Ils ont été rares, les podiums de cette année 2020, et plus largement ceux des dernières saisons, où Mercedes n’a pas été présent sur le podium. Dimanche dernier, sur le circuit de Sakhir, le mexicain Sergio Perez a pleinement profité des erreurs de l’écurie de Toto Wolff, pourtant portée de l’avant par Russell, pour s’imposer. Première victoire du pilote Racing Point, mais aussi premier podium d’Esteban Ocon. Avant de dire tristement « à l’année prochaine » à la Formule 1 qui évolue du côté d’Abu Dhabi ce week-end, retour sur le grand prix du Sakhir pour avoir tous les éléments à sa portée.
Le film de la course

Qui aurait pu imaginer dès le début du week-end, ou ne serait-ce du grand prix en voyant Verstappen abandonner, qu’aucune des deux Mercedes ne monterait sur le podium ? Dès les premiers essais libres du vendredi, George Russell, en provenance chez Williams pour remplacer Hamilton touché par la Covid, fait acte de présence en inscrivant successivement les meilleurs temps. En qualifications, c’est Valtteri Bottas qui prend la pôle position, suivi de 0,026 secondes par Russell. Verstappen, Perez, Leclerc et Kvyat suivent, tandis que Ricciardo, Sainz, Gasly et Stroll ferment la marche du top 10.
Lorsque les feux s’éteignent, Russell prend un bien meilleur départ sur Bottas et vire en tête après le premier virage. Au même moment, Perez, Verstappen et Leclerc s’accrochent, ces deux derniers étant dans l’obligation d’abandonner. Le mexicain et futur vainqueur de la course, lui, rentre aux stands dès la fin du premier tour et repart dernier. La suite est aisément devinable. Avec son don pour la parfaite maîtrise des pneumatiques, il a su aller loin dans ses relais et ne perdre que très peu de temps, mais aussi saisir les chances aussi bien de dépassements que celles que lui offraient les faits de course, à l’image de Mercedes. Au restart, Russell conserve sa position alors que Bottas, second, est doublé par Sainz. Le pilote McLaren aurait bien pu s’envoler s’il n’avait pas raté sa relance et manqué son virage, laissant ainsi à Bottas la seconde place. Alors que tout le monde se bat et se dépasse en milieu de peloton, Ocon efface Stroll d’un magnifique dépassement, crucial quant à sa position finale, Latifi est contraint d’abandonner… La Safety Car virtuelle est déployée avant que quelques tours plus tard, la vraie soit déployée, la faute à Jack Aitken dont l’aileron avant a tapé le rail de sécurité.
Beaucoup de pilotes passent aux stands et en l’espace de 30 secondes, Mercedes commet deux erreurs cruciales. La première est de mettre des pneus mixtes à Russell, 2 des 4 pneus installés étant ceux de Bottas. Fait illégal, Russell est obligé de rentrer de nouveau au paddock dans le tour suivant. La deuxième, toute aussi grossière, est d’avoir ordonné un double arrêt mal calculé. Valtteri Bottas doit attendre quelques secondes avant que son jeune coéquipier ne reparte. Le fiasco continue, l’arrêt aux stands du pilote dure plus de 30 secondes. L’avant gauche ne veut pas s’enlever, le pistolet semble avoir un problème et les freins fument comme une cheminée. Les critiques ont été nombreuses et de fins analystes se sont même demandé, avec un trait ironique : qui du pit stop ou de la course de Verstappen et Leclerc ont été les plus longs ?
Russell ne se laisse pas abattre par la situation et remonte le peloton avec une extraordinaire présence. À l’image du week-end des pilotes Mercedes, Russell engloutit Bottas d’un magnifique dépassement dans le second secteur étroit que compte le circuit : le britannique gère, le finlandais coule. George aurait sûrement connu son premier podium en F1 et pourquoi pas sa première victoire sans cette fameuse mésaventure avec son team et sans sa crevaison lente à quelques tours de roues de la fin du GP. Un débris de carbone de l’aileron avant d’Aitken l’oblige à passer de nouveau aux stands, terrible désillusion.
Les tops et flops

Bien entendu, les tops du week-end bahreïni débutent avec Sergio Perez. D’une main de maître, il remporte son premier grand prix. Tout y était : gestion des pneus, occasions saisies, panache, attitude, absolument tout. Évidemment, son résultat va poser une fois de plus, sur la table des transferts, le dossier concernant son avenir, lui qui est sans baquet pour 2021 et dont le nom est fréquemment cité avec Albon et Hulkenberg du côté de Red Bull. Au-delà du mexicain, c’est tout Racing Point qui a réussi son week-end en élaborant une stratégie fiable, qui a porté ses fruits au vu des deux pilotes aux combinaisons roses présents sur le podium.
Esteban, enfin Esteban ! Toi qui disais avoir le poids du podium et qui a vu ton coéquipier monter dessus au fil de la saison, a enfin goûté au champagne. Ce fût également un très bon GP de la part du français qui franchit la ligne d’arrivée avec une solide seconde place. Qui dit désillusion ne dit pas mauvaise performance. George Russell, un prénom qui était dans toutes les bouches à la fin de la semaine et à raison. Un week-end maîtrisé voire dominé, des dépassements de qualité et des remontées malgré les dures épreuves : Russell a montré le vrai pilote qu’il était jusqu’à, selon certains, mettre en danger le baquet de Bottas.
C’est dans les flops que se trouve ce dernier. Lui qui a été débordé de toutes parts et sans réel rythme de course en ce dimanche soir, partage la tête de cette triste affiche avec son écurie. Mercedes a manqué à ses responsabilités ce week-end. Elle seule est responsable du non-podium de Russell. Enfin, Charles Leclerc, pilote Ferrari, a été l’auteur d’un week-end en demi-teinte. Après d’excellentes qualifications, il partait 4e sur la grille mais ne verra pas la ligne d’arrivée. Décrié par Vettel au dernier grand prix pour ne pas laisser assez d’espace dans les virages, le monégasque a voulu faire preuve d’héroïsme, comme au GP de Styrie en début de saison, et même résultat : il fait abandonner sa monoplace et celle d’un adversaire, en l’occurrence Max Verstappen.
Une dernière danse à Abu Dhabi

La nuit émiratie, ciel de F1 et de souvenirs. « Du bist weltmeister, Yeeeeees ! World Champion ! Brilliant ! » Autant de radios pour le premier titre mondial de Vettel et pour celui de Rosberg que de célébrations fêtées à la fin du GP. Long de 5,554 kilomètres, le Yas Marina Circuit a accueilli ses premiers 55 tours en 2009. Cette année encore, la fin de saison, cette fois-ci avec un champion du monde déjà connu, sera la dernière étape du calendrier de Formule 1.
Des adieux pour beaucoup, certains d’entre eux resteront dans le paddock mais sous de nouvelles couleurs, d’autres quitteront la Formule 1. De ce fait, il s’agira de la dernière danse de Sainz avec McLaren, de Ricciardo avec Renault, de Vettel avec Ferrari, de Perez avec Racing Point et de Magnussen avec Haas. Le danois, lui, connaîtra sa dernière course en F1. Seulement, l’avenir n’est pas décidé pour tous : Albon va-t-il connaître son dernier grand prix avec Red Bull ? S’agira-t-il de la dernière course en formule 1 de Perez ? Tant de questions encore en suspens alors que de nombreuses pensées vont à Romain Grosjean, qui s’est pourtant battu pour tenter de remonter dans la monoplace, mais qui a finalement suivi les conseils de ses proches et ses médecins qui jugent « irresponsable » son come-back en F1. Ce dernier pourrait lui coûter son poignet gauche s’il reprenait le volant de sitôt.
Quoi qu’il en soit, il faut profiter de ces derniers moments, de ces derniers bruits de moteur, de ces derniers visages et derniers cris de David Croft pendant les dépassements, car le clap de fin de 2020 va être prononcé à l’issue du GP. Mais comme on dit si souvent, ce n’est qu’un au-revoir.
Crédits photos : NBC Sports, Auto Hebdo, Défi Moteurs et Musco