Pour une athlète, disputer les Jeux olympiques est certainement l’un de ses rêves les plus intimes. Les entraînements et sacrifices tendent tous deux vers cette quête ultime. Mais ce destin tant idéalisé est réservé aux plus douées et dédiées de l’espèce humaine. C’est ce qu’a accompli Caroline Jouisse, nageuse en eau libre, qui plongera cet été dans la Seine.
Le 3 février 2024, dans les eaux de Doha, Caroline Jouisse est allée décrocher son ticket pour Paris. Après avoir bravé de nombreux obstacles tout au long de sa carrière, elle s’alignera pour l’événement phare de son sport. Mais sur la route des Jeux olympiques, elle se retrouve confrontée à un nouvel obstacle. Actrice d’un sport encore amateur, la nageuse de 29 ans est en quête de fonds. Puisque la quête de nouveaux sponsors s’avère peu fructueuse, Caroline Jouisse se tourne désormais vers un financement davantage participatif. Par l’intermédiaire d’étudiants en école de commerce, une cagnotte a été ouverte afin de récolter les fonds nécessaires pour sa préparation olympique. Portrait d’une nageuse au parcours loin d’être linéaire.
Spécialiste du 25 km qui nage désormais le 10 km
À 29 ans, la carrière de Caroline Jouisse est déjà bien remplie. D’abord spécialiste du 25 km, c’est sur cette distance qu’elle fait ses premières sélections équipes de France et ses premiers résultats internationaux. Un dénouement assez inattendu pour celle qui a découvert le 25 km après un pari avec son entraineur de l’époque. « On avait parlé avec mon coach de faire le 25 km, mais comme c’était l’année de mon Bac, ça ne s’est pas fait. Du coup, c’est l’année d’après que j’ai fait mon premier 25 km. Je me souviens que l’eau était hyper froide, mais j’avais bien aimé quand même. », se remémore-t-elle. Mais en 2021, Caroline décide de plaquer le 25 km pour le 10 km, avec dans un coin de la tête les Jeux olympiques. Toutefois, à ce moment-là, le chemin à parcourir est encore immense : « Honnêtement, en 2021, c’était très loin les Jeux. À tel point que personne ne croyait en mon projet. À part mon copain et mes parents qui eux y ont toujours cru (rires). Et également Veolia que je remercie d’avoir cru en mon rêve au moment où personne n’y croyait. ». Un long parcours à accomplir jusqu’en 2024 et les JO à la maison.
Trois ans plus tard, celle qui s’entraîne à Saint-Raphaël, fait taire les critiques. À Doha, dans une course maîtrisée, Caroline fait preuve de lucidité et achève son 10 km en 7e position. Suffisant, car pour accéder aux Jeux, il fallait terminer dans les 13 premières de la course. Pourtant, selon la nageuse de 29 ans, ce n’est pas au Qatar que s’est jouée sa qualification, mais encore quelques mois plus tôt.
Une qualification qui s’est jouée dès 2023
En décembre 2023, à l’occasion de l’étape de Coupe du monde à Funchal (POR), elle venait chercher sa qualification pour les mondiaux de Doha (qualificatifs pour les Jeux). Pour cela, il fallait terminer le 10 km dans les deux premières françaises sur un contingent de 12 nageuses. Comme son voisin italien, l’Équipe de France est une nation d’eau libre de haut niveau. Elles étaient donc plusieurs athlètes tricolores à prétendre à cette qualification.
Au Portugal, dans des conditions extrêmes, elle est deuxième française et clôture le top 10 de la course. Un résultat qui lui permet d’aborder les Mondiaux de Doha avec de la confiance. « En ayant fini dixième à Funchal et deuxième française, je suis arrivée à Doha en me disant qu’à Funchal, j’ai réussi à faire un top 10 malgré un plateau plus relevé. J’étais plus sereine et donc il n’y avait pas de raison qu’un top 13 ne passe pas », analyse l’intéressée. C’est quelques mois plus tard que la nageuse décroche officiellement sa qualification pour les Jeux olympiques. Mais sur la route de Paris, elle se confronte au problème du financement.
Le financement, un problème de l’ombre
Si la natation en eau libre est un sport amateur qui n’apporte pas énormément de visibilité, la situation est encore moins facile pour les pratiquantes féminines. « Les filles, on est à des années-lumière. À la télé, c’est 85 % de sport masculin contre 15 % de féminin. Et sur ces 15 %, lors des cinq dernières années, le nombre de sports féminins diffusés à la télé a triplé », explique Caroline Jouisse. Un écart qui n’offre pas le même rayonnement auprès de potentiels sponsors, en plus des revenus des athlètes qui sont déjà moindres. Ils sont donc contraints de se tourner vers des marques prêtes à les accompagner. Malheureusement pour la nageuse de 29 ans, les sponsors se font rares.
D’autant plus qu’elle ne bénéficie d’aucune aide de l’État. « Florent Manaudou s’était exprimé dessus il y a quelques mois : on n’est pas un pays de sport. Le sport n’est pas mis en avant. En France, avoir 20 en maths c’est génial et positif. Avoir 20 en sport c’est négligeable. », constate la nageuse. Pour pouvoir continuer sa carrière tout en ayant des rentrées d’argent à côté, Caroline Jouisse travaille depuis 2021. « J’ai un travail à côté, sinon, ce n’est pas viable. Je suis chargée de mission à la direction commerciale de Veolia. » Une situation qui lui permet désormais plus de sérénité au quotidien.
Mais dans le cadre de sa préparation olympique, il faut débourser des sommes plus conséquentes. Si elle avait déjà quelques sponsors avant d’obtenir sa qualification, sa situation n’a depuis pas évolué. « Tous mes sponsors, ce sont des gens qui me suivaient déjà avant ma qualification. C’est génial parce que ce sont des gens qui n’ont pas attendu que j’ai ma qualification pour me soutenir. Mais tu te dis quelque part, « j’ai une qualif aux Jeux et il n’y a rien qui bouge ». J’ai eu quelques contacts, mais rien de concret, ni de signé », déplore-t-elle. Sans nouveaux sponsors depuis qu’elle a décroché son ticket olympique, Caroline Jouisse s’est tournée vers une autre solution : les cagnottes.
Une cagnotte afin de financer sa préparation olympique
Si elle en avait créé une pour préparer les Mondiaux de Doha (entièrement remplie), elle n’avait pas envisagé une autre pour aborder les Jeux. Pourtant, grâce à des étudiants en école de commerce, une cagnotte en ligne a été ouverte pour soutenir la nageuse. L’objectif : lever 2 000 euros ou plus afin de l’aider dans sa préparation. « J’ai un coach, une préparatrice mentale, une nutritionniste et un préparateur physique. Et en plus de ça, j’ai aussi un sparring partner » confie Caroline Jouisse. Mais attention, celle-ci fonctionne sur le principe du tout ou rien. Il faut obligatoirement atteindre le panier défini pour recueillir les fonds. Alors qu’elle prévoit également de partir en stage en altitude en juillet, l’argent de cette cagnotte pourrait s’avérer très utile.
Pourtant, elle était initialement réticente à l’idée d’en ouvrir une. « Ce n’est pas quelque chose que je voulais faire à la base parce que j’ai l’impression que ça renvoie une mauvaise image. Les gens peuvent penser que t’es en train de faire la manche », admet-elle. À 4 mois des Jeux olympiques, cette deuxième cagnotte pourrait bien lui venir en aide dans l’ultime ligne droite et à crânement jouer sa chance le jour J. Bien qu’elle ne se prononce pas sur ses objectifs.
Caroline Jouisse préfère garder ça pour elle. « J’ai un objectif en tête, mais je ne dis jamais mes objectifs. Même mon coach ne connaît pas mes objectifs », en rit-elle. Sa méthode consiste à aborder la course avec plusieurs missions à accomplir tout au long du 10 km. Dans une épreuve qui a la particularité d’être longue, environ 2 heures, cela lui permet de « se challenger et rester concentrée. » Une chose est certaine : la Française visera la meilleure place possible cet été.
Le lien vers la cagnotte : https://ibelieveinyou.fr/fr/project/2399/road-to-paris