Il y a de ces épopées qui ont marqué le cyclisme français et parmi elles, il y a celle de Thomas Voeckler qui durant toute sa carrière a fait vibrer le public français sur les routes du Tour de France. Panache, détermination, émotion, tant de mots peuvent qualifier “Ti’blanc” comme il était surnommé très souvent, retour sur les faits d’armes de Thomas l’infatigable mais surtout Thomas l’intrépide.
Son père, grande inspiration
Après avoir vécu dans un village alsacien pendant les 7 premières années de sa vie, le jeune Thomas Voeckler et ses parents partent s’installer dans un village martiniquais, à Tartane. La raison de ce déménagement ? Faciliter la passion de son père, la navigation. Son histoire avec le cyclisme commence donc en Martinique, tout d’abord à l’étoile cycliste du Lamentin puis le club cycliste de Trinité. Un beau jour, son père lui offre un vélo haut de gamme pour son treizième anniversaire, c’est avec ce vélo qu’il participe à ses premières courses cyclistes. Malheureusement la même année, son père disparaît en mer et ne sera jamais retrouvé. Pour lui, c’est un véritable déclic, il veut faire du vélo et rendre fier son père.
À 17 ans, il revient en métropole et intègre une section sport études à La Roche-sur-Yon. Son futur mentor Jean-René Bernaudeau tape alors à sa porte et le convainc avec succès de rejoindre l’équipe qu’il a créée, Vendée U. Les deux hommes ne se sépareront jamais, Thomas Voeckler évoluera sous ses ordres dans la formation Bonjour de 2001 à 2002, Brioches la Boulangère de 2003 à 2004, Bouygues Telecom de 2005 à 2008, Bbox Bouygues Telecom de 2009 à 2010, Europcar de 2011 à 2015 et Direct Énergie pour terminer sa carrière en 2016. En 2000, sa première performance est de se classer 2e de Paris Roubaix espoirs, il remporte le vélo d’or espoirs de Vélo Magazine la même année. La machine est alors en marche…
Son ascension
Thomas Voeckler devient professionnel en 2001 au sein de l’équipe Bonjour dans laquelle il a été stagiaire auparavant. Les deux premières années au sein de cette écurie ne se déroulent pas comme escompté puisque lors de ses deux années, il ne remporte aucune course. Il réalise cependant son premier grand tour suite à la blessure de deux de ces coéquipiers : le Giro 2001. Malgré ses difficultés dans les étapes de montagnes, il parvient malgré tout à terminer ce Giro, seul coureur de son équipe à tenir en se classant avant-dernier au général, place plus qu’anecdotique qui ne présage en rien les succès à venir. En 2003, il commence à faire parler de lui et remporte ses premières courses professionnelles : la Classic Loire-Atlantique, le Tour du Luxembourg et même une étape du prestigieux Tour de l’Avenir. La même année, il participe pour la première fois à sa future course de prédilection, le Tour de France.
Son ascension fulgurante atteint son sommet en 2004, année de sa révélation au grand public. Il remporte les championnats de France sur route et a donc l’occasion de porter le maillot tricolore qu’il reportera également en 2010. “Ti-blanc” comme il était surnommé se lance avec confiance dans le Tour 2004, il ne se serait jamais imaginé un tel destin ! Le 8 juillet 2004, il termine la 5e étape dans l’échappée victorieuse et récupère donc le maillot jaune à un certain Lance Armstrong. Tout le monde pense alors qu’il faut qu’il en profite car connaissant l’américain, ce ne sera pas long… Cependant, ce jeune cycliste qui roule avec le cœur se lance dans une aventure de 10 jours en jaune, dix jours où la France vibrera avec ce jeune Thomas. Malheureusement, Voeckler encore fougueux n’est pas encore acclimaté à un effort de 3 semaines et s’écroule dans la dernière semaine. Il termine 18e pour son deuxième Tour de France mais cela présage de futures très belles performances.
La confirmation
Les années Bouygues Telecom (2005 – 2008) ont été celles de la prise d’expérience. Thomas ne veut pas rechercher tout de suite les résultats mais privilégie le gain d’expérience en participant à de nombreuses courses de renom. Ce choix va s’avérer très vite gagnant et les résultats vont venir à lui. En 2007, il remporte notamment le mythique GP de Plouay, le Tour du Poitou-Charentes ou encore le classement de meilleur grimpeur de Paris-Nice. L’année suivante, il s’adjuge le grand prix de Plumelec Morbihan et le Circuit de la Sarthe, son véritable objectif reste toujours le Tour de France et son épopée de 2004 lui a donné le goût du succès. Le maillot jaune est une véritable drogue pour les grands champions et Voeckler veut réitérer cette aventure. En 2009, il arrive à remporter la 5e étape du Tour de France mais cela n’est pas assez. Par la suite, il est sacré pour la deuxième fois champion de France sur route et porte donc le maillot tricolore, c’est avec celui-ci sur les épaules qu’il triomphera sur la 15e étape du Tour 2010. À la fin de l’année, c’est la dernière année du sponsoring Bouygues Telecom et l’équipe peine à retrouver un sponsor, Thomas Voeckler hésite alors à la quitter et partir chez Cofidis qui le courtise. Finalement, Il restera aux côtés de Jean-René Bernaudeau chez Europcar, décision qu’il ne regrettera pas.
Si près du but…
Vainqueur du Tour du Haut Var, de la Classic Cholet Pays de la Loire ou encore des 4 Jours de Dunkerque sans oublier deux étapes sur Paris-Nice, Thomas Voeckler bat à plat de couture toute la concurrence en cette saison 2011 et se classe logiquement 1er du classement UCI Europe Tour. Il se lance donc dans le Tour de France avec une grande confiance, son aventure prend un tournant lors de la 9e étape où il arrive deuxième à Saint Flour après une échappée de plus de 167 kilomètres et prend le maillot jaune à Thor Hushovd par la même occasion. Le souvenir de 2004 est resté dans les mémoires, les français voulant voir un local remporter la Grande Boucle après Bernard Hinault en 1985. La pression est grande sur les épaules de Thomas car à 32 ans, une occasion pareille ne se reproduira probablement plus.
Voeckler est héroïque et se bat dans les Pyrénées, son maillot jaune le transcende. À Pignerol, il est notamment victime d’une sortie de route impressionnante dans une descente qui lui fait perdre 27 secondes, mais qui aurait pu lui être fatale. Pour les grands favoris, la 18e étape dans le Galibier va enterrer les derniers espoirs, voilà neuf jours que le coureur d’Europcar arbore fièrement son maillot et réalise des efforts pour le garder. Cependant, il nous offre une montée incroyable qui reste aujourd’hui dans les étapes de légende et sauve son maillot pour 15 petites secondes ! Le lendemain, l’ascension de l’Alpe d’Huez va donc éteindre ceux qui y croyaient encore, Thomas lâche son maillot à un Andy Schleck étincelant. Finalement, une 4e place au classement général remporté par Cadel Evans lui reste encore au travers de la gorge, lui qui rêvait du jaune à Paris ou même d’un podium. Il déclare même : “Si je devais lâcher mes 20 jours en jaune pour un jour de maillot aux Champs, bien sûr que je le ferais”. L’année suivante, il arrive néanmoins à rapporter un maillot à Paris, le maillot à pois rouges. Cependant, la tunique jaune reste à ce jour la plus grande déception de sa carrière mais aussi son plus bel accomplissement.
Une fin de carrière sportive mitigée mais le début d’une autre vie
Son niveau de 2011 ne sera jamais ré-atteint. L’année suivante, il s’offre néanmoins un maillot distinctif sur le Tour et deux victoires d’étape (10e et 16e). À partir de 2013, ses performances sont en déclin ce qui semble logique au vu de son âge. Ses dernières courses remportées sont la Route du Sud, le Tour de Poitou Charentes et la 6e étape du Critérium du Dauphiné en 2013, le Tour la Provence et le Tour du Yorkshire en 2016. La Grande Boucle 2017 est sa dernière course, il terminera 91e, loin de l’empreinte laissée par sa grande carrière à laquelle il met un terme mais sous les applaudissements et une pluie d’hommages de tous bords. Par la suite, devient consultant sportif pour Eurosport puis France Télévisions et L’Equipe. Il officie également comme ambassadeur ASO (organisateur du Tour). C’est en 2019 qu’il retrouve le monde sportif en succédant à Cyrille Guimard à la tête de l’équipe de France sur route en tant que sélectionneur.
Finalement que retenir de Thomas Voeckler ? Un destin unique, un courage à toutes épreuves, une volonté de faire vibrer le public français et surtout, un palmarès dont il peut être fier et que peu de coureurs peuvent se targuer d’avoir. “Ti’blanc” restera à jamais gravé dans les mémoires et restera un modèle pour bon nombre de cyclistes !
Crédits photos : Europe 1, France Dimanche, Le Parisien, Le Gruppetto, RMC Sport et Challenges