussi sur le terrain. Les pilotes sont donc des acteurs fondamentaux du changement. À défaut de ne pas avoir de pilote en F1, l’Afrique doit faire émerger une jeunesse dorée pour représenter le continent au mieux. Seulement, les choses ne sont pas si simples. Qui dit jeunesse dit formules de promotion, et qui dit formules de promotion dit Europe. Si un pilote est amené à exceller au karting, il doit se diriger vers l’Europe pour courir dans les différents championnats de monoplaces. Mais à quel prix ? Sur le plan économique, des ressources astronomiques s’imposent pour se donner la chance d’avoir un volant européen. En plus des coûts, les sacrifices sont énormes : partir loin de chez soi, quitter le cocon familial et s’installer dans un pays inconnu dans une compétition difficile peut en décourager plus d’un.
Toutefois, n’est-il pas plus raisonnable d’essayer de développer son propre système de formule de promotion à l’instar de l’Amérique du Nord ou encore de l’Asie ? De nos jours, les systèmes de fédération automobile et de programmes pour les jeunes pilotes ne sont pas développés en Afrique, causant ainsi une difficulté pour ses pilotes à arriver au haut niveau. Ces systèmes-là sont primordiaux : conseils de conduite, prise de contact avec le milieu, pour certains d’entre eux un aménagement de l’emploi du temps entre l’école et la compétition, mais aussi une cruciale aide économique. Il suffirait d’un seul pilote au haut niveau pour susciter des vocations. Demandez aux pilotes de Formule 1 : combien d’entre eux ont été inspirés par un pilote de même nationalité ou région du monde ? La réponse ne pourrait assurément pas être comptée sur une main. Un seul pilote africain au haut niveau suffirait donc à lancer la machine.
Dans les nombreux combats qui animent le sport de vitesse de nos jours, l’Afrique semble prendre de plus en plus d’importance. Aujourd’hui dans les administrations, demain sur un circuit africain et plus tard avec un pilote de continent au volant d’une monoplace ? Il s’agit aujourd’hui de l’ordre logique des choses. Patience, le futur nous le dira.
Crédits photos : Race Fans, Ultimate Carpage, Agenda Automobile et Snap Lap
C’est mon rêve actuel même si ça paraît impossible pour un Africain tant les coûts sont élevés et les opportunités quasi inexistantes. Mais je garde la fois.