Accueil » Tour de France, une passion infinie

Le revoilà, ce Tour adoré, cette aventure qui égaye, chaque été, l’esprit des suiveurs. Les revoilà, ces émotions instables, tanguant entre l’exaltation du début et la mélancolie de la fin. La revoilà, cette rivalité constante, cette épopée solitaire, cette victoire incertaine et cette gloire stupéfiante. Le revoilà, l’espoir d’un Français auréolé de gloire, devant l’Arc-de-Triomphe, la grande étoile parisienne. Le revoilà, ce scintillant maillot jaune, cette toison d’or immaculée. Enfin, la revoilà, cette grande course annuelle, puisant ses racines dans un pari fou. En 1903, l’événement semblait impossible, voué à l’échec. Aujourd’hui, il est l’un des événements les plus importants au monde.

Cette année, le Tour de France abandonnera le bleu azuréen de la côte niçoise pour s’installer en Bretagne, à Brest, cette ville que Jacques Prévert avait choisi pour dénoncer les horreurs de la guerre, dans son poème d’amour « Barbara ». Il y aura aussi de la poésie, ce samedi, lorsqu’il s’agira de décrire l’attitude des Brestois, au moment où le drapeaux s’agitera, sur le toit ouvrant de la voiture de Christian Prudhomme. Il y aura certainement de l’émotion, à Landerneau, quelques heures plus tard, si un Français venait à lever les bras, au sommet de la côte de la Fosse au Loup et à vêtir, de fait, le premier maillot jaune de ce Tour de France. L’arrivée sera un véritable tremplin pour les puncheurs et il semble évident que Julian Alaphilippe sera dans la bagarre, avec la même faim que sur le Mur de Huy, il y a quelques mois.
Au lendemain de cette 1e étape électrique, les coureurs longeront d’abord la côte de granit rose, avant de s’enfoncer dans les terres, pour rejoindre Mur-de-Bretagne, qu’ils escaladeront à deux reprises. En 2018, Dan Martin s’était envolé seul sur les pourcentages les plus abrupts, sans avoir véritablement de concurrents de son calibre. Cette année, nombreux seront ceux qui souhaiteront s’imposer au sommet de ce mur incontournable, ce léger échauffement pour les amoureux des hauteurs. Sur cette étape, certains leaders pourraient même songer à prendre un temps d’avance sur les plus rouleurs du peloton, avant le contre-la-montre de la 5e étape, reliant Changé à Laval, sur une distance de 27,2 km, au profil légèrement vallonné. Primoz Roglic se trouvera certainement dans son jardin, Tadej Pogacar, son compatriote et plus fidèle concurrent, aussi. Certains diront que le Tour de France se perdra à Laval, en oubliant presque sa longueur et les reliefs que les coureurs apercevront à l’horizon.

Le deuxième week-end du Tour sera alpin, avec les pentes régulières et parfois sévères de la Colombière le samedi, avant de descendre vers le Grand-Bornand, et le col routier menant jusqu’à Tignes le dimanche. Ces deux journées s’annoncent belles, dans un décor propre au Tour de France, avec ces longues vallées et ces hauts pics rocheux. En arrivant à Tignes, les coureurs pourront reposer leurs jambes, sans vraiment oublier la montagne qui s’avance à mesure que les étapes défilent. Le Mont-Ventoux n’avait plus été escaladé par le Tour depuis 2016, lors d’un jour de fête national qui aura vu Chris Froome, maillot jaune sur le dos, poser pied à terre et courir en panique jusqu’au Chalet-Reynard. L’attente fut si longue que les retrouvailles avec le Mont-Ventoux seront doubles, par deux versants différents, le premier (depuis Sault) étant moins difficile que le second (depuis Bédoin). Mais contrairement à la coutume, le vainqueur ne s’imposera pas en haut de ce paysage lunaire à la végétation absente, mais bien en bas, à Malaucène, après une longue descente. La bagarre sera intense, des hiérarchies au classement apparaîtront. Il y aura des hommes lessivés, un gruppetto se garnissant allègrement. Et il y aura évidement les hommes forts, sur les hauteurs du classement, prêts à jaillir dans le dernier opus de l’histoire, celui qui emmène les combattants sur les sommets du massif pyrénéen.

Ce Tour de France honorera les Pyrénées à sa manière, en s’y installant pendant une semaine. Pour clôturer la deuxième semaine, le Tour de France parcourra les reliefs de la principauté d’Andorre, la nouvelle maison de Nino, le fils de Julian Alaphilippe. La bagarre peut s’amorcer en principauté, mais il faudra certainement attendre les cimes françaises pour planifier les grandes manœuvres, pour sonner le grand bouleversement. En 2018, sur le col du Portet, Romain Bardet avait été contraint de jeter les armes, incapable de suivre le rythme imposé par Egan Bernal. Geraint Thomas avait résisté aux quelques assauts de Tom Dumoulin et Primoz Roglic. Malgré un spectacle quelque peu timide, la montée avait séduit. Cette année, elle fera son retour et sa pente rude et régulière pourrait épuiser des organismes. Elle sera une véritable occasion pour les purs grimpeurs, à la recherche du temps perdu, de prendre le destin par les mains, en bondissant sur les pédales, pour une chevauchée solitaire.
Le lendemain, Pau accueillera une nouvelle fois le Tour de France. Cette ville devient le véritable comptoir d’une course éternelle, le souvenir impérissable d’une après-midi enchantée, où Julian Alaphilippe, en domptant Geraint Thomas, avait poursuivi sa grande aventure en jaune, avant le Tourmalet. D’ailleurs, en parlant de Tourmalet, ce haut sommet figurera bien sur la carte, dans cette 18e étape partant de Pau. Pendant un instant, les images de 2019 reviendront chatouiller les esprits, pour revivre cette époque où le rêve était une réalité, où Thibaut Pinot entamait sa reconquête, avec la voix iconique de Marc Madiot pour l’accompagner. Même si ce mythe ne sera pas le juge de paix de l’étape, son simple passage permettra au grand public de connaître la véritable identité du Tour, celle qui s’enrichit chaque année, tout en gardant des racines bien ancrées dans le sol. Une identité qui traverse les générations, qui transmet un héritage florissant et qui montre que le Tour est une chose que Giro n’est pas.

Après cette étape, il ne restera presque plus rien. Le Tour se prépara pour un ultime contre-la-montre de 30,8 km, reliant Libourne à Saint-Emilion, pour assurer un trône au grand vainqueur. Au sortir de cette journée, les coureurs défileront sur les Champs-Élysées et les sprinteurs joueront les dernières notes de la symphonie, sur les timbales, pour rendre le point d’orgue encore plus éclatant. Un point d’orgue après trois semaines de bonheur, dans ce si beau pays, où s’entremêlent les hauts reliefs chevelus et les longues plages de sable fin. Même si, de Brest à Paris, il n’a pas emprunté le chemin le plus court, le Tour vaut bien quelques détours.

Crédits photos : Le Soir, Tour de France, Today Cycling et Sudinfo

Antonin Fromentel – 26 juin

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