Accueil » Le tennis espagnol à l’honneur sur les terres d’Aix-En-Provence

Bien que la plupart des joueurs avaient laissé derrière eux leurs glissades sur la terre battue orangée et débuté leur mise au vert, certains joueurs continuaient en cette fin du mois de juin de vouloir faire mordre la poussière sur le tournoi de l’Open CEPAC du pays d’Aix. Dimanche 20 juin, Carlos Taberner, tête de série numéro 6 du tournoi, est sorti vainqueur de son duel face au français Manuel Guinard sur le score de 6-2/6-2, en un peu moins d’une heure de jeu. Un parcours sans fausse note, excepté contre Kyrian Jacquet qui s’est débattu corps et âme pour lui prendre un set. Tout au long du tournoi, sans être impressionnant, Taberner a montré encore une fois à quel point les joueurs espagnols avait dans leurs gènes du sang de couleur ocre. Pourquoi sont-ils aussi imposants sur cette surface ? Quels sont les raisons de leurs succès ? Peut-on réussir à adopter leur modèle de réussite ? Les Reporters Incrédules ont été en immersion pour répondre en détails à ces questions.

Les facteurs clés de réussite

Sous la chaleur accablante de la Provence, l’espagnol a parfaitement su dompter les conditions pour conserver une fraîcheur et une constance tout au long du tournoi. En effet, en Espagne, le climat chaud permet aux joueurs d’être physiquement et mentalement prêts pour tous matchs à l’extérieur. « Qu’il pleuve, qu’il fasse très chaud, tu dois jouer, tu dois être fort et construire ton tennis par n’importe quelles conditions. » Les joueurs ibériques sont souvent vus comme étant les plus physiques sur un court. Lors de son match face à Kyrian Jacquet en demi-finale, Carlos Taberner n’a pas dérogé à la règle. En perdant le deuxième set 7-6 face à un Français remonté et boosté à bloc par le public et son entourage, l’espagnol est resté calme, serein, a juste lâché un fameux « Vamos » en retournant s’asseoir et a démarré la troisième manche tambour battant. Précis, véloce, sans proposer un tennis flamboyant, Taberner a montré toute la consistance et la solidité qu’un Espagnol peut produire sur terre battue et s’est imposé 6-0 dans le 3ᵉ set en écœurant le français. L’intéressé nous a expliqué que « ce n’était pas facile, il a joué de façon très rapide et il a beaucoup varié avec ses amorties, j’ai su rester calme et frais pour le troisième set où j’ai pu être plus en forme que lui. » En Espagne, l’accent est placé sur la défense et certains ne privilégient uniquement que cette partie du jeu. Les coachs exigent que leurs joueurs soient des bêtes jamais fatiguées et pouvant combattre avec une grande énergie tout au long du match.
Un des entraîneurs espagnols nous a confié : « nous mettons intentionnellement nos joueurs en mode dépassement de soi à un jeune âge, le résultat est un noyau de joueurs avec une très forte férocité et un goût de l’effort prononcé. » Tout au long du tournoi, le jeu du natif de Valence était quelque peu simple : faire le moins d’erreurs possible et utiliser son coup droit pour combiner puissance et effet. Il a pu également compter sur un petit jeu de jambes parfaitement adapté et une vision du jeu idéale pour anticiper les différents jeux proposés par ses adversaires. Le physique, c’est important, mais la tactique l’est tout autant dans les gènes espagnols. Sur terre battue, les joueurs doivent bouger et frapper leurs coups en faisant preuve de patience, ce qui favorise une construction des points plus importants : où est mon adversaire ? Comment puis-je lui faire mal ? Comment puis-je utiliser toute la géométrie du court ? Le tennis devient un jeu d’échec, et les conditions lentes sur la terre obligent le joueur à développer au maximum sa stabilité et sa polyvalence de jeu.

Comment le tennis français peut-il s’en inspirer ?

Le tennis espagnol montre à quel point l’importance des générations peut être cruciale. La génération française (Tsonga, Simon, Gasquet, Monfils) se doit de jouer avec les nouveaux espoirs du tennis français pour améliorer l’ensemble du modèle français. Un exemple des plus marquant est celui d’un certain Rafael Nadal, qui s’est entraîné des centaines d’heures avec son coach actuel qu’est Carlos Moya. Ce genre d’échange favorise l’esprit compétitif et montre les étapes qu’il faut franchir pour atteindre leurs niveaux. Plus récemment, Juan Carlos Ferrero, ancien numéro 1 mondial, qui travaille avec la jeune pépite Carlos Alcaraz. En héritant de toute l’expérience de son mentor, Alcaraz devient au quotidien un joueur complet et de haut standing. La terre battue est une surface bien particulière qui nécessite de nombreuses heures d’apprentissages. Beaucoup d’académies se dotent de ces terrains pour créer des joueurs polyvalents, mais le retard reste conséquent. En permettant de construire de plus en plus de « clay court » dans des clubs un peu moins prestigieux, les coachs pourraient déceler un joueur à l’aise sur cette surface et capable de gagner des grands titres. Un système de clubs plus forts comme c’est le cas en Espagne permet d’introduire les jeunes joueurs sur les tournois adultes lorsqu’ils sont capables et non pas lorsqu’ils ont l’âge.
Ce type de démarches permettrait de créer des profils avec un noyau technique et une base solide. Selon Emilio Sanchez, « l’important des jeunes joueurs est leur âge philosophique et non pas leur date de naissance. Le tennis espagnol est donc un modèle de réussite pour le monde entier, de la plus haute catégorie (Nadal) aux catégories un peu inférieures (Taberner, Alcaraz). Ce système comporte néanmoins des failles notamment le fait que les joueurs espagnols sont peu à l’aise sur les surfaces dures en étant freiné par leur jeu défensif. Toni Nadal, l’entraîneur iconique, a précisé que « le futur du tennis espagnol est une combinaison entre une consistance et une solidité implacable, doublé d’une agressivité et d’un esprit d’attaque notamment sur les autres surfaces que la terre. »

Crédits photos : Icône Agence, Raquetc et Tennis Head

Florian Ignace – 25 juillet

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