Accueil » Le jour où…Thibaut Pinot a éclos sur le Tour de France

Il y a des premières que l’on n’oublie pas et qui restent gravées au plus profond de soi à jamais, c’est le cas pour notre deuxième opus du « Jour où… » spécial cyclisme. En effet, Thibaut Pinot se souviendra longtemps de son premier Tour de France 2012 avec une victoire d’étape incroyable qui lui a permis d’éclore aux yeux du grand public. Retour sur cet événement pour le coureur français.

Les forces en présence :

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Les principaux acteurs de cette journée ne sont pas forcément ceux qu’on imagine à savoir Bradley Wiggins (Sky), Vincenzo Nibali (Liquigas) ou encore Denis Menchov (Katusha). Sans réelle grande surprise, c’est l’échappée qui va s’avérer être au premier plan avec en personnage principal le suédois Fredrik Kessiakoff du Team Astana. Celui-ci a 32 ans en 2012 et l’on peut dire sans courir un quelconque risque que les meilleurs moments de sa carrière sont derrière lui. Néanmoins, il possède l’expérience du terrain avec deux Vuelta et un Giro en termes de participation à son actif et qui reste également un spécialiste du contre-la-montre et un équipier de luxe. Le suédois n’arrive pas avec une confiance absolue sur le Tour, il échoue dans sa quête du titre national (3e des championnats nationaux) et ne termine pas le Tour de Suisse. Il n’est peut-être pas un grimpeur d’exception mais reste dangereux, lui qui est en quête du maillot à pois rouges.
De l’autre côté, Thibaut Pinot s’oppose principalement à Fredrik Kessiakoff, ce duel que l’on peut dores et déjà qualifier de jeunesse opposée à l’expérience. Le jeune français n’a jamais couru de grand tour auparavant, il est en pleine découverte sur ce Tour de France et appelé de dernière minute par Marc Madiot. Le World Tour n’est pas un monde qu’il connaît plus que ça, il compte quelques participations sur des courses à étapes comme le Tour de Romandie ou le Critérium du Dauphiné ou des classiques comme les grands prix de Québec et Montréal ou encore « Il Lombardia ». Avant d’atterrir en invité surprise sur ce TDF 2012, Pinot n’a plus terminé une course à étapes depuis Tirreno-Adriatico à la mi-mars, peinant à terminer le Tour de Suisse notamment comme Kessiakoff. En clair, il n’arrive pas avec une confiance incroyable tout comme son plus grand adversaire du jour, cela promet une bataille accrochée ce qui sera le cas notamment dans le Col de la Croix, dernière ascension de la journée.

L’étape :

3 (Le Télégramme)

157,5 kilomètres séparent Belfort de Porrentruy en Suisse avec pas moins de sept ascensions répertoriées dont la dernière qui se situe à seulement 15 km de l’arrivée. Cette étape est potentiellement pour les baroudeurs et devrait voir une échappée aller au bout et se disputer la victoire, l’intérêt étant moins important pour les favoris de se battre et d’user des forces sur ce type de journée. D’entrée, c’est l’allemand Jens Voigt (Radioshack) qui parvient à s’extirper du peloton dans la côte de Bondenval, les offensives fusent mais sont vaines. Ce raid solitaire sera de courte durée, Voigt est rejoint au kilomètre 39 ce qui relance les attaques de plus belle, Blel Kadri (AG2R) et Steven Kruijswijk (Rabobank) font partie de ces échappés. Dans la côte de Maison-Rouge, le français s’extirpe du groupe pour prendre 5 points au classement du meilleur grimpeur mais est rejoint dans la foulée. C’est alors le moment que choisit Jérémy Roy (FDJ-Bigmat) pour porter son attaque, il est suivi par Kessiakoff quelques kilomètres plus loin et Kruijswijk et Kevin De Weert (Omega Pharma) dans l’ascension de la côte de Saulcy.

Au pied de l’avant-dernier col de la journée, Fredrik Kessiakoff a pris la poudre d’escampette et relègue ses poursuivants à plus d’une minute 45, dont Thibaut Pinot et Tony Gallopin. Ces deux hommes sont les seuls à pouvoir résister au suédois et pointent à 1 minute au sommet de la côte de la Caquerelle. C’est le col de la Croix qui va s’avérer être le juge de paix de cette étape : le fougueux Pinot décroche son compatriote et part en chasse de Fredrik Kessiakoff. À la pédale, le français rejoint le suédois à 300 mètres du sommet et relance pour le distancer, il bascule avec 10 petites secondes d’avance sur lui avant d’entamer la descente. Dans cette dernière, Pinot est efficace et surtout son principal adversaire part à la faute, évitant de justesse la chute mais rattrapé quelques longueurs plus loin par le groupe maillot jaune. Ce fameux groupe tente de revenir sur le jeune tricolore mais sans succès, Thibaut Pinot est encouragé avec vigueur par Marc Madiot qui exulte quand son protégé franchit la ligne. 26 secondes d’avance pour le français qui a résisté aux favoris et réalisé une ascension prolifique en fin d’étape, une première victoire d’étape sur le Tour méritée et qui en augure bien d’autres.

Le chiffre à retenir : 16

Il représente le nombre de kilomètres qui séparent le sommet du Col de la Croix qui était la dernière ascension de l’étape et l’arrivée à Porrentruy. Sur toute cette distance, Thibaut Pinot a su tenir un écart avec le groupe maillot jaune en chasse qui a rejoint un Fredrik Kessiakoff agonisant qui était déjà en sursis dans la descente. Marc Madiot a encouragé son « môme » jusqu’au bout, ce dernier porté par un public en fusion qui a réalisé un exploit incroyable en tenant tête aux plus grands du peloton. 16 kilomètres de résistance face à du Vincenzo Nibali ou du Cadel Evans en descente, cela mérite d’être salué.

Quels enseignements en tirer ?

4 (Francetv sport)

La question semble stupide mais, est-ce que le grand public connaissait Thibaut Pinot avant juillet 2012 ? La réponse est probablement non, même si celui-ci possédait des faits d’armes prometteurs comme une 3e place au général du Tour de Turquie ou une 2de position sur la 7e étape du Critérium du Dauphiné. Néanmoins, c’est ce premier succès sur le Tour qui le révèle et qui le hisse au rang des « grands », ses résultats d’avant Grande Boucle n’ayant pas été des signes avants-coureurs d’une telle victoire. Ce qui reste primordial à ce moment précis, c’est l’apprentissage qui se poursuit pour Thibaut Pinot car la confirmation ne se fera pas à la suite de ce Tour de France, il faudra attendre deux ans pour le voir monter sur un podium de grand tour devant son public et aux côtés des meilleurs.
À 22 ans, il ouvre la porte à un succès français sur le Tour dans les prochaines années car à cette époque, les frenchies ne sont pas nombreux à se bousculer pour le classement général de leur épreuve nationale. Cependant, un célèbre dicton affirme « qu’il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué », ne pas oublier Pierre Rolland à qui l’on prédisait un avenir aussi radieux que le soleil d’août et qui finalement n’est jamais monté sur une marche de podium de grand tour. Dès 2013, Pinot réalise une très belle Vuelta en Espagne et une 7e place encourageante au général qui augurera de magnifiques prouesses les années suivantes que ce soit à l’international ou devant son public français.

L’homme qui s’est aussi montré à travers ce succès à Porrentruy, c’est Marc Madiot. Le célèbre manager général de la FDJ-Bigmat est une personnalité emblématique qui contribue énormément à la réussite du cyclisme en France par son engagement et son caractère bien trempé mais très professionnel. Dans le final de cette huitième étape, il explose de joie à l’arrivée et encourage son poulain dans toute la descente ce qui montre plusieurs choses. D’abord sa passion pour son sport, il est littéralement possédé et en plein dans son élément, ce dernier qu’il va pouvoir se targuer de maîtriser avec un bijou tel que Thibaut Pinot. Ensuite, c’est un manager engagé qui va dans la voiture au plus près de ses coureurs et qui n’hésite pas à mettre la main à la patte quitte à sacrifier sa voix pour les deux jours suivants. Enfin, il est avant tout motivé et sent que l’avenir sera radieux pour son équipe, voyant Pinot enflammer les routes du Tour. Il imagine dans un coin de sa tête le français lever les bras à nouveau sur des sommets mythiques et pourquoi pas revêtir la tunique jaune. Avec Jean-René Bernaudeau, c’est certainement l’un des plus grands managers français que le vélo a connu ces 10 dernières années, sans conteste possible.

Thibaut Pinot a su devenir un élément incontournable du cyclisme tricolore avec le temps avec des coups d’éclats mais aussi de grosses défaillances qui font de lui un personnage attachant, courageux et puissant. À travers ce succès en Suisse en 2012, il ouvre une page radieuse qui booste la FDJ et son manager transporté mais il ravive aussi la flamme de Bernard Hinault qui attend toujours son successeur. Et pourquoi pas en 2020 ?

Crédits photos : Le JDD, Clicanoo, Le Progrès, Le Télégramme et Francetv sport

 

Pavel Clauzard – 20 avril

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