Si l’actualité du grand prix d’Italie à Monza a été prise d’assaut par la course folle et la victoire de Gasly, un évènement d’une toute autre nature a été mis de côté. Il s’agissait du retrait de la famille Williams. Dorénavant, elle ne sera plus aux directives de son écurie qui garde néanmoins son prestigieux nom. Hommage et retour sur une histoire de famille qui perdure depuis les années 1970.
Dans la famille Williams, je voudrais le père

Né le 6 avril 1942 à Jarrow en Angleterre, Frank Williams est un féru de sport automobile. Un féru, oui, mais un féru qui veut en vivre. Dès l’âge de 19 ans, Frank débute en compétition… Pas du côté où l’on a l’habitude de le voir. C’est en effet en tant que pilote que le jeune Williams va se forger une première expérience du monde automobile avant de fonder sa société en 1966. Frank Williams Racing Cars Ltd fournira des pièces Brabham en Formule 3 puis en Formule 2 avant de se lancer dans la catégorie reine trois ans plus tard. Les débuts sont difficiles mais Frank persévère. Après différentes associations qui ne fonctionnent pas, Williams Engineering est fondé avec l’aide de l’ingénieur Patrick Head et devient constructeur en 1978.
La suite ? C’est l’Histoire. Après des débuts houleux, la consécration vient en 1980 avec le premier des neufs titres mondiaux. 1981, 1986, 1987, 1992, 1993, 1994, 1996 et 1997 verront également Williams être sacré. Côté pilote, le palmarès n’est pas à négliger. Sept titres et des grands noms de la Formule 1 comme Rosberg, père et fils, Laffite, Mansell, Piquet, Prost, Senna, qui y perdra sa vie, Hill, Villeneuve ou encore Bottas. Depuis 2000, la magie n’opère plus et Williams a des difficultés à retrouver sa grandeur. En 2012, Frank se retire du conseil d’administration et laisse la place à sa fille, Claire. Il avait déjà ému le monde de la Formule 1 en 1986 après son accident de voiture au retour du circuit du Castellet. Touché aux vertèbres, Frank devient tétraplégique et doit passer le restant de sa vie dans un fauteuil roulant. La même année, il est anobli par la reine Elisabeth II.
Mais qu’en est-il de sa personnalité, du personnage en lui-même ? Williams est réputé pour être aimable, discret, courtois mais aussi dur avec ses pilotes. Particulièrement depuis son malheureux accident, il donne l’image de quelqu’un de froid, qui laisse transparaître très peu d’émotions comme il est visible sur la vidéo onboard de son « hot lap by Pirelli » avec Lewis Hamilton. Deux tours de piste de Silverstone à fond les ballons, où le patron de l’écurie apprécie et vit tout de l’intérieur, sans laisser paraître ni joie, ni peur, ni adrénaline. Les débâcles et les tensions ont été vives avec les pilotes dont plusieurs ont quitté l’écurie. Attaché d’abord au succès de ses monoplaces puis aux succès de ses pilotes, Frank n’a que très rarement montré une grande reconnaissance envers ses sportifs. Quoi qu’il en soit, Williams est et restera l’un des grands hommes de la Formule 1… Pour toujours.
Claire Williams comme nouveau boss

Née le 21 juillet 1976, Claire Williams est la fille de Frank et de Lady Virginia. Après un diplôme de sciences politiques obtenu en 1999 à l’Université de Newcastle, elle est chargée de presse pour le circuit Silverstone. En 2002, elle rejoint l’écurie familiale en tant que chargée de communication puis du marketing en 2010. En mars 2012, lorsque son père démissionne du conseil d’administration, elle prend sa place et devient directrice générale de l’écurie tout en conservant ses fonctions commerciales. Critiquée pour sa direction et le manque de résultats de son équipe, il faut dire qu’elle n’a pas hérité d’une écurie au meilleur de sa forme. La même année que le départ de son père, Williams est huitième au classement général et perdra une place la saison suivante. Le peu de moyens économiques commence à se faire sentir et ne facilite pas les choses.
Même avec une envie de bien faire et un grand amour pour l’entreprise familiale bien visible dans la série Netflix, Claire n’a pas réussi à faire sortir son écurie du lot. Malgré deux troisièmes places express en 2014 et 2015, l’écurie est en fond de grille jusqu’à finir dixième en 2018 et 2019. Le départ était à redouter et n’était pour certains qu’une question de temps. Début septembre, dans une vidéo pleine d’émotion, Claire Williams annonce le retrait complet de la famille au vu du rachat de l’écurie. Le grand prix d’Italie a donc été le dernier GP du clan Williams, le dernier d’une histoire faite de hauts et de bas vieille de 47 ans. La famille emporte avec elle un beau palmarès composé de 704 départs en F1, de 9 titres constructeurs, 7 titres pilotes, 114 victoires, 315 podiums et 128 pôles positions.
Et maintenant ?

Le 21 août dernier, l’écurie Williams a été rachetée par Dorilton Capital, un fond d’investissement américain. Ces derniers se sont engagés à conserver le nom, les couleurs et l’emplacement de l’usine propre à l’équipe. Simon Roberts, lui, a été désigné comme Team Principal. Présent en F1 depuis 2003 au sein de l’écurie McLaren, il avait rejoint l’équipe en début de saison en tant que directeur général responsable des fonctions techniques, opérationnelles et de planification. Pourtant, les nouveaux élus de Dorilton Capital ont juré avoir eu l’intention de garder Claire Williams à la tête de l’entreprise familiale. Celle-ci a assuré avoir renoncé : « C’est ma décision. J’ai eu le sentiment que c’était le bon choix pour moi de partir. » Elle assure néanmoins être sur le terrain avec l’écurie pour les futures semaines afin d’opérer une « période de transition ».
Du côté des nouveaux propriétaires, l’objectif est clair et a été rappelé par Claire en conférence de presse : « ramener l’écurie là où nous voulons la voir, c’est-à-dire au devant de la grille. » Il va donc falloir se mettre au travail très vite car il y a du pain sur la planche. À l’orée de la deuxième partie de saison, Williams occupe la dernière place du classement constructeur avec aucun point inscrit. Cependant, la voiture étant meilleure que l’an passé, une entrée dans les points est bien plus qu’envisageable au vu des places obtenues à l’entrée des points dernièrement. Après avoir fait des progrès en qualifications et une accession quasi-quotidienne en Q2, le travail devrait se porter sur les performances en course.
Rachat ou pas, une chose est certaine : Frank Williams et sa fille ne seront pas oubliés de sitôt par les férus de Formule 1 de par leur histoire, leurs titres, mais aussi leur amour inconditionnel pour l’écurie familiale.
Crédits photos : Grand Prix 247, F1 Paddock Pass, F1i.com et Motorsport