“Je n’ai jamais joué un match aussi difficile de ma vie”. Cela pourrait être une déclaration sortie par un joueur dans la seconde moitié de sa carrière. Difficile de s’avouer qu’il y a un joueur de 19 ans frais comme un gardon, derrière celle-ci, en la personne d’Holger Rune. Les jeunes joueurs ne se contentent plus de toquer à la porte jusqu’à attendre leur heure de gloire. Ils veulent tout et tout de suite. Le jeune Danois l’a montré au Rolex Paris Masters, l’impatience fait désormais foi sur le Tour.
HOLGER RUNE, L’AVANT-GARDISTE

Il y a 5 ans, Holger Rune remportait, selon ses dires, sa plus belle victoire face à Youssef Hossam en Coupe Davis. Près de 1800 jours plus tard, le voici scintillant de mille feux sous les projecteurs de la Ville Lumière. Il n’est plus question de laisser passer son heure, qu’importe s’il s’agit d’une première finale en Masters 1000 face à un habitué des lieux. Ce n’est plus permis de “gaspiller le temps en croyant l’arrêter”. Chaque heure dédiée à ce sport est programmée pour faire surgir des résultats précoces.
Oublié le sacre de l’Autrichien Dominic Thiem à 27 ans. Le pouvoir de la jeunesse, c’est de faire croire que les performances rapides sont une norme. Passer de la 86e place à celui d’un membre du Top 10 et potentiellement intégrer le Masters à Turin ? Oui, c’est possible grâce à une féroce envie de croquer dans la pomme du succès. Plus que les chiffres, la réalité du terrain montre à quel point les jeunes pousses sont bel et bien mures. Oubliez les physiques peu développés à cet âge-là.
Même si les cuisses sont de sortie, chaque détail est analysé pour construire le corps idéal taillé pour la performance. “Il y a l’aspect physique que nous améliorons en permanence. Mais nous pensons cela étape par étape parce que je ne veux pas construire beaucoup de muscles en peu de temps. Je n’aime pas me sentir lourd. C’est donc un équilibre dans la pratique physique”, explique le Danois.
Ne pas laisser la balle respirer. Adopter ensuite une grande amplitude de mouvement pour enfoncer le clou comme Ponce Pilate. Aucun “Rune” d’observation. Les opposants sont directement aspirés dans une spirale nordique dont ils ne peuvent se défaire. Tel Batman veillant sur Gotham City, Holger protège sa moitié de parcelle en déployant toute sa panoplie défensive. Glissades, appuis robustes, slices de coups droits et revers pour finalement se retrouver en position favorable et prendre à la gorge son assaillant. Afin de rester en vie dans le point, tous les coups sont permis. Il reste maintenant à imposer cette dimension physique dans les tournois nécessitant une combativité qui dépasse l’entendement …
Pour surmonter la montagne serbe, il ne fallait pas seulement compter sur le boost de la jeunesse. C’est peu dire que Novak a déjà, à de nombreuses reprises, démantibulé un feu follet grâce à ses nombreux atouts. Détruire tactiquement un “Djoker” s’est avéré ô combien efficace. Derrière un service sauvagement exécuté, le Danois distille un coup droit croisé pour constamment mettre une pression sur l’adversaire. En revanche, quand le point s’engage dans de longs échanges, c’est le revers qui prend le flambeau. Un revers sec, rapide, allumé long de ligne, en étant complètement à l’intérieur du court, pour être certain que la balle ne revienne pas. Quand il s’agit de varier pour brouiller les pistes, là encore, le gamin sait y faire.
“Il y a beaucoup d’éléments qui me rappellent moi à son âge, un revers extrêmement solide, des variations quand il monte au filet. Il a vraiment progressé depuis notre confrontation à l’US Open. Holger a le potentiel pour atteindre des sommets”, affirme le joueur serbe. Il en faudra bien plus pour que les “idoles” dépassent les “maîtres”, mais la considération est d’ores et déjà présente.
SIMON ET MERVEILLES

“Paris n’a de beauté qu’à son histoire, mais cette histoire est tellement belle”. Deux des quatre mousquetaires auront donc déposé leurs armes dans la capitale. Le “tacticien”, “l’hypnotiseur”, le “prof” : ils se réunissent tous pour désarçonner Andy Murray et Taylor Fritz. Un peu moins présent pour contrecarrer l’élan canadien. Mais qu’importe, son dernier baroud d’honneur illustre ô combien Gilles Simon est un joueur atypique. Quand on l’observe combattre dans l’arène face à tous types d’assaillants, le silence est palpable. Ses balles feutrées et restant sur un même tempo engloutissent peu à peu l’opposant dans un gouffre mystique. Roger Federer, Rafael Nadal, Novak Djokovic : ils ont tous trébuché face à celui que Novak évalue élogieusement comme “l’un des meilleurs contreurs du circuit”.
Poussant l’adversaire à jouer le coup de trop, le Niçois est empli d’une consistance sans nom. Ses armes se basant sur une déconstruction millimétrée du jeu adverse ne sont pas là pour faire joli. Défendre 8 mètres derrière sa ligne, pourquoi diable s’en priver si le point finit de notre côté ? À l’aube de la fin de son parcours, “Gillou” fait part de ses regrets de ne pas avoir su creuser dans son esprit plus rapidement. “C’est ce qui est un peu différent chez les Nadal ou Djokovic qui ont aussi eu des chemins plus personnels. Pour moi, cela se joue essentiellement là-dessus. J’ai mis longtemps avant de comprendre que mes problèmes ne passeraient pas tout seuls”, confie-t-il.
PARIS RÉUSSI

Les nouveaux s’affirment, les anciens s’effacent. Les audacieux prennent le pouvoir, les téméraires laissent du terrain. Plus que jamais, le monde du tennis moderne entre dans une nouvelle ère. Les propriétaires des lieux confient de plus en plus leurs royaumes en perdant des batailles âpres. Carlos Alcaraz et Holger Rune sont de jeunes princes déjà transcendés par une envie folle de tout donner pour ne rien regretter. Se doter d’un arsenal rempli de variétés et d’intentions de jeux. Se prémunir d’un mental cadenassé tout en faisant vibrer les foules, venues en nombre cette année. Ne pas se reposer sur ses lauriers et rester humble quant aux futures échéances. Cette impatience-là ne se clame pas, elle se prouve. Cédric Pioline peut savourer sa première édition et réfléchir consciencieusement au futur Bercy.
Crédits photos : Sport Mag, Le Figaro, Le Parisien et Sortir à Paris