Accueil » Rafael Nadal sur son 21 ou l’inépuisable débat du GOAT

Melbourne, dimanche 30 janvier 2022. Après 5 h 24 d’un combat indescriptible le poussant dans ses moindres retranchements, le fringuant trentenaire peut laisser s’esquisser un large sourire. Une émotion faciale qui en dit long sur son visage, car le temps de quelques minutes, l’homme laisse place au petit garçon qui vient de décrocher les étoiles une énième fois. Il aura fallu 13 ans pour que Rafael Nadal soulève de nouveau l’Open D’Australie, un exploit colossal qui en dit long sur la résilience du majorquin. Cinq mois plus tôt, le duo Fedal riait de ses conditions qui les voyaient tous deux déambuler en béquilles. Au plus haut-niveau, les chiffres dictent le jeu et sont pour beaucoup l’argument ultime pour déterminer qui est le plus grand de tous les temps. GOAT, le terme le plus utilisé ces dernières années dans tous les sports mondiaux pour réussir à mettre des mots sur les prouesses les plus inimaginables des athlètes les plus performants. Quelle est l’origine de ce terme ? Quels sont les facteurs sur lesquels il repose ? Y a-t-il un réel avis objectif en usant de ce dernier ? Une enquête est nécessaire pour comprendre les raisons de l’existence de l’inépuisable débat du GOAT.

À L’ORIGINE

G.O.A.T est l’acronyme de la citation anglaise « Greatest Of All Time », qui signifie mot pour mot le meilleur de tous les temps. Concernant son origine, les experts ne sont pas unanimes sur le sujet. Certains viendraient à penser que la première fois que ce terme est apparu, ce serait dans le domaine de la boxe. En 1992, l’épouse de Mohamed Ali, Lonnie, crée une société pour regrouper la propriété littéraire et artistique du boxeur. Elle lui attribue le nom GOAT. Par la suite, le boxeur aura pour surnom THE GOAT pour rendre compte de sa carrière hors norme. Un second écho vient à penser qu’il s’agirait de l’appellation d’Earl Manigault, célèbre joueur de street ball dans les années 1950.
Le principal intéressé explique son surnom par la mauvaise prononciation de son nom de famille par l’un de ses professeurs, « Manigoat ». Le terme GOAT sera par la suite utilisé pour l’ériger et adouber sa carrière exceptionnelle. Plus tard, cette expression a été mise en évidence sur internet et notamment les réseaux sociaux, pour constamment mettre en avant et prouver grâce à ce sigle qu’un sportif est « le meilleur » dans son domaine. Le choix des quatre majuscules pour l’écrire n’est pas anodin, le mot doit prendre de l’espace et être imposant, afin de réellement comprendre toute la grandeur et l’aura de celui sur qui il est apposé.

DES CRITÈRES CONCRÈTEMENT OBJECTIFS ?

Grâce à ce 21ᵉ sacre, l’histoire continue de s’écrire dans l’imposant grimoire du tennis. Les fans aiment comparer et placer des arguments pour défendre leur position. Dans un sport comme le tennis où le vainqueur est considéré comme le meilleur joueur à l’instant du match, la comparaison est perpétuelle. Elle s’avère présente sur le tournoi en lui-même, sur la saison, sur l’année : aucune donnée ne peut y échapper. Les critères reposant sur le GOAT sont-ils pour autant pertinents et indémontables ? Généralement, les éléments sur lesquels reposent le terme sont les victoires dans les tournois les plus prestigieux (grands chelems, master 1000, ATP Finals), le nombre de semaines consécutives passées à la première place mondiale ou encore le joueur qui a le plus battu ses rivaux. Cette liste est non exhaustive et témoigne d’une variété innombrable de possibilités. Déterminer le meilleur joueur de tous les temps, c’est aussi et surtout établir des liens et des relations entre des époques qui ne semblent pas forcément comparables. Le Big 3 anime et déchaine les passions, car sur une même période, les trois mastodontes du tennis mondial gravitent en orbite en détruisant les records de leurs prédécesseurs les uns après les autres.
Cependant, si on analyse les exploits des joueurs d’antan, on se rend compte que certaines prouesses vont être difficilement atteignables. L’exemple de Rod Laver, qui a réalisé deux Grands Chelems calendaires en 1962 et 1969, est un objectif qu’a tutoyé du doigt le serbe Novak Djokovic en 2021. Pour autant, il semble peu probable que l’on puisse établir des causalités fondées. Le tennis est par définition le sport d’adaptation. L’évolution de celui-ci n’est plus à démontrer, entre autres les surfaces de jeux sont radicalement différentes. Si l’on se pose une simple question hypothétique, Novak Djokovic aurait-il pu gagner plus de deux Wimbledon avec la façon dont il prépare ses coups ? Les matériaux composant les raquettes se révèlent également différents pour permettre une performance plus accrue, et enfin, les physiques et les morphologies ne sont plus les mêmes. Le joueur type d’il y a 30 ans est aux antipodes du joueur type actuel. Oser des comparaisons entre les époques, c’est jouer avec des environnements et des contextes qui ne peuvent en aucun cas se superposer. Ce genre de débat qui peut dénigrer certains athlètes aux profits d’autres pour en placer un tout en haut de l’échelle, peut rendre compte d’une injustice nocive pour le sport en lui-même.

GOAT VS GOOT

Poser des mots sur les joueurs les plus extraordinaires n’est pas une abomination. Le sport est un domaine avec lequel on veut rêver et s’émerveiller devant des exploits qui paraissent inatteignables. Le terme connu de tous désormais pourrait être repensé. En se focalisant sur les époques et en évitant les comparaisons entre elles, en raison des environnements bien trop opposés. Le GOAT peut laisser place au GOOT (Greatest Of Our Time), traduit littéralement par le meilleur de notre temps. Il est évident que Rafael Nadal vient de frapper un grand coup, mais cette question aura sans doute plus d’éléments de réponse à la fin des carrières de chacun. Ce débat inépuisable et passionnant ne doit en aucun cas faire apparaître un voile sur la beauté du terrain et du jeu. Malgré l’ensemble des acteurs qui ont contribué à atteindre des objectifs toujours plus haut, le tennis en lui-même va et doit rester plus fort que n’importe quel joueur.

Crédits photos : Tennis Majors, Rafa Nadal Tennis Academy, Eurosport et BBC

Florian Ignace – 27 avril

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