Quand on pense à la marche athlétique, l’image qui nous vient à l’esprit est forcément celle de ce marcheur français qui a tout gagné ou presque et qui a donné un coup de projecteur à une discipline peu médiatisée en France, Yohann Diniz. Le marcheur de 42 ans devrait bientôt tirer sa révérence mais avant cela, il lui reste un challenge à relever. Il a pris rendez-vous à Tokyo pour s’adjuger le seul titre qui lui manque, nous avons donc décidé de vous faire revivre la carrière de cet athlète hors-pair.
Des débuts tardifs mais de haut niveau
Après avoir vécu une enfance compliquée, il obtient un diplôme d’œnologie (science du vin). Son histoire avec la marche commence pendant qu’il effectue son service civil au club d’athlétisme de Reims en 2000. Il y croise les marcheurs ce qui lui rappelle lorsqu’il était petit et qu’il voyait les marcheurs de Paris-Colmar passer devant chez lui. Il se souvient aussi des soviétiques Perlov et Potashov de qui il était admiratif et qui avaient remporté les championnats du monde de 1991 en passant la ligne ensemble. Il essaya donc la marche et les premiers résultats furent rapides. En 2003, il se met sérieusement à la marche et obtient même sa première sélection en équipe de France à 25 ans. En 2004, il est sacré vice-champion de France du 20 km route à Sotteville-lès-Rouen derrière Denis Langlois qui a pour référence une médaille de bronze lors des championnats d’Europe en salle à Paris en 1994 sur 5 000 m. Langlois sera aussi un temps l’entraîneur de Yohann Diniz. Malheureusement par la suite, Yohann n’est pas sélectionné pour les Jeux Olympiques d’Athènes.
L’année suivante, il s’aligne sur le 50 km route et décroche largement le titre de champion de France à la Seyne-sur-Mer devant Franck Deleree. Il connaît une mésaventure pour ses premiers championnats du monde à Helsinki où il est disqualifié pour marche incorrecte. Sa première grande référence arrive en 2006 à Göteborg (SWE) où il est sacré champion d’Europe du 50 km marche route devant l’espagnol Jesus Angel Gracia et le russe Yuri Andronov. Il améliore par la même occasion le record de France qui était détenu depuis 12 ans par Thierry Toutain. Ce titre lui permet d’obtenir de nombreux sponsors en plus de son statut d’athlète de haut niveau à La Poste auquel Patrick Montel a contribué. Il est désormais ambassadeur des facteurs.
La confirmation
2007 fut une année très glorieuse pour Yohann Diniz. En effet, il rafle presque tous les titres. Il commence par celui de la coupe d’Europe de marche qui prenait place cette année là au Royaume-Uni et plus précisément à Leamington, il devance Ivano Brugnetti (ITA) en établissant un nouveau record de France du 20 km marche. C’est sur ce même format qu’il choisit de s’aligner lors des championnats de France à Niort, distance qui lui réussit puisqu’il remporte également le titre national. Le grand rendez-vous de l’année était à Osaka au Japon, pays où il tentera de briller à nouveau en 2021. Mais chaque course est un nouveau chapitre d’une carrière et celui du 1er septembre 2007 allait le dévoiler au monde entier. Un seul athlète fut capable de devancer le champion d’Europe lors des championnats du monde du 50 km marche, il s’agit de Nathan Deakes (AUS) qui avait déjà montré son talent lors des JO 2004 en obtenant le bronze. Cette fois, il s’empare de l’or mais avec moins d’une minute d’avance sur le français qui, quant à lui, s’est tâché de contenir Alex Schwazer (ITA), celui-ci pointant à une poignée de seconde à l’arrivée.
Les deux années suivantes sont beaucoup plus fades et maigres en médailles. Pourtant, Yohann comptait certainement faire bonne figure aux JO de Pékin pour sa première participation à la compétition. Malheureusement la météo et son physique en ont décidé autrement et il est contraint d’abandonner au bout d’une trentaine de kilomètres, il n’ira chercher « que » le titre national à Albi sur le 20 km en 2008. L’an suivant, il a l’occasion de prendre sa revanche à Berlin pour les championnats du monde et malgré son statut de favori, il se classe 11e après la disqualification pour dopage du vainqueur Sergey Kirdyapkin en 2016.
Tous sauf un…
La décennie des années 2000 nous a fait découvrir un nouveau champion français en athlétisme, une nouvelle chance de médaille dans une discipline où nous n’avions pas de tête de gondole. Les années 2010 marqueront la domination de Yohann Diniz sur la marche athlétique au niveau mondial sauf dans une compétition : les Jeux Olympiques. Avant de s’en aller pour devenir pourquoi pas consultant comme il l’a si bien fait lors des mondiaux de Doha, il essayera de décrocher le plus beau succès de sa carrière à Tokyo en 2021. En 2010, Diniz réalise une très belle année pour entamer la décennie. Comme chaque année, il récolte un titre national cette fois sur 10 000 m à Valence devant le jeune Kévin Campion. Quatre ans après son premier titre européen sur 50 km marche, Yohann est en lice pour conserver sa couronne à Barcelone en juillet. Il le fait avec brio malgré une chute pendant la course.
Il arrive donc à nouveau aux mondiaux en 2011 comme champion d’Europe et prétendant au titre mondial. Mais à Daegu, rien ne se passe comme prévu. Il est criblé de cartons rouges et se retrouve donc disqualifié alors qu’il faisait course en tête avec Nathan Deakes. Ce dernier est contraint d’abandonner et de ne pas réitérer sa performance d’Osaka. Malheureusement l’histoire de Berlin en 2009 se répète et le champion du monde russe Sergey Bakulin est déchu de son titre pour dopage. C’est son compatriote Denis Nizhegorodov qui se voit attribuer la médaille d’or. Pour redorer cette année 2011, il faut rappeler que Yohann Diniz a tout de même battu le record du monde du 50 km marche sur piste à Reims, sa piste d’entrainement, en 3 heures 35 minutes et 27 secondes.
En 2012, après Valence et Albi, il remporte pour la troisième fois de suite le 10 000 m marche des championnats de France à Angers. Il ne s’arrête pas en si bon chemin au niveau national puisqu’il pulvérise son record de France du 20 km marche à Lugano tout en terminant deuxième de la course derrière l’un de ses principaux rivaux, Alex Schwazer. Mais après Pékin et un échec lors de ses premiers jeux, il arrive à Londres avec l’envie de réussir. Malheureusement, sa bonne étoile n’est encore pas présente et il est victime de malchance avec une chute, une défaillance puis une disqualification pour ravitaillement hors zone alors qu’il avait passé la ligne d’arrivée en 8e position. La mauvaise passe se poursuit en 2013 lors des mondiaux, compétition où il n’a toujours pas décroché de médailles depuis Osaka en 2007. Et ce n’est pas à Moscou qu’il va remédier à cela puisqu’à la mi-course, il craque et termine 10e. C’est l’irlandais Robert Heffernan qui s’impose.
Cette année-là, Diniz ne remportera d’ailleurs pas les France car il se retrouve battu par Kévin Campion à Paris sur le 10 000 m pour une minute. Après trois années compliquées durant lesquelles il n’a pas brillé sur la scène internationale, Yohann Diniz va se relancer en 2014, il réalise l’une de ses plus belles saisons. Au programme les championnats d’Europe, compétition qu’il a remporté lors de ses deux précédentes participations. Il va continuer de régner sans partage sur la scène européenne à Zurich en conservant son titre pour la troisième année consécutive ce qui n’avait jamais été fait dans la discipline. Par la même occasion, il s’adjuge la meilleure performance de tous les temps sur le 50 km marche en 3 h 34 min 14 s. De plus, il récupère son titre national du 10 000 m marche à Reims sur ses terres.
L’âge le guette mais pas le déclin
Comme on dit souvent, jamais deux sans trois. Après le 50 km marche piste et route, il bat le record du monde du 20 km marche route, cette passe d’armes a été actée pendant les championnats de France à Arles en 2015. Cependant une semaine plus tard, le japonais Yusuke Suzuki s’en empare à son tour. Les problèmes ne sont jamais loin et le français est contraint de déclarer forfait pour les mondiaux de Pékin 2015 à cause d’une douleur au pubis. À 38 ans en 2016, le rouennais en est à 3 titres de champion d’Europe en trois participations, 3 records du monde et une médaille d’argent aux mondiaux mais qui date déjà d’il y a 9 ans.
Alors en arrivant aux JO de Rio et après avoir remporté un énième championnat de France (sur 50 km cette fois), tout le monde l’attend au tournant. Cette course est comme le signe que la malédiction internationale ne veut pas s’en aller pour lui. Alors que les français et le monde entier voient Yohann Diniz s’envoler vers un titre olympique tant attendu avec 1 minute 40 d’avance sur ses poursuivants, il est contraint de s’arrêter pour ennuis gastro-intestinaux. Mais le cauchemar ne va pas s’arrêter là, son corps le lâche petit à petit et il est victime d’un malaise qui le fait tomber d’une façon surréaliste. Il chute à nouveau trois fois durant la course mais à chaque fois se relève pour terminer à la 8e place. Après la course, il est rapidement évacué à l’hôpital. Il dira en 2017 à Libération : « un caillot de sang était bloqué dans l’intestin, ça aurait pu arriver la veille ou le lendemain. Je ne me souviens pas de la fin, j’ai surtout eu peur de crever après en allant à l’hôpital. Le cœur était monté à 190, ils n’arrivaient pas à me stabiliser. »
Suite à cet épisode, il nous prouva si cela était nécessaire qu’il est un très grand champion. En effet en 2017 à Londres, il remporte les championnats du monde et grimpe sur un podium mondial pour la première fois depuis 2007. Au passage, il s’adjuge le record des championnats qui est également le second chrono de tous les temps sur le 50 km marche derrière son record du monde de Zurich, un très joli rebond à 39 ans et après ce qui lui est arrivé à Rio. À la suite son titre, il déclare à Libération : « si on ne m’avait pas laissé terminer (à Rio), je ne sais pas dans quel état psychologique je serai aujourd’hui et certainement pas champion du monde. Je sortais de dépression, je revenais vraiment de bas. »
2018 fut une année plus « calme » pour lui. En effet, l’échéance de l’année n’était autre que les championnats d’Europe dont il était triple tenant du titre, mais une fracture de fatigue du bassin l’empêche de défendre son titre. Il commenta donc les championnats à Berlin pour France TV. Pour revenir à la compétition en 2019, il choisit le 50 km de la coupe d’Europe à Alytus en Lituanie. Il y réalise la meilleure performance mondiale de l’année et arrive donc à Doha pour défendre son titre de champion du monde comme favori à sa succession. Mais au Qatar, il critique grandement le choix de la ville organisatrice à cause des conditions climatiques, il en sera d’ailleurs victime pendant la course et abandonne au kilomètre 16 alors qu’il était déjà loin de la tête. Après cela, il commente la suite de la compétition pour France Télévisions. Il se prépare maintenant pour les JO de Tokyo afin de remporter le seul titre qui lui échappe encore avant de tirer sa révérence. Et pourquoi pas le faire en beauté avec ce titre ?
L’avis de notre ambassadeur marche Matteo Duc
Que représente Yohann Diniz à tes yeux ?
Matteo : C’est un modèle, c’est un peu lui qui a mis en avant la discipline en France, sa longévité impressionne et on a envie de faire pareil. C’est aussi un modèle au vu de son état d’esprit, un guerrier qui n’abandonne jamais et c’est un gros point fort qu’il faut adopter dans la discipline. On ne part pas sur un 50 km alors que l’on manque de mental, c’est quelque chose qui est révélateur de la personne et qui motive.
Que retiendras-tu de sa carrière ?
Matteo : Déjà sa longévité et puis le fait qu’il est souvent là dans les grands rendez-vous, quand il part pour une grosse compétition il est présent. Après il y a les problèmes de disqualification ou comme à Rio où il a eu des problèmes physiques mais il était quand même présent, il était parti pour gagner. C’est ça que je retiens, il est toujours partant et prêt à chaque compétition et c’est quelque chose qui est remarquable chez lui. De plus, maintenant que j’ai appris à le connaître sur les stages etc, je me suis rendu compte que c’est quelqu’un qui est assez simple. Il est à 2000 % à l’entraînement et il peut être vraiment détente à côté, c’est ce qui est bien avec lui car il y a un temps pour tout. C’est ce qui fait d’ailleurs je pense sa force, il sait se maîtriser et il sait quand il faut être à fond ou pas.
Crédits photos : L’Humanité, DG 77, Eurosport, Francetv sport, L’Express et Le Dauphiné Libéré